Avec sa moustache, ses lunettes rondes et son éternel bob, Marcel Zanini, décédé mercredi à 99 ans, est passé à la postérité avec un tube, Tu veux ou tu ne veux pas, devenu un classique. Même s’il était avant tout un grand musicien de jazz.

" Le jazz, c’est toute ma vie. C’est une passion, une maladie. Le jazz, c’est mieux que d’être amoureux ", confiait-il en 2005. Clarinettiste et saxophoniste ténor, il part même s’installer quatre ans à New York dans les années 50 pour être au plus près des musiciens de légende et fréquenter les boîtes de jazz. Pendant son séjour aux États-Unis, où il écrit pour le magazine spécialisé " Jazz Hot ", il croise Louis Armstrong, Lester Young, Billie Holiday et celui qui l’impressionne le plus, Bird. " Avoir vu jouer Charlie Parker, c’est une des plus grosses impressions de ma vie ", disait-il. " Dès les premières notes, il vous touchait droit aux entrailles ".

Mais davantage que le jazzman reconnu, le grand public garde de Marcel Zanini l’image de ce petit bonhomme facétieux à la Tati ou à la Benny Hill, qui fait irruption à la radio et à la télévision à la fin des années 60. Avec une chanson adaptée d’un titre brésilien qu’il enregistre en un quart d’heure… "
Tu ne veux ou tu veux pas/ Tu veux, c’est bien/ Si tu veux pas, tant pis/ Si tu veux pas, j’en ferai pas une maladie ", fredonne-t-il devant une paire de cuissardes noires.

Désarmante de simplicité, la chanson -refusée par plusieurs artistes, dont Eddy Mitchell- connaît un énorme succès. Elle est sur toutes les lèvres, y compris de Brigitte Bardot, qui la reprend un an plus tard. Une gloire soudaine (160.000 disques vendus en un temps record) qu’il regarde étonné, par-dessus ses grosses lunettes. Si elle ne lui apporte pas la fortune – " question argent, je suis vraiment passé à côté "-, elle lui confère une notoriété énorme. " Et, au bout du compte, bizarrement, cela m’a fait connaître comme musicien de jazz ". Né à Istanbul le 7 septembre 1923 d’un père français d’origine italienne et d’une mère grecque, Marcel Zannini (avec deux " n " dans son vrai patronyme) s’installe en 1930 à Marseille avec sa famille, modeste. Il délaisse vite l’école et enchaîne les petits boulots : mitron, menuisier, garçon de courses… Et tombe un jour sur une affiche de cinéma qui représente Benny Goodman jouant de la clarinette. Il va voir le film et en sort subjugué.

Il a alors 19 ans et se met lui aussi à la clarinette. " La première fois que j’ai soufflé dedans, j’ai joué une note. Elle était peut-être fausse, mais elle était jazz ", racontait-il avec son humour légendaire. À la fin de la guerre, il intègre le quintette de Léo Missir, qui deviendra plus tard directeur artistique chez Barclay.

Avant de former à son tour le sien, après sa parenthèse américaine, et de " monter " à Paris. Il enregistre ses premiers disques et joue le soir dans les boîtes de la rive gauche, dont il devient un pilier. Pendant des décennies après le succès de Tu veux ou tu veux pas, il continue à réaliser des albums de jazz, où il alterne reprises et compositions originales, et à se produire dans les clubs. Parfois accompagné à la guitare par son fils Marc-Édouard Nabe, écrivain devenu sulfureux et exilé en Suisse. " Jamais je n’ai abandonné le jazz. Tous les jours, j’en écoute et j’en joue ".

AFP