Alors que l’Ukraine retient son souffle avant une éventuelle grande offensive russe à l’Est, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé samedi le monde à " se préparer " pour l’éventuelle utilisation par la Russie de ses armes nucléaires.  Moscou tarde à lancer l’assaut dans les régions de Donetsk et Lougansk, dont une partie est de facto annexée. En 2014, après l’annexion de la Crimée, la Russie a envahi cette région dans laquelle elle a établi deux " républiques " fantoches dirigées par ses hommes de main.

N’ayant pas pu avoir une victoire rapide en Ukraine, le président Poutine a fini par se rabattre sur l’Est, dans l’espoir d’élargir sa zone d’occupation et, à terme, l’annexer à la Russie. L’Est ukrainien est, en effet, peuplé d’une majorité russophone acquise à Moscou.  Le président ukrainien a lui-même mis sur la table la possibilité d’une négociation sur le sort de cette région, mais sa proposition est restée lettre morte faute de réponse du côté russe.

Vladimir Poutine a urgemment besoin d’une victoire militaire. Un, pour sauver la face devant le monde après les échecs de son armée, surtout le naufrage de son navire amiral de la flotte de la mer Noire. Deux, pour pouvoir sauver son prestige et celui de Moscou le 9 mai, jour de la commémoration de la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie en 1945.

C’est pour toutes ces raisons que le président Zelensky redoute l’utilisation par l’armée russe d’une arme nucléaire tactique, c’est-à-dire de faible puissance, capable d’anéantir en peu de temps les forces ukrainiennes à l’Est et assurer une victoire. Surtout que Zelensky reprend l’avis du patron de la CIA qui a récemment averti d’une telle option.

 

" Nous ne devrions pas attendre le moment où la Russie décidera d’utiliser ses armes nucléaires. Nous devons nous préparer pour cela ", a-t-il déclaré au cours de cette interview retransmise par six sites d’information ukrainiens, ainsi que par la présidence ukrainienne sur Telegram.   Il faut " des médicaments (contre les radiations), des abris antiaériens ", a-t-il affirmé. " Il faut leur parler, signer des traités, sévir économiquement. (Les Russes) peuvent utiliser n’importe quelle arme, j’en suis convaincu. "Vendredi, Volodymyr Zelensky avait déjà jugé que " le monde entier " devrait être " inquiet " du risque que le président russe Vladimir Poutine, acculé par ses revers militaires en Ukraine, ait recours à une arme nucléaire tactique. "Pas seulement moi, je pense que le monde entier, tous les pays doivent être inquiets ", avait-il déclaré sur la chaîne américaine CNN.

Il faisait écho aux déclarations en ce sens du chef du renseignement extérieur américain William Burns qui avait estimé la veille qu’il ne fallait pas " prendre à la légère " une telle menace.

" Nous n’avons pas vraiment constaté de signes concrets comme des déploiements ou des mesures militaires qui pourraient aggraver nos inquiétudes ", avait toutefois nuancé le chef de la CIA.

Après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février, le Kremlin avait brièvement évoqué la mise en alerte de ses forces nucléaires.

Moscou n’utilisera l’arme nucléaire en Ukraine qu’en cas de " menace existentielle " contre la Russie, avait ensuite déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov sur CNN, sans autre précision.

Selon le très respecté Bulletin of the Atomic Scientists, la Russie est équipée de " 1.588 têtes nucléaires russes déployées ", dont 812 sur des missiles installés à terre, 576 sur des sous-marins et 200 sur des bombardiers.

 

La Russie, qui avait averti qu’elle pourrait à nouveau s’en prendre à Kiev, a bombardé samedi une deuxième usine d’armement près de la capitale de l’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky menaçant quant à lui d’un arrêt des négociations de paix avec Moscou si les derniers soldats ukrainiens dans la ville assiégée de Marioupol étaient " éliminés ".Dans ce port stratégique du sud-est de l’Ukraine, " il n’y a ni nourriture, ni eau, ni médicaments ", s’est emporté dans un entretien avec des médias le chef de l’Etat ukrainien, accusant les Russes de " refuser " la mise en place de couloirs humanitaires.En termes de bilan humain, " Marioupol, cela peut être dix fois Borodianka ", une localité située non loin de Kiev détruite après avoir été pilonnée et théâtre d’exactions présumées pendant son occupation, a-t-il martelé.Dans ce contexte, Volodymyr Zelensky a prévenu que " l’élimination " par les forces russes des militaires ukrainiens toujours présents dans cette cité des bords de la mer d’Azov, qui comptait 441.000 habitants avant la guerre, " mettrait fin à toute négociation de paix " avec la Russie. "Les restes du groupe (de combattants) ukrainien (à Marioupol) sont actuellement complètement bloqués sur le site de l’usine métallurgique Azovstal. Leur seule chance de sauver leur vie est de déposer volontairement leurs armes et de se rendre ", a de son côté déclaré samedi Igor Konachenkov, le porte-parole du ministère russe de la Défense.
Frappes à Kiev

