Les cas de féminicides et de violences domestiques explosent au Kurdistan irakien. Depuis le début de l’année, 11 femmes ont déjà été tuées, généralement par un membre de leur famille. Elles étaient 45 à avoir perdu la vie en 2021, contre 25 l’année précédente. Les ONG pointent du doigt une certaine impunité pour les tueurs, bien que la région autonome soit dotée de lois punitives contre ce genre de crimes depuis 2011.

Une femme brûlée vive par son époux, d’autres tuées par balle par un père ou un frère: au Kurdistan d’Irak, les autorités locales et des ONG tirent la sonnette d’alarme sur les féminicides et les violences domestiques.

Dans cette région autonome du nord de l’Irak qui veut présenter une image de stabilité et de tolérance, l’assassinat d’une personne transgenre par son frère a provoqué en février une vague de haine contre la victime sur les réseaux sociaux, même si certains ont défendu les droits des minorités.

" Ces deux derniers mois, il y a une hausse des féminicides en comparaison avec l’année dernière ", indique Hiwa Karim Jwamir, porte-parole à Souleimaniyeh du Département gouvernemental de lutte contre les violences faites aux femmes. En janvier et février, 11 femmes ont déjà été tuées au Kurdistan, la majorité d’entre elles par balle, selon le responsable. Pour l’ensemble de l’année 2021, le nombre de victimes était de 45 dans la région, contre 25 l’année précédente, ajoute-t-il.

Vendredi 18 mars, une adolescente de 15 ans a été tuée de " six balles " par son père dans le village de Soran. L’homme a dit à la police que sa fille " était sortie avec deux garçons à une heure tardive de la nuit ", selon une unité de lutte contre les violences domestiques.

Depuis des années, des militants dénoncent aussi excisions et mariages forcés dans une société irakienne largement conservatrice et patriarcale. Le reste du pays connaît aussi son lot de violences faites aux femmes: en décembre dernier, une jeune fille de 16 ans a été défigurée à l’acide à Bagdad par un adulte qu’elle avait refusé d’épouser.

Au Kurdistan, " les cas de violences envers les femmes sont en hausse ", confirme Bahar Munzir, directrice de l’ONG locale People’s development organization. " La plupart des femmes qui sont tuées sont victimes d’un membre de leur famille ". Début mars, le cadavre de Maria Sami, 20 ans, connue pour ses discours féministes, a été retrouvé en bord de route à Erbil, capitale du Kurdistan.

La police de Kirkouk a arrêté son frère le 9 mars. Avant son interpellation, l’adolescent joint par une télévision se justifiait en disant que sa soeur n’obéissait pas à la famille.

En février, Shinyar Houner Rafik, mère de deux enfants, est, elle, décédée à l’hôpital. " Son mari était rentré soûl un soir. Il a recouvert son corps d’essence et y a mis le feu ", raconte à l’AFP le père de la victime, Houner Rafik. Le mari a été arrêté.

Le Premier ministre du Kurdistan Masrour Barzani a dénoncé une " affaire horrible ". " Le gouvernement doit imposer le châtiment le plus lourd possible aux auteurs " de ces crimes, a-t-il insisté. " Ces crimes dits d’honneur n’ont rien à avoir avec l’honneur ".

Hana Shwan, de l’ONG Civil Development Organization, pointe toutefois du doigt un climat d’impunité qui serait responsable de cette hausse des violences. " Il y a des manquements dans l’application de la loi et l’absence de procédures judiciaires contre les accusés ", dit-elle.

En 2011, le Kurdistan avait voté une loi criminalisant l’excision et les violences domestiques. Le texte, prévoyant jusqu’à la perpétuité pour les auteurs de crimes dits d’honneur, a été salué par les ONG. Mais son application reste inégale, malgré certains cas médiatisés.

" Quand une femme est tuée, la façon dont les services de sécurité (puis judiciaires) traitent le cas n’est pas la même que si c’est un homme ", affirme la militante Bahar Munzir. " Certaines affaires n’arrivent même pas devant les tribunaux. Elles font l’objet d’un arrangement entre la famille " de l’auteur des violences et celle de sa victime.

Début février, la police de Dohouk a retrouvé le corps de Doski Azad, personne transgenre de 23 ans, ostracisée par sa famille. Un mandat d’arrêt a été émis pour retrouver son frère, accusé du meurtre. Mais celui-ci a fui l’Irak, selon les autorités. Le drame a été condamné par la mission de l’ONU en Irak et des consulats occidentaux à Erbil.

Entre 2020 et 2021, dans tout l’Irak, les violences basées sur le genre ont augmenté de 125%, dépassant les 22.000 cas, selon l’Unicef. L’agence évoque aussi " une augmentation inquiétante de la dépression et des suicides parmi les femmes et les filles, en particulier chez les déplacées et les réfugiées. "

Avec AFP

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