En froid depuis plus d’une décennie, la Turquie et Israël ont récemment opéré un rapprochement, officialisé par la visite du président Herzog à Ankara le 9 mars 2022. Un réchauffement diplomatique vu d’un mauvais oeil par le Hamas. Le mouvement islamiste palestinien craint que son allié turc indéfectible ne le délaisse au profit de l’ennemi hébreu. Il espère cependant que la Turquie en profite pour plaider sa cause auprès des Israéliens.

La récente visite du président israélien Isaac Herzog en Turquie est source d’inquiétude, mais aussi d’un mince espoir, pour le mouvement palestinien Hamas, attaché au soutien d’Ankara qui lui offre une base arrière politique, selon des analystes.

Le Hamas, organisation islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza jugée terroriste par Israël, l’Union européenne et les Etats-Unis, considère la Turquie comme l’un de ses plus grands alliés, d’autant que son président, Recep Tayyip Erdogan, s’est posé en ardent défenseur de la cause palestinienne. La Turquie accueille sur son territoire de hauts cadres du mouvement, dont Salah al-Arouri, qui y vit depuis des années. Et les chefs de son bureau politique et de sa diplomatie, respectivement Ismaïl Haniyeh et Khaled Mechaal, s’y rendent régulièrement.

Mais après plus d’une décennie de froid diplomatique – provoqué par l’affaire du Mavi Marmara en 2010 lorsque des forces israéliennes ont lancé un assaut meurtrier sur un navire turc tentant d’acheminer de l’aide à Gaza sous blocus israélien – l’Etat hébreu et la Turquie ont récemment enclenché un rapprochement. Celui-ci s’est traduit par une rencontre la semaine dernière en Turquie entre le président israélien Isaac Herzog et M. Erdogan qui ont salué un " tournant " dans les relations entre les deux pays.

Dans la bande de Gaza sous son pouvoir, le Hamas a critiqué ce déplacement d’Isaac Herzog, sans toutefois tancer son allié turc. Le Hamas ne s’immisce dans la politique interne d’aucun pays et veut " préserver une relation bonne et équilibrée avec tous les pays arabes et musulmans, et particulièrement avec la Turquie ", indique à l’AFP un haut responsable du mouvement sous le couvert de l’anonymat. Confiant, il estime que la Turquie résistera " à la pression d’Israël pour expulser ou restreindre les Palestiniens ou le Hamas ".

Dans les coulisses toutefois, " le Hamas est préoccupé ", affirme Moukhaimer Abou Saada, professeur de sciences politiques à l’université al-Azhar de Gaza. Avant même la visite du président israélien, des responsables turcs ont abordé avec le leadership du Hamas la question de son futur sur le sol turc, sans toutefois remettre en cause, pour l’heure, ses activités, affirme à l’AFP une source proche de l’organisation résidant en Turquie.

" Il est attendu qu’Israël augmente la pression sur les autorités turques. Je présume que des leaders du Hamas vont partir, peut-être pour Beyrouth ou l’Iran, car la Turquie va être moins accueillante ", dit M. Abou Saada. Entre le soutien au mouvement islamiste et la coopération avec Israël, la Turquie semble pencher pour la seconde option, car elle est confrontée à l’effondrement de la livre turque et à une crise économique domestique, relève-t-il. En janvier, le président Erdogan s’était notamment dit prêt à coopérer avec Israël sur un projet de gazoduc, auquel il s’était autrefois opposé.

Aux yeux du Hamas, le soutien de la Turquie est trop important pour risquer de le mettre en jeu. Le groupe " ne sacrifiera pas ses relations avec la Turquie, car c’est un allié et une base financière et politique ", indique Naji Shourab, un autre professeur de sciences politiques à l’université Al-Azhar de Gaza.

Actuellement, l’Egypte joue les médiateurs entre Israël et le Hamas, mouvement islamiste lié à la mouvance des Frères musulmans, qui entretient des relations houleuses avec Le Caire. Or, selon M. Shourab, le Hamas pourrait en fait tirer parti du rapprochement entre Israël et la Turquie si Ankara devient un interlocuteur privilégié des deux parties pour ainsi " faire pression sur Israël " pour le convaincre d’alléger son blocus sur Gaza en vigueur depuis 2007.

Dans ce scénario, la Turquie pourrait opter pour une position médiane envers le Hamas en " maintenant sa présence sur son sol tout en ne permettant pas des activités financières, politiques et médiatiques tangibles ", ajoute l’analyste.

Ankara devrait en outre se garder d’un changement de position trop brusque vis-à-vis du Hamas, car son soutien affiché à la cause palestinienne est un atout de sa politique étrangère vis-à-vis des pays musulmans, estime Hossam al-Dajani, spécialiste des mouvements islamistes.

Avec AFP

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