Organisé pas l’Institut français du Liban, le Festival littéraire international et francophone, Beyrouth Livres, se tiendra du 19 au 30 octobre 2022. Plus de 110 autrices et auteurs de 18 nationalités différentes, s’empareront de la scène littéraire libanaise. Une programmation pensée comme une déambulation à travers 40 lieux et institutions culturelles afin de partager, d’échanger et de renouer avec la littérature.

Mathieu Diez, attaché pour le livre et le débat d’idées auprès de l’Institut français de Beyrouth répond aux questions de l’Agenda culturel.

Comment est né ce festival, à partir de quels constats, quelles volontés, quels objectifs? 

Ce festival est né du constat que le Salon du livre francophone de Beyrouth ne s’était pas tenu depuis sa dernière édition en 2018, pour toutes les raisons que nous connaissons bien – la thawra, l’explosion du port et la dégradation de la situation économique. Cependant, Beyrouth demeure une ville littéraire avec tout un écosystème du livre, incluant les libraires francophones et les éditeurs. Beyrouth reste aussi ce lieu où transitent toutes les passations d’idées et de lettres depuis le français vers l’arabe. Il y avait donc un enjeu majeur: sauver 25 ans de tradition du Salon du livre. À partir de là, l’idée a été de transformer et de réinventer cet événement en un festival littéraire qui avait pour particularité et pour bénéfice d’être vraiment adapté à la situation du Liban d’aujourd’hui. Moins dispendieux puisque les moyens disponibles pour cela ne sont pas les mêmes qu’à l’époque, il permet aussi d’être éclaté géographiquement en traversant plusieurs villes du pays et se rapproche ainsi au maximum du public. Intégralement gratuit, il sera principalement basé sur la rencontre avec les auteurs et non pas sur l’acquisition de livres – qui restera bien sûr possible. Notre volonté était vraiment de parvenir à ce que tout un chacun puisse aller à la rencontre d’un auteur, dans un théâtre, dans un musée, pour l’écouter parler à travers des conférences qui, pour une bonne partie, seront traduites vers l’arabe. Donc les objectifs étaient de faire une manifestation moderne, innovante, populaire, accessible, à la fois en termes économiques et en termes de culture, et surtout au plus près de la population.

Quelles sont vos attentes pour ce premier festival littéraire? 

Les attentes sont assez difficiles à formuler car c’est un format qui n’a jamais été pratiqué, du moins à cette échelle, ni au Liban, ni dans la région. Pour autant, il y a eu un essai réalisé avec Beyrouth BD en octobre 2021, où sur un format similaire de festival éclaté à travers la ville, nous avons réuni plus de 10.000 personnes et proposé une programmation qui réunissait également une quarantaine d’auteurs qui venaient de plusieurs pays; nous avons donc déjà une petite idée des attentes que nous souhaitons. Tout d’abord, il s’agit de toucher un large public, et à la suite des premières réactions après la conférence de presse, il y a un vrai enthousiasme des Libanais et des Beyrouthins pour ce festival, dû aussi à ces quatre années pendant lesquelles la culture a malheureusement laissé la place à d’autres considérations. Nous faisons ici un pari, nous voulons croire qu’il est possible de faire des choses, de signer le retour d’un très grand événement culturel au Liban aujourd’hui.

Quelles sont les différences attendues par rapport au Salon du livre?

C’est d’abord d’avoir un format renouvelé, modernisé, accessible, par la gratuité de l’ensemble des manifestations et rendez-vous et par la proximité avec les gens. Nous proposons des formats innovants, des rencontres qui mêlent les auteurs, des lectures à voix haute, le dessin, la musique, des formats vraiment pluridisciplinaires. Ce qui restera en commun avec le Salon du livre, c’est la priorité accordée à la jeunesse; il y a donc un accent mis sur la littérature jeunesse et il y aura surtout des auteurs qui interviendront dans les écoles. Nous avons un dispositif scolaire très ambitieux puisque soixante interventions d’auteurs et d’autrices auront lieu dans des établissements scolaires du Liban, pour être au plus près des enfants. C’était un vrai besoin qui s’est fait ressentir en octobre dernier lors de Beyrouth BD: les écoles ont soif de culture et les élèves en ont été bien trop longtemps éloignés. Il y aura donc des points communs avec le Salon du livre, cette tradition de la défense du livre francophone et des écrivains rédigeant en français et cette attention portée à la jeunesse dans toutes ses dimensions. Et des différences avec un format totalement renouvelé, et c’est bien je pense, après 25 ans de Salon du livre, de changer le format pour faire de nouvelles choses et évoluer.

Quelles sont les caractéristiques de ce festival, ses temps forts, les activités qui s’y rattachent? 

Un festival qui se déroule un peu partout en même temps est assez difficile à synthétiser, donc j’explique souvent ce festival en trois volets.

Le premier c’est cette programmation du 19 au 30 octobre, qui va vraiment se dérouler dans les villes du Liban, passant de Tripoli à Saïda, de Baalbeck à Jounieh sans oublier Zahlé, Tibnine et Baskinta. Il nous est paru essentiel d’aller au contact des individus car pour beaucoup de gens, il est assez difficile de se déplacer aujourd’hui à cause notamment des prix du carburant et évidemment de la crise économique.

Le deuxième volet, c’est cette déambulation à Beyrouth qui aura lieu à partir du samedi 22 octobre avec l’itinéraire littéraire porté par l’Agenda Culturel et l’Institut français du Liban. Il se poursuivra par une journée centrée sur Hamra le jeudi 27 octobre et une autre sur le quartier de Monnot le vendredi 28 octobre.

Enfin, le troisième volet se déroulera le week-end du 29 et 30 octobre, sur le campus de l’Institut français du Liban. Ce temps fort du festival réunira des activités et des performances, des rencontres, des projections de cinéma et un concert inoubliable. Il y a tellement d’événement qu’il est difficile de tous les citer, mais il y a évidemment la présence de l’académie Goncourt qui va proclamer les quatre finalistes du prix Goncourt 2022 depuis Beyrouth, en ouverture du festival. La projection également, en avant-première, du nouveau film de Michel Ocelot en présence de ce dernier, les samedi 29 et dimanche 30 octobre. Il y a aussi Wajdi Mouawad qui nous fait l’honneur d’être là pour nous offrir une lecture de sa dernière pièce, le lundi 24 octobre au soir. Et, bien évidemment le grand concert de Bachar Mar Khalifé qui se déroulera sur le campus de l’Institut français du Liban, le samedi 29 octobre au soir. Tout cela sans parler, de la très belle exposition de Lamia Ziadé, de la soirée Madina au théâtre Al-Madina, et des activités dans les universités.

Propos receuillis par Maureen Dufournet

Cet entretien a été originalement publié sur le site de l’Agenda culturel.