Le Pentagone a souligné ce vendredi le " retard " de la progression des troupes russes en Ukraine. Une lenteur dans le calendrier de Moscou qui permet à Washington de saluer la farouche résistance ukrainienne, mais surtout de mettre en avant les effets du soutien matériel fourni par les Occidentaux, États-Unis en tête, à Kiev.

Par ailleurs, le porte-parole de la Défense n’a pas hésité à accuser vendredi Vladimir Poutine de " dépravation " et de " cruauté " pour la façon dont les forces russes se comportent en Ukraine, où elles sont accusées d’assassinats de civils, y compris d’enfants.

Interrogé au cours d’un point de presse sur l’état psychologique du président russe à ce stade du conflit, le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby, est apparu au bord des larmes en évoquant les atrocités attribuées aux forces russes. "Il est difficile de regarder certaines images et d’imaginer qu’un dirigeant sérieux puisse faire ça ", a déclaré M. Kirby, habituellement connu pour sa maîtrise face aux caméras et son flegme.  " Je ne connais pas son état psychologique, mais je pense qu’on peut parler de sa dépravation, " a-t-il ajouté.Qualifiant de " foutaises " les arguments " bizarres " du maître du Kremlin, qui affirme que cette guerre est menée pour protéger la minorité russe d’Ukraine du nazisme ukrainien, il a noté qu’il était " difficile de concilier cette rhétorique avec ce qu’il fait en Ukraine à des innocents tués d’une balle dans la nuque, les mains liées derrière leur dos, à des femmes, des femmes enceintes tuées, des hôpitaux bombardés ". "C’est juste inadmissible ", a ajouté M. Kirby, qui est devenu l’un des principaux visages de l’administration américaine depuis le début de l’invasion avec des points de presse quotidiens, et qui figure sur une liste des personnalités américaines sanctionnées par Moscou.

Le porte-parole a admis que Washington ne s’attendait pas à de telles violences contre les civils ukrainiens, malgré la brutalité des opérations militaires russes passées, comme en Tchétchénie ou en Syrie.

" Nous savions que M. Poutine était capable de défendre ce qu’il considère les intérêts nationaux de la Russie froidement et avec une détermination brutale ", a-t-il dit. " Nous n’avions pas vraiment réalisé le degré de violence, de cruauté et, comme je le disais, de dépravation, qu’il emploierait sur des innocents, des civils non-combattants ".

L’Ukraine et les pays occidentaux accusent la Russie de " massacres " et de " crimes de guerre ", depuis la découverte de centaines de cadavres dans plusieurs localités de la région de Kiev occupées par les forces russes en mars.

 

 

 

Retard de l’offensive russe dans le Donbass
L’offensive russe dans le Donbass, qui progresse " lentement et de façon inégale " en raison de la résistance opposée par l’armée ukrainienne, a pris du retard sur le calendrier prévu, a déclaré vendredi un haut responsable du Pentagone ayant requis l’anonymat.
" Ils ont pris au moins plusieurs jours de retard ", a-t-il précisé. " Ils sont loin d’avoir fait la jonction " des troupes entrées par la région de Kharkhiv, au nord du Donbass, et celles venues du sud du pays, un des objectifs de l’armée russe pour prendre en tenaille les forces ukrainiennes déployées sur la ligne de front autour des zones séparatistes de Donetsk et Lougansk.
" Quelques kilomètres par jour, c’est le maximum qu’ils peuvent faire parce qu’ils sont repoussés " par l’armée ukrainienne. Même si les combats ont commencé, " nous pensons qu’ils continuent de créer les conditions d’une offensive soutenue, plus vaste et plus longue ", a ajouté le haut responsable du ministère américain de la Défense.
Il a expliqué que les forces russes " ne veulent pas faire les mêmes erreurs qu’à Kiev ", où des colonnes de chars avaient été immobilisées par les forces ukrainiennes armées de lance-missiles portés à l’épaule et le soutien logistique avait été tenu à distance. "Les tirs d’artillerie et les frappes aériennes qu’ils lancent sur les forces ukrainiennes n’ont pas l’effet souhaité, car les Ukrainiens continuent de résister ", a-t-il noté. " C’est pourquoi nous pensons que leurs progrès ont été lents et inégaux ces dernières 24 heures ".
Des secouristes retirent des décombres de son immeuble le corps de Vira Ghyrytch, une journaliste ukrainienne de Radio Liberty, un média financé par les États-Unis. Moscou a revendiqué ce bombardement réalisé jeudi sur Kiev.
La Russie confirme son attaque sur Kiev qui recevait Guterres
La Russie a confirmé vendredi avoir bombardé Kiev la veille, en pleine visite du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. " Les forces russes ont détruit, avec des armes de haute précision de longue portée, les ateliers de l’entreprise spatiale Artiom " dans la capitale ukrainienne, ainsi que, dans d’autres frappes, " trois centrales électriques situées près de noeuds ferroviaires ", notamment à Fastov dans la région de Kiev, a déclaré devant la presse le ministère russe de la Défense.
Ce premier bombardement de la capitale depuis la mi-avril a fait au moins un mort, Vira Ghyrytch, une journaliste ukrainienne de Radio Liberty, un média financé par les États-Unis, dont le corps a été retrouvé vendredi dans les décombres de son immeuble. Quatre autres personnes ont été blessées, selon le maire de la ville, Vitaly Klitschko.
L’attaque s’est produite au moment où le chef des Nations unies, Antonio Guterres, effectuait jeudi une première visite à Kiev depuis le début de l’invasion russe le 24 février.
L’Allemagne et la France ont vivement condamné vendredi ces frappes. " Cela révèle une fois de plus aux yeux de la communauté internationale que (Vladimir) Poutine et son régime n’ont aucun respect pour le droit international ", a réagi le gouvernement allemand. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a pour sa part exprimé sa " pleine solidarité " au peuple ukrainien ainsi qu’à M. Guterres.
C’est dans ce contexte que les Pays-Bas ont rouvert vendredi leur ambassade dans la capitale ukrainienne après plus de deux mois de fermeture.

