Alors que la population de Boutcha compte ses morts, les recherches macabres pour trouver les corps des proches commencent. Le déblaiement en cours dans les autres villes voisines de Kiev déterre d’autres charniers. Le président Zelensky prédit la découverte de situations " encore plus horribles ".

A Washington, le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, a déclaré au cours d’une audition au Congrès que Vladimir Poutine a " renoncé " à prendre Kiev pour se focaliser sur les zones séparatistes du Donbass et l’issue de la guerre en Ukraine " reste à voir ".

" Poutine pensait qu’il pourrait très rapidement prendre le contrôle de l’Ukraine, très rapidement prendre le contrôle de la capitale. Il avait tort ", a déclaré le ministre.

" Je pense que Poutine a renoncé à ses efforts pour capturer la capitale et se concentre maintenant sur le sud et l’est du pays ", a-t-il ajouté devant la commission des forces armées du Sénat.

Mais l’issue de la guerre, qui s’annonce longue, reste incertaine, a indiqué pour sa part le chef d’état-major américain, le général Mark Milley.

" Ce sera un travail de longue haleine ", a-t-il estimé. " Il y a encore une bataille importante à venir dans le sud-est où les Russes ont l’intention de masser des forces et de poursuivre leur assaut. Donc ça reste à voir, comment tout ceci va se finir ".

60.000 systèmes antichars, 25.000 systèmes anti-aériens

L’Ukraine a reçu quelque 60.000 systèmes antichars des Etats-Unis et de leurs alliés et l’armée ukrainienne utilise des mines anti-personnelles qui obligent les soldats russes à combattre dans des zones dans lesquelles ils sont plus vulnérables, a noté le général Milley.

Les Occidentaux ont aussi fourni aux Ukrainiens quelque 25.000 systèmes anti-aériens de types divers qui ont empêché la Russie de prendre le contrôle de l’espace aérien ukrainien, a ajouté le plus haut gradé américain.

Il a noté que l’armée ukrainienne demandait désormais des chars et de l’artillerie pour pouvoir repousser la prochaine offensive russe.

" Le terrain (dans le sud-est) est différent de celui du nord. Il est beaucoup plus ouvert et favorable à des opérations de blindés des deux côtés ", a-t-il expliqué. " Ils pourraient faire avec plus de chars et d’artillerie, et c’est ce qu’ils demandent ".

Le ministre de la Défense a semblé reconnaître que les Etats-Unis considéraient, en tout cas au début du conflit, que l’Ukraine serait incapable de reprendre le contrôle des régions séparatistes de Donetsk et Lougansk, dans le Donbass, à présent l’objectif affiché de Moscou.

Questionné avec insistance par le sénateur républicain Tom Cotton, sur les informations que le renseignement militaire américain partage avec les Ukrainiens, M. Austin a admis qu’elles ne couvraient pas jusqu’ici les régions séparatistes.

" Nous leur fournissons du renseignement pour mener des opérations ", y compris dans le Donbass, a-t-il commencé à dire.

Mais lorsque M. Cotton lui a demandé explicitement si ces renseignements concernaient les zones contrôlées depuis 2014 par les séparatistes prorusses, il a reconnu que les instructions données jusqu’ici aux analystes militaires n’étaient " pas claires ".

" Nous voulons nous assurer que c’est sûr pour nos forces ", a-t-il ajouté. " C’est l’objectif des nouvelles instructions (qui) partent aujourd’hui ".

Les services de renseignements américains avaient annoncé la guerre en Ukraine avec une exactitude remarquable, mais ils n’avaient pas prévu la résistance féroce des Ukrainiens. Ils craignaient que Kiev ne tombe en 48 heures et que M. Zelensky ne soit immédiatement déposé pour être remplacé par un régime prorusse.

 

 

 

A Boutcha, après l’horreur, la délicate recherche des proches
Après l’horreur, la délicate recherche: les habitants de Boutcha libérée, où des dizaines de cadavres de civils ont été découverts le week-end dernier, tentent désormais de connaître le sort de leurs proches dont ils sont sans nouvelles.   Certains savent déjà ce qu’il s’est passé pour leurs amis, voisins, collègues, quand d’autres espèrent encore que le pire ne soit pas arrivé.
Une vague d’indignation a eu lieu après la découverte de dizaines de morts, portant des vêtements civils et pour certains les mains attachées dans le dos, dans les zones dont s’est retirée l’armée russe et notamment dans la localité de Boutcha, près de Kiev.
L’Ukraine et ses soutiens accusent les troupes russes qui ont quitté le nord du territoire ukrainien et ainsi cessé de chercher à prendre la capitale, d’être responsables de ces " crimes de guerre ".La Russie dément toute exaction, dénonçant une " provocation " ukrainienne. Elle a qualifié le vote d' "illégal ".Une enquête sur les faits de Boutcha est " la prochaine étape ", a déclaré jeudi un haut responsable de l’Onu lors d’un déplacement dans cette ville proche de Kiev.   " Le monde est déjà profondément choqué ", a affirmé Martin Griffiths, le secrétaire général adjoint de l’Onu pour les Affaires humanitaires, à un responsable de la mairie de Boutcha, assurant que " la prochaine étape est de mener une enquête ".Le diplomate britannique, en pantalon et t-shirt noirs, est arrivé à Boutcha accompagné d’Amin Awad, coordinateur des Nations unies pour la crise en Ukraine.Ils se sont rendus devant la mairie, quelques minutes après que le drapeau ukrainien a été hissé sur le toit du bâtiment officiel pour la première fois depuis l’occupation de la ville par les Russes.

