Sous des averses de neige, des soldats estoniens et leurs alliés de l’Otan français et britanniques jouent à se livrer bataille à grand renfort de chars, d’artillerie et d’infanterie. Mais l’enjeu relève autant de l’entraînement militaire que de la diplomatie, dans ce pays balte voisin d’une Russie qui inquiète.

L’exercice annuel " Winter Camp " qui vient de s’achever dans le Nord-Est de l’Estonie, à 100 km de la frontière russe, a mis à l’épreuve de conditions hivernales extrêmes plus de 1.300 soldats. Prévues de longue date, ces manoeuvres de l’Otan prennent un relief particulier à l’heure où la Russie a massé plus de 100.000 hommes plus au sud, autour de l’Ukraine, pour protester contre la présence militaire de l’Alliance atlantique à ses frontières.

Dimanche, à la veille d’une rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, la Première ministre estonienne Kaja Kallas a évoqué avec le président français " les dernières évolutions des mouvements de troupes russes et les perspectives diplomatiques ", et appelé de ses voeux dans un tweet " une dissuasion renforcée " à l’égard de Moscou.

De l’avis général des militaires en Estonie, la situation reste calme à la frontière entre le petit pays balte de 1,3 million d’habitants et le Nord de la Russie.

" Nous sommes bien conscients de ce qui se passe en Ukraine mais nous ne jugeons pas nécessaire pour l’instant de changer de posture opérationnelle ", commente le colonel d’infanterie estonien Andrus Merilo,  venu participer à l’exercice dans les plaines enneigées de la région de Tapa.

Toutefois, " nous comprenons aussi que notre voisin pourrait agir de manière agressive et nous sommes prêts à les contrer ", souligne l’officier à l’imposante carrure, tenue camouflage blanche et bottes montantes jusqu’aux genoux.

Jusqu’en 1991, l’Estonie comme la Lettonie et la Lituanie voisines étaient des républiques soviétiques. Depuis, les pays baltes ont rejoint l’Union européenne et l’Otan en conservant une profonde méfiance à l’égard de la Russie, que le comportement aux frontières ukrainiennes ne fait qu’exacerber.

" Besoin de chars "

Après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l’Otan a déployé des groupements tactiques multinationaux dans les trois pays baltes et la Pologne, pour une mission permanente de " présence renforcée avancée " (Enhanced Forward Presence, EFP), assumée par plusieurs pays membres.

" Nous sommes une assurance-vie pour les Estoniens ", résume le colonel Eric Mauger, numéro un militaire français en Estonie. Quelque 300 soldats français s’apprêtent à achever un mandat d’un an et seront relevés par des Danois.

" Nous ne sommes pas là pour titiller le compétiteur russe. Ils sont au courant de nos exercices, c’est parfaitement transparent. Nous sommes là pour prévenir et dissuader, sans agression ", assure-t-il. La puissance de feu russe n’en est pas moins dans toutes le têtes pendant les manoeuvres.

La proximité géographique de la Russie, " ce n’est pas de mon niveau mais on y pense quand même ", glisse un sous-officier français, enfoncé dans la poudreuse jusqu’aux cuisses au bord d’une piste où stationnent un char français Leclerc et un tank britannique Challenger 2.

A l’orée d’une forêt d’épicéas, devant une clairière d’où s’élève le cliquetis des chenilles de blindés lourds, les soldats estoniens se tiennent en embuscade. L’un d’entre eux porte sur son épaule un lance-missile Javelin. Avec ses petits moyens, l’Estonie mise sur ces armes antichar pour freiner une éventuelle incursion russe en attendant l’arrivée des renforts de l’Otan. Le pays a aussi acquis des missiles antichar israéliens Spike dernière génération.

" La présence avancée renforcée EFP est positive car nous avons besoin de chars pour résister à d’autres chars. Nous n’avons pas cette capacité. Hier pendant l’exercice, nos véhicules de combat ont été battus par les chars britanniques et français. Toute notre compagnie a été décimée ", souligne le sergent major estonien Ivo Petjärv.

Soucieuse de rendre la pareille à ses alliés, l’Estonie participe de son côté aux opérations antijihadistes menées au Sahel sous commandement français, à des milliers de kilomètres du flanc oriental de l’Europe au coeur de ses préoccupations.

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