10 soldats russes mis en examen

Parallèlement, les services de la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova avaient révélé que dix soldats russes avaient été mis en examen pour des crimes de guerre présumés à Boutcha. C’est la première mesure de ce type prise depuis que les corps de 20 personnes portant des vêtements civils ont été découverts le 2 avril par l’AFP gisant dans une rue de cette localité, suscitant condamnation et émoi à travers le monde.

Les Ukrainiens ont accusé les Russes, mais Moscou a démenti toute responsabilité et parlé de cadavres " mis en scène " par Kiev. " Plus de 8.000 cas " présumés de crimes de guerre ont au total été identifiés en Ukraine, a affirmé la procureure.

Des enquêteurs vont à cet égard être envoyés par le Royaume-Uni pour aider leurs confrères ukrainiens, a déclaré vendredi la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss.

Offensive intensifiée

Sur le terrain des opérations militaires, alors que " l’ennemi intensifie son offensive ", avec une activité particulièrement intense dans les régions de Kharkiv (nord-est) et du Donbass (est), l’armée ukrainienne a assuré vendredi avoir repris " une localité d’importance stratégique ", Rouska Lozova, sur l’autoroute reliant Kharkiv à Belgorod, en Russie.

" C’est à partir de ce village que l’ennemi a effectué des tirs ciblés sur les infrastructures civiles et les quartiers d’habitation de Kharkiv ", a expliqué le commandement des forces terrestres. Les Ukrainiens ont en outre dit avoir " reçu de (leurs) partenaires étrangers un complexe de (lance-missiles) S-300 qui a considérablement renforcé la défense antiaérienne dans la région sud ".

Côté russe, le gouverneur de la région de Koursk, frontalière de l’Ukraine, Roman Starovoït, a fait état vendredi sur Telegram d’une nouvelle attaque au mortier en provenance du territoire ukrainien, sur un poste de contrôle du village de Kroupets.

