Le club Inter-Lebanon fête sa 18e année de participation active au sein de la communauté d’athlétisme libanaise. Devenu club phare de l’athlétisme local, l’Inter a gagné le plus grand nombre de titres "club champion du Liban d’athlétisme"  seniors (20 ans et plus) et ses athlètes ont pulvérisé le plus grand nombre de records du Liban seniors (20 ans et plus) cumulés durant ces 18 années.

Ici Beyrouth est allé à la rencontre du fondateur et président actuel du plus grand club d’athlétisme au Liban, l’Inter-Lebanon, Roger Bejjani (65 ans), qui a dressé un bilan complet du statut actuel de ce sport dans le pays et ses pronostics pour 2022.

Quel regard portez-vous sur le championnat de cross-country 2022, qui s’est déroulé il y a quelques jours?

Une vraie bataille chez les hommes entre les meilleurs, qui a abouti au temps moyen des douze premiers arrivants le plus bas de l’histoire de Horch Beyrouth ! Malheureusement, cela ne s’est pas reflété chez les femmes, dans la mesure où les meilleures coureuses étaient absentes. Résultat: un temps moyen des premières douze arrivantes le plus haut de l’histoire de Horch. L’acquisition de Mounir Kabbara, détenteur des records nationaux sur 3.000 m, 3.000 m SC et 5.000 m, par Let’s Run a permis à ces derniers de gagner d’une très courte tête face à nos athlètes hommes. "Mabrouk" et bien joué de la part de notre rival sur courses sur route et cross-country. L’absence des meilleures coureuses a par contre terni la course femmes, que nous avons remportée facilement.

Considérez vous que le club Let’s Run un compétiteur de choix dans le derby d’athlétisme Libanais? 

Pas vraiment. Let’s Run  est un club encore jeune et ne compte pas une équipe complète d’athlétisme. Ils sont nos compétiteurs sur route et en cross country chez les hommes certes, mais ils restent très loin de l’Inter et même de l’armée ou de Jamhour dans les disciplines diverses de l’athlétisme. Hormis un seul record national en quatre ans établi par Pia Nehmé au Canada, Let’s Run ne compte aucun autre record national en indoor ou outdoor, contrairement à Inter, Antonins, armée, Jamhour ou même Blue Stars et Batroun Stars. Let’s Run a fini 4e aux championnats d’athlétisme chez les hommes et chez les femmes en 2021. Avec leurs nouvelles acquisitions pour 2022, à savoir Aziza Sbeity, Haya Kobrosly, Marc Anthony et Mounir Kabbara, ils peuvent postuler en 2022 à la 3e place chez les femmes et peut être à la 3e place chez les hommes aussi. Nous préserverons notre suprématie en 2022 chez les femmes assez facilement, puisque Aziza Sbeity nouvellement acquise par Let’s Run bloquera Maïssa Moawad, la star de Jamhour, notre véritable challenger chez les femmes, réduisant ainsi l’apport en points de cette dernière. Chez les hommes, le derby sera entre nous et l’armée. Nous comptons gagner cette année chez les hommes. Jamhour et Let’s Run viendront assez loin derrière. Ceci dit la direction de Let’s Run semble déterminée à positionner leur club parmi les ténors de l’athlétisme au Liban. Ils réussiront dans quelques années, il n’y a pas de doute.

Quels pronostics avez vous quant à l’année 2022 ? Records, champions du Liban d’athlétisme etc…

En 2021 les seuls records nationaux seniors outdoor et indoor ont été battus par Nour Hadid (armée), Chirine Njeim (Inter), Peter Khoury (Inter), Aziza Sbaity (Antonins), Marc Anthony Ibrahim (Antonins), Maïssa Moawad (Jamhour) et Mounir Kabbara (Élite). Mais c’est la première fois dans l’histoire que six athlètes libanais ont un score de plus de 1.000 points, chacun selon le barème performance de la "world athletics": Nour, Chirine, Aziza, Marc, Mounir et Mohamad Mortada. Nous espérons avoir bientôt au Liban six athlètes avec un score dépassant les 1.100 points.