Une personne a été tuée et " plusieurs " ont dû être hospitalisées à la suite de la frappe samedi contre un complexe industriel du quartier de Darnytsky, dans la périphérie de Kiev, qui fabrique notamment des chars, a annoncé le maire de la capitale, Vitali Klitschko.

Un grand nombre de militaires et de policiers étaient présents sur place après l’attaque, empêchant l’accès à ces installations, d’où s’échappait de la fumée, a raconté un journaliste de l’AFP.

La Russie a pour sa part affirmé que " des bâtiments de production d’une usine d’armement à Kiev " avaient été détruits.

Le ministère russe de la Défense a diffusé samedi une vidéo montrant des rescapés présumés du naufrage du croiseur Moskva, alors que l’Ukraine affirme que l’équipage a péri lorsque le navire avait coulé.

Déjà la veille, une frappe russe avait touché un complexe de la région de la capitale produisant les missiles anti-navires Neptune, avec lesquels les Ukrainiens disent avoir coulé le Moskva, le fleuron de la flotte russe de la mer Noire.

Une version que les autorités russes n’ont pas officiellement entérinée, évoquant simplement un incendie provoqué par l’explosion de munitions à bord de ce bâtiment.

Le ministère russe de la Défense a à ce sujet diffusé samedi une vidéo d’une trentaine de secondes présentée comme montrant une rencontre entre le chef de la marine, l’amiral Nikolaï Iévménov, et des rescapés du naufrage du croiseur.

Il s’agit des premières images de membres présumés de l’équipage du Moskva depuis qu’il a sombré.

Kiev et ses environs avaient été relativement épargnés par les bombardements depuis le retrait de l’armée russe de cette zone fin mars, mais la perte jeudi du Moskva, touché par deux missiles ukrainiens selon le Pentagone, a provoqué la colère de Moscou.

Une raffinerie de pétrole touchée

Les forces russes ont en outre bombardé samedi une raffinerie de pétrole dans l’est de l’Ukraine, à quatre kilomètres de Lyssytchansk, tout près de la ligne de front, ont déclaré les autorités locales.

De la route qui longe le site, des journalistes de l’AFP pouvaient voir en fin d’après-midi des cuves encore en feu et un long panache de fumée noire poussé par le vent.

 

La fumée monte d’une raffinerie de pétrole à Lysychansk à environ 120 km au nord de Donetsk.

 

Dans la nuit de vendredi à samedi, le maire d’Aleksandria, à environ 300 km au sud-est de Kiev, a déclaré qu’un missile russe avait frappé l’aéroport de sa ville, sans faire dans l’immédiat état de victimes.

Dans la région méridionale ukrainienne d’Odessa, " la défense antiaérienne russe a abattu en vol un avion de transport militaire ukrainien, livrant un important lot d’armes fournies à l’Ukraine par des pays occidentaux ", a de son côté affirmé samedi le ministère russe de la Défense.

 

Zelensky réclame plus d’armes

Volodymyr Zelensky a par ailleurs réitéré son appel aux Occidentaux à augmenter leur aide militaire.A l’occasion d’un échange téléphonique avec le chef d’état-major des armées américaines Mark Milley, son homologue ukrainien Valery Zaluzhny a lui aussi insisté sur le besoin impérieux en armes et en munitions.

Mais, d’après le Washington Post, la Russie a adressé cette semaine aux Etats-Unis une plainte officielle mettant en garde le gouvernement américain contre des " conséquences imprévisibles " si son assistance militaire à l’Ukraine continuait d’augmenter.Quant au Premier ministre britannique Boris Johnson et à plusieurs autres hauts responsables, la Russie a déclaré samedi qu’ils étaient interdits d’entrée sur son sol, en réponse aux sanctions britanniques envers Moscou en raison de son opération militaire en Ukraine.

Près de cinq millions de personnes ont fui l’Ukraine depuis le 24 février, a pour sa part fait savoir le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés.

Un très grand nombre d’entre elles n’auront plus de maison où revenir habiter, a prévenu samedi cette institution internationale, selon laquelle 40.200 de plus ont quitté leur pays ces dernières 24 heures.
Avec AFP

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