M. Griffiths a échangé avec un responsable de la mairie avant d’aller à pied jusqu’à la fosse commune creusée par les Ukrainiens près de l’église face à l’afflux de corps.  Il y a échangé pendant vingt minutes avec un responsable local qui lui a notamment expliqué comment des civils avaient été tués ces dernières semaines.

 

 

 

 

 

Nouvelles sanctions de l’UE et du G7
La Russie, accusée de " crimes de guerre " en Ukraine, a fait l’objet jeudi d’un embargo de l’UE sur son charbon et de nouvelles sanctions du G7 et de Washington, tandis que Kiev exhortait les civils à fuir les régions de l’Est, menacées par une offensive russe.
Les représentants des Vingt-Sept ont décidé également la fermeture des ports européens aux navires russes, dans le cadre d’une cinquième salve de sanctions contre Moscou, a annoncé la présidence française du Conseil de l’UE.
L’UE est prête parallèlement à débloquer 500 millions d’euros de plus pour financer des armes pour l’Ukraine, a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel.C’est la première fois que les Européens frappent le secteur énergétique russe, dont ils sont très dépendants.L’UE importe 45% de son charbon de Russie pour une valeur de 4 milliards d’euros par an. Cet embargo entrera en vigueur début août.Ce paquet " très substantiel " prévoit l’interdiction d’exportations vers la Russie, notamment de biens de haut technologie, à hauteur de 10 milliards d’euros, de nouvelles sanctions contre des banques russes, selon la même source.De leur côté les pays du G7 ont annoncé de nouvelles sanctions économiques à l’encontre de la Russie, dont une interdiction de tout nouvel investissement dans des secteurs clefs en réaction à " la poursuite de l’escalade de la guerre " en Ukraine.Et par un vote au Congrès, les Etats-Unis ont officiellement révoqué jeudi le statut commercial de la Russie et du Belarus, ouvrant la voie à des droits de douane punitifs.

 

 

Moscou suspendue du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu

Ces nouvelles sanctions interviennent alors que l’Assemblée générale des Nations Unies, qui rassemble tous les pays membres et au sein de laquelle il n’y a pas de droit de veto, a adopté dans la journée la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’Homme, la deuxième dans l’histoire de l’ONU après l’éviction de la Libye en 2011.

Le président américain Joe Biden a, dans un communiqué, " applaudi " ce vote, estimant que " les mensonges de la Russie ne tiennent pas face aux preuves incontestables de ce qui se passe en Ukraine. "

Les indications de viols, de tortures, d’exécutions – avec dans certains cas des corps profanés – sont une insulte à l’humanité ", a-t-il ajouté.

Des communications russes accablantes interceptées par les Allemands
Les services de renseignement allemands (BND) ont enregistré des communications radio de soldats russes dans lesquelles ils évoquent les exactions commises à Boutcha, affirme jeudi le magazine der Spiegel.Le contenu de certains échanges correspond aux photos de cadavres retrouvés à Boutcha selon la même source.Des responsables du BND ont informé des députés de ces conversations interceptées, poursuit der Spiegel, pour qui ces enregistrements viennent contredire la version livrée par Moscou selon laquelle les cadavres de personnes en vêtements civils trouvés à Boutcha y ont été placés après que les troupes russes ont évacué les lieux.Ainsi, dans l’un des messages radio évoqué par der Spiegel, un soldat explique à un autre que lui et ses collègues ont abattu une personne à vélo. Or, la photo d’un cadavre couché sur son vélo a fait le tour du monde et des journalistes de l’AFP ont vu ce cadavre ainsi que ceux d’une vingtaine d’hommes habillés en civil en parcourant l’une des plus longues artères de Boutcha.Dans un autre message radio, un homme affirme : " On interroge d’abord les soldats, puis on les abat ".Ces messages confirment également que des mercenaires russes du groupe Wagner en Ukraine auraient participé à ces exactions, poursuit le magazine. "Les soldats parlaient des atrocités comme de leur vie quotidienne ", écrit-il, assurant que ces exécutions n’ont pas été commises de façon accidentelle par des soldats russes agissant sans ordre.

Ces découvertes ne se limitent pas à Boutcha.  A Motijine, à 50 kilomètres à l’ouest de Kiev, l’AFP a vu quatre corps à demi-enterrés dans une fosse creusée en forêt.  Parmi eux, la maire de ce village, son mari et son fils qui avaient disparu.

