Le ministre sortant de l’Économie Amine Salam a annoncé, jeudi dernier, qu’il est dorénavant permis aux supermarchés d’afficher leurs prix en dollars. Depuis, les prix des produits en livres libanaises ont flambé et continuent de caracoler vers des sommets toujours plus hauts. Il semble, en outre, que ce n’est pas demain la veille que les supermarchés pourront tarifer en dollars vu la complexité du processus.

La tarification en dollars au supermarché est désormais autorisée, comme l’a indiqué le ministre sortant de l’Économie, Amine Salam, jeudi dernier. Dans le même temps, les prix des produits alimentaires continuent de flamber dans les rayons des grandes surfaces à une allure vertigineuse. Le Liban est ainsi devenu spécialiste du " pricing dynamique "… Une méthode dont le principe est simple: pouvoir faire évoluer les prix des produits affichés en magasin d’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre, si ce n’est d’une demi-heure à l’autre.

Interrogé sur la fulgurante augmentation des prix des produits à l’annonce de l’autorisation à tarifer en dollars, un propriétaire de supermarché a répondu sans détour: “Chacun se protège comme il peut”. Il est clair que les Libanais vivent désormais dans une jungle sans foi ni loi.

Rappelons que le but de la tarification en dollars est de stabiliser les prix, quel que soit le taux de change, le mode de paiement restant inchangé. En effet, ce dernier peut être effectué en livres libanaises, en espèces, en dollars ou avec les cartes bancaires (50% en carte, 50% en argent comptant).

Le ministre Salam a donné comme délai jusqu’à mercredi pour mettre en place le nouveau mécanisme d’affichage des prix, mais très peu d’enseignes ont franchi le pas.

Un changement coûteux et compliqué

Interrogé par Ici beyrouth, le propriétaire d’une grande enseigne de supermarché au Liban indique dans ce contexte: “Nous n’avons pas encore tarifé en dollars parce que tout d’abord nos systèmes de facturation ne sont pas équipés pour cette mesure. De plus, modifier les logiciels de tarification coûte très cher. Cela se chiffre en milliers de dollars. Il faut également se doter d’un système qui affiche le cours du dollar”. Il reconnait surtout que personne n’a encore compris le processus de ce nouveau système de tarification.

Par ailleurs, le problème ne se limite pas à la simple tarification: le calcul de la TVA devient compliqué. “La TVA est théoriquement calculée au taux officel de 15 000 LL pour un dollar. Comment les supermarchés vont-ils calculer cette TVA sur un prix encaissé au taux du marché libre " (81500 LL pour un dollar, lundi soir), poursuit-il.

Un gros imbroglio

“C’est un gros imbroglio”, assure t-il avant de demander qui va spécifier le taux de change? Sur quelle application? Est-ce le ministère qui va le définir?  “Tout est bien vague”, relève le propriétaire du supermarché susmentionné.

De même, le taux de change avec ses hausses et ses baisses significatives va causer des problèmes lors du règlement des factures. À titre d’exemple, “si à la caisse nous avons deux clients, le premier finit et paie sa note au taux de 82 000LL, mais le client suivant pourrait arriver devant la caissière alors que le taux de change aurait baissé ou augmenté de 1000 LL ou 2000 LL, à titre d’exemple. Nous pourrions faire face alors, à l’ombre d’une telle situation, à des problèmes entre les caissiers et les clients et même entre les clients eux-mêmes”.

L’homme d’affaires précité estime ainsi que cette tarification en dollars est problématique à tous les points de vue.

Il appelle les autorités concernées à donner le bon mécanisme pour protéger à la fois les consommateurs et les propriétaires de supermarchés. “Nous fonctionnerons alors selon ce mécanisme”, affirme-t-il. Il accuse par ailleurs, le ministre de l’Économie de refuser de donner un mécanisme à suivre. Ce dernier était injoignable toute la journée de lundi.

Quant aux inspecteurs du ministère de l’Économie qui sont supposés surveiller les prix et la tarification, ils n’ont plus les moyens, avec leurs salaires et le prix de l’essence, d’arriver à leurs lieux de travail, et donc encore moins d’effectuer des tournées dans les supermarchés.