Les Français se rendent aux urnes dimanche pour le second tour de la Présidentielle et choisir entre le président sortant Emmanuel Macron et la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen.

A bien des égards, la campagne 2022 est déjà considérée comme historique.

Lors des présidentielles précédentes, où le choix entre un leader d’un parti " classique " s’opposait à un autre, issu d’un mouvement relevant d’une minorité parlementaire, le résultat du premier tour constituait un séisme politique. Les Français étaient choqués de voir une candidate d’extrême droite arriver au second tour et les électeurs optaient pour un vote massif contre une idéologie xénophobe, un barrage au nom d’un " front républicain ".

En 2022, certes les choix ne diffèrent pas, mais l’électorat a changé. Face à une extrême droite " banalisée ", le président sortant ne peut plus compter sur un score confortable. Les sondages le donnent favori, mais l’écart avec Le Pen s’est réduit. Il est ainsi tout à fait probable que la dirigeante du Rassemblement national accède à l’Élysée. Pis encore, pour un parti politique fondé essentiellement sur le thème de l’immigration, la différence est énorme entre ses débuts aux municipales de Dreux en 1983 et son accession au second tour de la présidentielle en 2017 et 2022. Sur le long terme, en 40 ans, le parti qui traite des sujets tabous, qui adopte un discours pas très éthiquement correct, et qui s’attaque aux fondements même de la République, est sorti de sa " pariatitude ". Il occupe même une place enviable sur l’échiquier politique.

Cette présidentielle est historique, car le phénomène Le Pen n’est pas isolé. Plusieurs voix, inaudibles depuis 1958, ont fleuri ces dernières années. Le Pen est doublée d’un quasi-clone plus affirmé, plus intrépide, plus dangereux, qu’est Eric Zemmour. A l’autre bout des extrêmes, il y a Jean-Luc Mélenchon, qui surfe, lui aussi, sur la vague " anti-système ", mais en version de gauche. L’Insoumis n’hésite pas à emprunter çà et là des mots de Jaurès ou de Blum, qu’il distille dans un discours populiste extra vierge, première pression à froid.

Du coup, l’avancement du populisme se double du déclin des partis traditionnels, recalés aux deuxièmes, plutôt cinquièmes, douzièmes places. Le PS, le LR et les Verts affichent des scores de cancres, des chiffres qui étaient jadis l’apanage du PC ou de la Lutte ouvrière d’Arlette Laguiller. Qui dirait que le résultat officiel des socialistes au premier tour allait être de 1,26% ! Inférieur à celui des communistes, et même d’un certain Jean Lassalle !

Cette présidentielle est historique, enfin, car même si elle n’emmènerait pas Le Pen à la présidence (on verra les résultats, qui le sait?), elle est celle qui marque une rupture. Une rupture entre une France rayonnante par sa démocratie et une autre qui se déclasse dans la catégorie de certains pays de l’Est.

Des pays où la démocratie ne tient qu’à un fil. Cela fait froid dans le dos à l’heure où les divisions blindées de Poutine avancent en sens inverse de celle du général Leclerc.

G.F.H.

 

 

Les Français ont commencé à voter dimanche pour élire leur prochain président et choisir, comme en 2017, entre Emmanuel Macron, président sortant donné favori, et Marine Le Pen, dirigeante d’extrême droite qui n’a jamais paru si proche des portes du pouvoir.

Le taux de participation à 15 h 00 GMT était de 63,23%, plus de 2 points de moins qu’en 2017, à l’occasion du même duel entre M. Macron et Mme Le Pen, a annoncé le ministère de l’Intérieur.

Ce chiffre marque également un recul par rapport au second tour des scrutins de 2012 (30,66 %) et 2007 (34,11 %), et tutoie celui de 2002 (26,19 %), quand le candidat d’extrême droite Jean-Marie Le Pen affrontait Jacques Chirac. La participation est en revanche légèrement en hausse par rapport au premier tour deux semaines auparavant (25,48 %).Les bureaux de vote – 48,7 millions électeurs sont appelés aux urnes – ont ouvert doivent fermer à 17 h 00 GMT et à 18 h 00 GMT dans les grandes villes.