En 2022, à part le championnat arabe de cross-country qui aura lieu à Bahreïn, les enjeux principaux sont la sélection d’un seul athlète qui représentera le Liban aux championnats du monde en salle (indoor) en Serbie en Mars 2022, mais aussi la sélection d’un seul athlète qui représentera le Liban aux championnats du monde outdoor qui se dérouleront à Oregon aux États-Unis en juillet 2022.  En l’absence de temps qualificatifs, l’athlète au score le plus élevé en salle (indoor) le 28 février ira à Belgrade. Cela se jouera le 24, 25 et 26 février à Istanbul entre Aziza Sbeity, Mohammad Mortada, Nour Hadid et Marc Anthony Ibrahim sans oublier Mounir Kabbara qui participera en salle aux États-Unis aussi. A ceux-là viendra s’ajouter Chirine Njeim plus tard en juin pour la qualification aux championnats du monde outdoor.

Je m’attends à de nouveaux records nationaux de la part de ces six athlètes.

Vous présidez l’Inter depuis 18 ans. Comptez-vous transmettre le flambeau à un nouveau directoire bientôt?

Probablement au 20e anniversaire du Club qui coïncidera presque avec les élections par l’assemblée générale d’un nouveau directoire, je compte prendre du recul et inviter des membres du club très actifs qui partagent la même passion à prendre la relève.

N’êtes-vous pas intéressé à vous présenter comme candidat à la présidence de la Fédération libanaise d’athlétisme?

Je l’étais encore il y a une dizaine d’années. Mais tant que la loi électorale de la fédération est ce qu’elle est, ça ne m’intéresse pas du tout. Je rejette aussi bien les considérations confessionnelles que l’influence des partis politiques dans les élections des fédérations sportives.  J’ai présenté mes idées quant à une modification radicale de la loi électorale, basée sur la méritocratie et visant à neutraliser l’influence des partis politiques. Seulement dans le cas ou cette modification est approuvée par l’assemblée générale, je considèrerai alors me présenter aux prochaines élections.

Que pensez vous de la performance de la fédération Libanaise?

J’en suis satisfait. Le directoire présent est plein de bonne volonté et gère raisonnablement bien l’athlétisme. Vu les moyens du bord, c’est bon. Mais il reste énormément à faire.

Quel est le rôle de l’État ou plus précisément du ministère de la Jeunesse et des Sports?

Au risque de choquer beaucoup de monde, je suis contre les aides financières directes accordées par l’État aux fédérations, clubs ou athlètes. Surtout que ces aides sont le plus souvent guidées par le clientélisme politique. Par contre je suis pour la promulgation d’une loi qui stimulerait les sociétés privées à "investir" dans leur image à travers le sport, selon une régulation stricte quant aux fédérations, clubs et athlètes éligibles par catégories et selon des sommes plafonnées par investisseur, correspondant au chiffre d’affaires de ce dernier, mais aussi des plafonds cumulatifs par bénéficiaire ou récipiendaire dépendamment de la catégorisation de ce dernier. L’investissement dans le sport sera déduit selon des ratios prédéfinis des impôts dus par l’investisseur.

A titre d’exemple Inter-Lebanon étant un club d’athlétisme hypothétiquement catégorisé "A" selon les paramètres méritocratiques adoptés, il aura droit à solliciter par an des "investissements image" cumulés ne dépassant les 200.000 dollars. Les entreprises qui décident d’investir dans leur image en s’associant à l’Inter-Lebanon pourront le faire en respectant un plafond de 0,25% de leur chiffre d’affaire annuel, à titre d’exemple. Ce ratio représenterait la totalité de leur investissement en image/sport.

L’État doit limiter son rôle à celui de régulateur stratégique et ne pas s’immiscer directement dans les finances, évitant ainsi la subjectivité, la corruption et le clientélisme politique, et reléguant le financement dynamique et méritocratique du sport à la loi du marché.