Alors que la guerre en Ukraine secoue les marchés de l’énergie et de l’alimentation, une rencontre tripartite – première du genre – a réuni à Charm el-Cheikh, station balnéaire sur la mer Rouge, le président Abdel Fattah al-Sissi, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, et le dirigeant de facto des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed. Elle a porté " notamment sur l’énergie et la sécurité alimentaire ", selon le porte-parole de la présidence égyptienne, Bassam Radi.

Les pays pétroliers du Golfe, dont les Émirats, résistent aux pressions occidentales pour accroître la production et freiner l’envolée des prix du brut provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. L’Égypte, qui importe 85% de son blé et 73% de son huile de tournesol d’Ukraine et de Russie, subit de plein fouet la flambée inédite des prix des céréales et du pétrole née de l’invasion par Moscou de son voisin.

Normalisation avec l’État hébreu

L’Égypte, Israël et les Émirats sont des pays alliés des États-Unis mais ils entretiennent également des relations avec la Russie et leur position est restée prudente face à la guerre en Ukraine. L’Égypte est le premier pays arabe à avoir signé en 1979 un traité de paix avec Israël, mettant fin à l’état de guerre entre les deux pays voisins. Mais elle n’avait jamais depuis normalisé ses relations avec Israël, entretenant plutôt une paix froide avec son voisin en raison du fort soutien de sa population à la cause du peuple palestinien. Les Émirats arabes unis, monarchie pétrolière du Golfe qui n’a jamais été en conflit avec Israël, ont eux normalisé leurs relations avec l’État hebreu en 2020 dans le cadre des accords dits d’Abraham signés sous l’égide de Washington.

Pour le professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, Mostafa Kamal Sayed, les accords d’Abraham ont permis une normalisation qui va " au-delà des questions sécuritaires ". " Les Émirats tentent de partager ces nouvelles relations de coopération avec les pays du Moyen-Orient (…) et l’Égypte est un partenaire important ". Cette réunion inédite est donc " une illustration réelle de cette tentative " et c’est " une grande réussite pour Mohammed ben Zayed ". M. Bennett avait rencontré en septembre le président Sissi lors de la première visite en Égypte d’un chef de gouvernement israélien depuis 10 ans et s’était rendu aux Émirats en décembre 2021.

Mardi, l’agence de presse officielle des Émirats, Wam, a indiqué que la réunion de Charm el-Cheikh a porté sur le " renforcement des relations ainsi que l’importance de la coopération, la coordination et le dialogue pour répondre aux aspirations de développement et de stabilité dans la région ".

L’ombre de l’Iran

La rencontre intervient également sur fond de pourparlers entre l’Iran et les grandes puissances sur le dossier du programme nucléaire iranien, dont l’impact d’un potentiel accord est jaugé par Israël et plusieurs pays arabes, comme l’Égypte et les Émirats.

L’État hébreu voit d’un mauvais œil un possible accord international sur le programme nucléaire de l’Iran, son ennemi numéro un, M. Bennett dénonçant une volonté de signer un accord " presque à n’importe quel prix ". L’Iran et les États-Unis négocient depuis onze mois à Vienne pour relancer le texte conclu en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances pour garantir qu’il n’y aurait jamais de bombe atomique iranienne. L’accord est moribond depuis que les Américains l’ont quitté en 2018 et rétabli les sanctions asphyxiant l’économie iranienne, ce qui a poussé la République islamique à s’affranchir des restrictions-clés à son programme nucléaire. Les États-Unis ont jugé mercredi dernier qu’un compromis était " proche ", notamment après plusieurs signaux positifs, dont la libération de deux Irano-Britanniques retenus en Iran depuis plusieurs années.

Avec AFP