Trente-six ans après les faits, un film pour aborder la brutalité policière sur les jeunes d’origine maghrébine en France, dans les années 80 : avec Nos frangins, Rachid Bouchareb raconte la mort de Malik Oussekine et d’un autre jeune, tués par des policiers à Paris en 1986.

Le film, qui sortira le 7 décembre dans les salles françaises, représentera l’Algérie aux Oscars. Il avait été présenté, en avant-première et hors compétition, en mai au Festival de Cannes où il avait été chaleureusement accueilli. En mettant en parallèle la mort de Malik Oussekine, jeune étudiant français d’origine algérienne, avec celle, le même soir, d’Abdel Benyahia, lui aussi Français d’origine maghrébine, Rachid Bouchareb affirme qu’ils font partie de la même histoire.

Un film que le réalisateur d’Indigènes avait " envie de faire depuis longtemps ". " Là, c’est l’horloge personnelle qui s’est déclenchée. Il était temps ", a-t-il confié lors d’un entretien réalisé en marge du Festival de Cannes. Première adaptation cinématographique de ces drames qui ont marqué une génération – celle des étudiants opposés au projet de loi visant à réformer les universités françaises présenté en 1986 et dit projet de loi Devaquet – le film sort quelques mois après la série Oussekine sur Disney+.

" Il y a des sujets de mémoire qui sont difficiles et il faut attendre que la France soit complètement prête à en parler ", poursuit le réalisateur. " On parle beaucoup de droitisation de la France (…) mais un film comme celui-là n’aurait pas pu se produire il y a quelques années. Qu’on puisse le faire aujourd’hui, c’est une vraie note d’espoir ", complète l’acteur Reda Kateb, qui campe le rôle de Mohamed, frère de Malik.

Si les familles n’ont pas participé au film, celui-ci s’est fait avec leur assentiment. " On n’a pas voulu bousculer ou réveiller leur blessure. On s’est tenu à notre place ", poursuit l’acteur de Hors normes. " C’est un film qui a été fait sans colère et avec beaucoup d’amour ", explique à l’actrice Lyna Khoudri qui incarne Sarah, la sœur de Malik.

Avec une écriture au couteau, un récit resserré, le film prend ses distances avec la série Disney+, plus dense, qui abordait notamment le thème de la colonisation. Le film de Rachid Bouchareb lui se concentre sur les destins de Malik et Abdel. Tous deux sont morts le même soir. Le premier à Paris, l’autre à Pantin, en proche banlieue parisienne. Tous deux ont été tués par des policiers.

Dans le cas d’Abdel Benyahia, jeune animateur de rue, d’une balle dans la poitrine par un inspecteur de police ivre alors qu’il tentait de s’interposer pour éviter une bagarre devant un café. Son histoire n’a pas été immédiatement médiatisée, de peur que sa mort, s’ajoutant à celle de Malik Oussekine, ne provoque davantage de manifestations dans un pays déjà marqué par de vives protestations étudiantes.

D’une grande justesse, Samir Guesmi, qui incarne le rôle du père d’Abdel Benyahia, transmet la solitude de cet homme, ouvrier et seul, et celle d’Oussekine, portée par son frère aîné Mohamed qui prend en charge les démarches judiciaires et reçoit le soutien du président de la République française de l’époque, François Mitterrand (socialiste).

" Incarner ce père qui a longtemps manqué dans le paysage du cinéma français et qui a maintenant sa place, c’est formidable ", raconte Samir Guesmi qui incarnait déjà un père dans son premier film comme réalisateur, " Ibrahim " (2020). Trente-six ans après les faits, qu’espérer du film ? " À chaque fois, les films déclenchent tout un mouvement (…) on met en route une locomotive et le cinéma est une locomotive ", estime Rachid Bouchared.

En 2006, Indigènes, qui avait valu un prix d’interprétation collectif à ses interprètes avait changé la vie des anciens combattants étrangers en permettant la revalorisation de leurs pensions.

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