Une élection charnière

Les Français sont devant un choix historique: reconduire le président sortant ou élire une femme, ce qui serait une première, et propulser ainsi l’extrême droite à l’Elysée pour une déflagration qui résonnerait bien au-delà des frontières hexagonales, comparable au Brexit britannique et à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2016.Une réélection d’Emmanuel Macron, 44 ans, représenterait la continuité, même si le président candidat a promis de se renouveler en profondeur, assurant vouloir placer l’écologie au cœur de son second – et dernier – mandat.

M. Macron serait alors le premier président français à être réélu pour un second mandat en 20 ans, depuis Jacques Chirac en 2002. L’arrivée de Marine Le Pen, 53 ans, aux commandes d’une puissance nucléaire, dotée d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et force motrice de l’Union européenne, serait un séisme, d’une magnitude d’autant plus élevée qu’elle s’inscrirait dans le contexte lourd d’une guerre aux portes de l’Europe.

Macron favori des sondages, mais…

Devant une école à Rennes, Bernard Maugier, retraité de 76 ans et habitant dans un quartier sensible de la ville, dit avoir voté " pour éviter une guerre civile ". " Faut pas se tromper de personne ", lâche-t-il, se disant " inquiet " par le résultat de cette élection.

Pierre Charollais, 67 ans, retraité, estime qu' "il y a une situation particulière " dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la présidence française de l’Union européenne. " Il faut faire un vote responsable (…) Il faut une personne qui sache gérer cette situation, qui puisse prendre des décisions importantes ". " Entre la peste et le choléra, il faut faire le bon choix ", lâche-t-il.Les derniers sondages publiés vendredi soir, avant l’entrée en vigueur de la période de réserve électorale, donnent Emmanuel Macron favori, au-delà de la marge d’erreur. Très loin de son score de 2017 où, au bout d’une ascension météorique, il avait battu sa rivale par 66,1 % des voix contre 33,9 %, pour devenir, à 39 ans, le plus jeune président de la Vᵉ République.

Des programmes que tout oppose

Les programmes des deux candidats sont à l’opposé et proposent une vision radicalement différente sur l’Europe, l’économie, le pouvoir d’achat, les relations avec la Russie, les retraites, l’immigration, l’environnement…

Après un quinquennat émaillé de crises, des " gilets jaunes " à la Covid, ce sont deux France qui se font face.

Pour contrer son adversaire, Emmanuel Macron, arrivé en tête au premier tour (27,85 %) avec plus de quatre points d’avance, a réactivé le " front républicain " pour faire barrage à l’extrême droite. Qui semble toutefois avoir perdu de sa vigueur par rapport à 2017 et 2002, où Jean-Marie Le Pen, le père de Marine, avait été largement dominé au second tour par Jacques Chirac.

La candidate du Rassemblement national, pour sa troisième tentative, a misé sur un autre front, le " Tout sauf Macron " dont la portée dans les urnes reste à mesurer.

Dans un quartier aisé de Dijon, Morgan Mouiche, 30 ans, dit à sa sortie d’un bureau de vote avoir " voté par élimination ".

Séduire l’électorat insoumis

A l’autre bout de la ville, dans un quartier plus modeste, où le leader de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, est arrivé en tête au premier tour le 10 avril, Charley Grolleau, 41 ans, reconnaît que son bulletin est allé à " un candidat qui n’est pas parfait ". " Mais j’ai voté par conviction. Je ne me voyais pas ne pas aller voter ", ajoute-t-il.

Dans l’entre-deux-tours, les deux candidats ont courtisé l’électorat de Jean-Luc Mélenchon.

De nombreux sympathisants de son parti, La France insoumise (LFI), pourraient être tentés de bouder les urnes.

Les électeurs seront de nouveau appelés aux urnes les 12 et 19 juin pour les législatives, où le nouveau président cherchera à obtenir la majorité nécessaire pour gouverner.

Avec AFP