Les touches-tout de Lila Maroun Frem inaugurée le vendredi 11 novembre se poursuivra jusqu’au 1er décembre 2022 à la galerie KAF à Saint Nicolas.

Professeur des beaux-arts dans plusieurs universités et fondatrice de son propre studio, Atelier des Lilas, en 2004, Lila Maroun Frem est une artiste peintre offrant des couleurs joyeuses et de la bonne humeur. Elle peint à l’acrylique sur des canevas ou sur des bouts de bois récupérés de l’explosion du 4 août pour bien montrer que l’art permet de transcender le drame.

Ses œuvres rappellent le cubisme de Picasso par les formes coniques simplifiées à l’extrême ainsi que l’effort de synthétisation proche de l’abstraction. On y retrouve aussi la déconstruction conceptuelle du réel, les multiples perspectives de l’objet, la réduction des figures à des schémas géométriques ou cubes, l’aplatissement du plan de l’image et la fragmentation des sujets. L’artiste use de tous ces stratagèmes et jongle avec tous ces artifices, mais à sa manière propre vive et joyeuse.

Ainsi, sur les toiles de Lila Frem, les traits noirs épais viennent souligner les pourtours; les lignes s’entremêlent et s’emboîtent dans un dialogue constant, créant une dynamique visuelle pleine de vie. L’artiste s’amuse aussi à imaginer des créatures improbables parmi lesquelles on peut identifier des visages à œil de cyclope, des semblants de pieds ou de mains, des corps démembrés dans une déformation consciente et volontaire. Cette étrange faune abrite des êtres bizarres qui s’articulent, se désarticulent à souhait dans une sorte de mécanique ludique et désinvolte: un drôle de bestiaire en somme, habité par l’insolite, inventé par l’artiste qui s’amuse à en orchestrer les différentes résonances avec des aplats de couleurs vives et riantes dont l’interaction crée l’émotion esthétique.

Lila Frem jongle aussi avec les différentes notes chromatiques pour créer un monde fascinant semblable aux confettis multicolores ou aux bonbons de notre enfance dont les saveurs sont toniques et gourmandes. Elle se réapproprie ainsi le réel dans une fantaisie jouissive où le spectateur pris au jeu tente de décrypter l’énigme, remplir les vides, réécrire l’histoire dans une quête de sens comme un puzzle qu’il essaie de reconstituer suivant sa propre perception et ressenti.

Toute tentative de rationalisation restant inutile, on finit par plonger dans l’univers délirant et irréel de Lila, dans un vrai lâcher-prise, par se laisser entraîner dans son tourbillon de paillettes multicolores, se laisser prendre au plaisir intense d’une expérience sensorielle.

Jocelyne Ghannagé
joganne.com