Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Chine mène un délicat numéro d’équilibriste, entre condamnation de l’ingérence étrangère et protection de ses liens avec Moscou, jugés essentiels pour le pays. Ainsi, les médias chinois utilisent un vocabulaire volontairement vague pour qualifier la guerre, la qualifiant de " conflit " ou de " combats ", tandis que les condamnations de l’invasion russe sont systématiquement censurées à la télévision et sur les réseaux sociaux.  Le pays relaie les allégations russes, selon lesquelles la guerre est la responsabilité de l’OTAN et son expansion aux frontières de la Russie, tout en maintenant officiellement que la Chine " développe des liens avec toutes les parties pour injecter la stabilité dans le monde ". Par ailleurs, la Chine semble adhérer aux accusations de la Russie, qui ont affirmé la semaine dernière que les États-Unis avaient stocké des armes biologiques en Ukraine. Moscou compte sur la Chine pour lui fournir des équipements militaires ainsi que des moyens pour contourner les sanctions imposées par l’Occident sur son économie. 

Zhang Jun, représentant de la Chine aux Nations-Unies, s’exprime durant la réunion du Conseil de sécurité le 11 mars 2022 à New York. (AFP)

Tandis que s’étend la guerre en Ukraine, les médias en Chine présentent une version bien à eux de l’invasion russe, qui s’inspire largement de la rhétorique de Vladimir Poutine.

Proche du président russe, le régime chinois se refuse depuis l’intervention du 24 février à employer le mot " invasion " et rejette la faute du conflit sur les Occidentaux et " l’expansion " de l’Otan.

La Chine n’a d’ailleurs pas condamné l’invasion russe.

Cette posture est relayée par les médias officiels et les réseaux sociaux, dans un contexte de strict contrôle de l’information.

Le jour où le président russe Vladimir Poutine annonçait l’assaut, l’agence de presse Chine nouvelle reprenait les éléments de langage du Kremlin: il s’agit d’une " opération militaire spéciale " et la Russie n’a " aucune intention " d’occuper l’Ukraine.

Les médias évitent soigneusement le terme de " guerre ", préférant les mots " conflit " ou " combats ".

" La Chine utilise intentionnellement un langage très vague ", explique à l’AFP Justyna Szczudlik, spécialiste de la Chine à l’Institut polonais des affaires internationales. Ce faisant, Pékin espère ne pas se mettre en porte-à-faux avec ses partenaires européens, explique-t-elle.

La Chine doit en effet jongler avec deux impératifs de sa politique étrangère : d’un côté, un sacro-saint attachement à défendre " la souveraineté et l’intégrité territoriale " des États (malgré la violation de celles de l’Ukraine).

De l’autre, un rapprochement avec Moscou, trempé dans l’hostilité commune envers les États-Unis.

La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, a salué une amitié " solide comme un roc " avec la Russie.

Et de défendre les " préoccupations légitimes (de Moscou) en matière de sécurité ". Comprendre : l’expansion de l’Otan est à l’origine du conflit.

Ce délicat numéro d’équilibriste touche également les médias.

Une directive officielle qui a fuité en ligne les appelle à ne pas diffuser de contenus défavorables à la Russie.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques à Pékin, une condamnation de la guerre n’a ainsi pas été traduite à la télévision chinoise.

De leur côté, les détenteurs en Chine des droits du championnat de foot anglais ont tout simplement renoncé à diffuser les matches du premier week-end de mars: les joueurs avaient prévu de manifester leur soutien à l’Ukraine.

Sur les réseaux sociaux, des mots-dièses pro-Poutine et des appels à la capitulation des Ukrainiens circulent sans se heurter à la censure alors que les messages pro-Kiev sont bloqués.

Des théories du complot russes sont également prises pour argent comptant par certains médias.

" Il n’y a pas de fumée sans feu ", commentait ainsi le Global Times, au sujet d’affirmations russes sur de prétendus laboratoires biologiques américains en Ukraine.

Le quotidien, au ton volontiers nationaliste, est en revanche resté coi sur le démenti de Washington, qui qualifie ces allégations de " mensonges purs et simples ".

" Comme tout pays, la Chine […] prend avant tout en compte ses propres intérêts ", relève l’analyste Richard Ghiasy, du Centre d’études stratégiques de La Haye. Or, " des liens stables et prévisibles avec la Russie sont absolument essentiels " pour Pékin.

Les médias chinois ne s’attardent guère sur l’afflux de réfugiés dans l’Union européenne.

En revanche, la chaîne publique anglophone CGTN, destinée à un public étranger, a accordé un " entretien exclusif " au leader de la République autoproclamée de Donetsk dans l’est de l’Ukraine, uniquement reconnue par Moscou.

Dans cet entretien, Denis Pouchiline évoquait les " zones libérées " par l’armée russe et assurait que " la grande majorité des citoyens veulent être aussi proches que possible de la Russie ".

Malgré ce parti pris médiatique, la diplomatie chinoise tente de se positionner en actrice impartiale prête à jouer un rôle de médiatrice entre Kiev et Moscou.

La Chine maintient une " politique indépendante sur la question de l’Ukraine (et) développe des liens avec toutes les parties pour injecter la stabilité dans le monde ", relevait vendredi le Global Times.

Pékin considère l’invasion russe comme un acte de " défense " face à l’Otan, souligne M. Ghiasy. À cet égard, la Chine " a une position claire et ne changera pas ".

Avec AFP

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !