En anorak blanc, casque blanc et noir et masque de ski multicolore, Atefeh Ahmadi, l’unique skieuse iranienne qualifiée pour les JO d’hiver, termine sa journée d’entraînement dans son village natal d’Abali au pied de la montagne, à l’est de Téhéran.

Skieuse et Iranienne ? Quand, en compétition, elle explique défendre les couleurs de l’Iran, ses concurrentes la regardent avec incrédulité.

Cela fait rire Atefeh Ahmadi. " Ils me demandent si nous avons de la neige en Iran. Ils pensent que nous sommes un pays désertique comme l’Arabie saoudite. Alors que même en été on peut pratiquer ce sport à Damavand ou Alamkouh, des glaciers de 5.600 m d’altitude ".

Il existe même plusieurs stations de ski en Iran dont quatre, près de Téhéran, très fréquentées en hiver. Les pistes sont mixtes et beaucoup skient en famille durant le week-end.

" Ils sont tout aussi stupéfaits d’apprendre que des femmes skient dans un pays islamique. Je leur réponds que la religion n’empêche pas les femmes de faire du sport ", ajoute-t-elle. Au tchador, qui rend évidemment le ski impossible, les femmes préfèrent le foulard voire le casque de protection.

Âgée de 21 ans, elle est née sur des skis, apprenant à glisser avant même de marcher. " Normal, mon père Hassan était membre de l’équipe nationale et entraîneur de la sélection féminine ", confie-elle à l’AFP en souriant.

" J’ai commencé à skier à l’âge de trois ans. J’étais si petite que je ne comprenais pas à quoi ces morceaux de bois servaient ", dit Atefeh.

Si son père l’a entraînée sur la première piste en Iran, ouverte dans son village en 1954, c’est Hadis, sa sœur de quatre ans son aînée, qui lui a transmis la passion.

" Lorsqu’elle a commencé ses premières compétitions, je pleurais car je voulais la suivre ", raconte l’Iranienne, qui sera accompagnée à Pékin par deux Iraniens (ski alpin et ski de fond).

" Suivre ma sœur "

Au retour des Jeux Olympiques de la jeunesse en 2012 en Autriche, Hadis, qui avait 15 ans, lui a rapporté des souvenirs dont les cinq anneaux des JO.

" C’est à ce moment-là que j’ai commencé à rêver des JO. Je me souviens, qu’encore enfant, derrière mon carnet de devoirs, j’ai dessiné maladroitement les cinq anneaux olympiques et je me suis persuadée qu’un jour j’y participerais ".

A dix ans, elle effectue son premier voyage à l’étranger, au Kazakhstan. Cinq ans plus tard, à 16 ans, elle intègre l’équipe nationale.

" Quand j’ai débuté aux Championnats du monde à Saint-Moritz en Suisse, j’ai compris que je devais me battre pour rivaliser avec les meilleurs. Ils avaient les moyens financiers, moi, je n’avais que ma volonté ", lance-t-elle.

Elle connaît sa première grosse déception à l’approche des Jeux olympiques de 2018 en Corée du Sud. " J’avais dix-sept ans et je voulais écrire l’histoire, être la plus jeune skieuse iranienne à aller aux JO ".

Mais la fédération la juge trop jeune.

" J’étais effondrée, j’ai pleuré deux semaines. Je voulais abandonner le ski. Deux mois plus tard, j’ai relevé la tête et j’ai repris l’entraînement. Je voulais prouver ce dont j’étais capable malgré mon âge ".

Depuis elle a notamment participé à deux Championnats du monde avec deux 46e places à la clé (slalom en 2019 et géant en 2021).

Inconnue dans le monde, les gens se pressent pourtant auprès d’elle sur la piste d’Abali pour immortaliser la rencontre.

" Je suis née dans une ville traditionnelle où il n’y a pas beaucoup de sportives féminines professionnelles. Une fille de notre région qui atteint la plus grande arène sportive du monde peut être un modèle pour les autres femmes. "

" Aujourd’hui, ma motivation reste intacte. La première personne qui m’a inspirée a été mon père, qui s’est efforcé de faire du sport de compétition durant sa jeunesse, mais a été contraint d’y renoncer par manque de moyens financiers ".

" Je veux terminer son voyage inachevé ", explique-t-elle.

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