 

 

Vingt-six corps extraits à Borodianka

Vingt-six corps ont été extraits par les secouristes ukrainiens des décombres de deux immeubles d’habitation bombardés à Borodianka, au nord-ouest de Kiev, a annoncé jeudi la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova.

C’est " la ville la plus détruite de la région " de la capitale, a-t-elle souligné sur Facebook. " Seule la population civile a été visée ".

Dans un message vidéo jeudi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré que la situation à Borodianka est " bien plus horrible " qu’à Boutcha. " Il y a plus de victimes ".

Mais " chaque crime sera élucidé et chaque bourreau sera retrouvé ", a-t-il dit. " Je le souligne encore une fois : il faut plus de sanctions, des sanctions plus courageuses ".

 

 

 

 

A Marioupol, cité portuaire assiégée et dévastée par l’armée russe depuis fin février et où se terrent toujours quelque 100.000 habitants, le " nouveau maire " proclamé par les forces pro-russes a annoncé jeudi qu' "environ 5.000 personnes " étaient mortes parmi la population civile de cette ville ukrainienne.

" Environ 60 à 70% du parc de logements a été détruit ou partiellement détruit ", a ajouté Konstantin Ivachtchenko, nommé à la tête de la ville mercredi par Denis Pouchiline, dirigeant des séparatistes de Donetsk.   Les autorités ukrainiennes ont avancé des bilans beaucoup plus lourds.

A l’Est, le pire est à venir

Mais c’est l’Est de l’Ukraine qui fait désormais figure de principal objectif des forces russes, qui ont subi " des pertes militaires importantes ", a reconnu jeudi le porte-parole du Kremlin, évoquant " une immense tragédie "

Craignant une offensive contre ces régions orientales, les autorités ukrainiennes ont à nouveau appelé la population civile à les quitter.

" Les prochains jours sont peut-être la dernière chance pour partir. Toutes les villes libres de la région de Lougansk sont sous le feu ennemi " et les forces russes sont " en train de couper toutes les voies possibles de sortie ", a averti sur Facebook son gouverneur, Serguiï Gaïdaï.

 

 

Un nouvel appel concernant notamment la ville de Severodonetsk, la plus à l’est tenue par les forces ukrainiennes, pilonnée par les troupes russes et où des journalistes de l’AFP ont vu jeudi des civils évacués par cars, pendant que des explosions retentissaient régulièrement à sa périphérie. "Ça tombe de partout. Ce n’est plus possible ", raconte Denis, un quadragénaire pâle comme un linge, le visage émacié, à qui on donnerait la soixantaine. " On trouve encore un peu de pain le matin à la boutique. Des volontaires et l’armée nous donnent des vivres ". "Regardez les impacts de roquettes, les appartements détruits autour de vous ", montre du menton une grand-mère, serrant son sac à main contre la poitrine. " Cela fait plus d’un mois que l’on vit dans la cave. Je n’ai plus de gaz, d’électricité ni d’eau ".Un " grand nombre " d’évacués sont déjà arrivés à Dnipro, a annoncé jeudi le maire de cette ville industrielle d’un million d’habitants sur le Dniepr, le fleuve qui marque la limite des régions orientales du pays. Il les a d’ailleurs exhortés à " partir, pour (ceux) qui le peuvent ", dans les régions encore plus à l’ouest " car c’est plus sûr là-bas ".

Kiev demande plus d’armes, " maintenant " ou " ce sera trop tard "
Et pour se préparer à contrer l’offensive attendue dans le Donbass, Kiev réclame l’aide des Occidentaux.Le ministre ukrainien des Affaires étrangères s’est rendu à Bruxelles pour demander des livraisons immédiates d’armes à ses homologues de l’Alliance atlantique. "Soit vous nous aidez maintenant, et je parle de jours, pas de semaines, soit votre aide arrivera trop tard. Et beaucoup de gens vont mourir ", a martelé Dmytro Kouleba à l’issue de la réunion.Et de mettre en garde : " au moment où nous parlons, la bataille pour le Donbass est en cours ". Elle " vous rappellera " la " Deuxième Guerre mondiale ", avec " des milliers de chars, de véhicules blindés, des avions, de l’artillerie ".

 

 

 

 

Le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, a assuré que " les alliés étaient conscients de l’urgence de fournir plus de soutien à l’Ukraine ". Il a évoqué un " soutien significatif ", estimant " préférable de ne pas se montrer trop précis sur les armements qui seront fournis ".Le volet diplomatique de la crise ne laisse transparaître aucun signe de progrès. La Russie a affirmé jeudi que l’Ukraine était revenue sur certaines des propositions qu’elle avait faites au cours de pourparlers fin mars à Istanbul et que la Russie avait dit accueillir positivement.Kiev a immédiatement répliqué, en appelant Moscou à " réduire son degré d’hostilité " dans les négociations. Et M. Kouleba a accusé son homologue russe Sergueï Lavrov de se rendre " complice des crimes " commis par l’armée russe en les justifiant.La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé qu’elle se rendrait vendredi à Kiev pour exprimer son " soutien indéfectible " à l’Ukraine dans son " combat courageux " contre l’invasion russe.Avec AFP