Un G20 sous le signe de l’Ukraine
Le président indonésien Joko Widodo a annoncé vendredi avoir invité son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et confirmé avoir convié le président russe Vladimir Poutine au sommet du G20 prévu en novembre en Indonésie. "J’ai invité le président Zelensky à participer au sommet du G20″, a indiqué le leader indonésien, suggérant qu’un compromis avait été trouvé en vue de la réunion prévue à Bali, alors que les membres du groupe sont profondément divisés depuis l’offensive russe en Ukraine.
L’Indonésie, qui préside le G20 cette année, a subi de fortes pressions des Occidentaux, les Etats-Unis en tête, pour exclure la Russie depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Mais Jakarta a résisté, arguant que sa position d’hôte l’obligeait à rester " impartiale " et le président américain Joe Biden, notamment, avait suggéré une participation de l’Ukraine pour trouver un équilibre.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait indiqué mercredi dans un tweet avoir été invité par l’Indonésie au sommet, à l’issue d’une conversation téléphonique avec son homologue indonésien. Joko Widodo s’est aussi entretenu avec le président russe jeudi. " A cette occasion, le président Poutine a remercié l’Indonésie pour l’invitation au sommet du G20 et a dit qu’il y participerait ", a déclaré le président indonésien.Au cours de cette conversation, M. Poutine a souhaité le " succès " de présidence indonésienne au G20 et a assuré que la Russie y contribuerait, a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Mais " pour l’heure il est prématuré de communiquer les modalités de la participation russe ", a-t-il précisé, laissant planer le doute sur le format de la participation russe.Washington a, de son côté, fait part de ses réticences. Le président américain Joe Biden " a exprimé publiquement son opposition à la présence du président Poutine au G20 ", a déclaré vendredi la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, saluant cependant l’invitation des Ukrainiens au sommet.
Elle a ajouté que les États-Unis étaient en contact avec les Indonésiens et que l’invitation de la Russie remontait à avant l’invasion, débutée le 24 février.Il ne " faut pas faire comme si de rien n’était " concernant la participation de la Russie aux sommets internationaux, a également déclaré une porte-parole du département d’Etat, qui n’a pas dit si Washington refuserait, ou non, de rejoindre la réunion.Depuis le début de l’offensive militaire russe en Ukraine, les Occidentaux cherchent à isoler la Russie sur la scène diplomatique. Une réunion des ministres des Finances du G20 en avril à Washington a illustré les divisions profondes du groupe des grandes économies mondiales avec le boycott de certaines réunions par les Etats-Unis et plusieurs alliés, protestant contre la participation des Russes.Mais l’Indonésie, comme la plupart des grands pays émergents, veut conserver une position de neutralité. Joko Widodo a précisé vendredi que l’Indonésie n’enverrait pas d’armes en Ukraine, en réponse à une requête du président ukrainien. "J’ai répété, en accord avec la constitution et les principes de la politique étrangère indonésienne, qu’il est interdit d’envoyer des armes à d’autres pays ", a-t-il dit tout en proposant une aide humanitaire à Kiev. La guerre en Ukraine et le G20 étaient aussi au menu d’une rencontre vendredi entre le leader indonésien et le Premier ministre japonais Fumio Kishida, à l’issue de laquelle ils ont affiché leurs convergences.

 

 

Joko Widodo a souligné le rôle de l’arène du G20 pour permettre le dialogue et résoudre l’impact humanitaire et économique du conflit en Ukraine, tout en appelant à une cessation immédiate des hostilités. "J’ai convenu avec le président (indonésien) que les attaques militaires contre l’Ukraine étaient intolérables, et qu’une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale par la force et l’intimidation, et une tentative de changer le statu quo unilatéralement par la force, est intolérable dans toute région ", a déclaré le Premier ministre japonais.
La Pologne, entre refuge et " manœuvres "

Plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays depuis le début de l’invasion russe, dont 57.000 ces dernières 24 heures, ont noté les Nations unies.

Mais, la Pologne, où 3.033.000 personnes fuyant le conflit en Ukraine sont entrées d’après les garde-frontières, doit renforcer " de façon urgente " les mesures de prévention et de surveillance pour les protéger, en particulier les femmes, victimes de trafics, de violences et de viols, a mis en garde vendredi l’ONG Human Rights Watch.

 

 

Par ailleurs, environ 8.000 soldats britanniques participeront cet été à des manoeuvres en Europe de l’Est aux côtés de militaires de l’Otan, pour une " démonstration de solidarité et de force ". Des dizaines de chars et 120 autres véhicules de combat blindés seront déployés de la Finlande à la Macédoine du Nord dans le cadre de ces exercices prévus de longue date et renforcés depuis l’offensive russe.

Volontaires étrangers

Un ancien Marine américain âgé de 22 ans a été tué en Ukraine où il était parti mi-mars combattre les forces russes, ont dit des membres de sa famille, le Pentagone enjoignant vendredi aux Américains de " ne pas se rendre " dans ce pays.

Une organisation à but non lucratif ayant son siège au Royaume-Uni, Presidium Network, a de son côté signalé que deux volontaires humanitaires britanniques avaient été capturés lundi à un point de contrôle par les soldats russes.

Avec AFP