Les Œuvres romanesques de Claire de Duras paraissent en poche aux éditions Folio, deux cents ans après le premier succès de la romancière. Cette collection inclut quatre romans, dont un inédit, ainsi que deux ébauches inédites.

CLAIRE de DURAS (1777-1828) photographiée par Granger.

Portant le même nom que Marguerite Duras, Claire de Duras, elle, n’est pas née au XXe siècle mais au siècle précédent. Claire Louisa Rose Bonne, née Claire de Coëtnempren de Kersaint le 27 février 1777 à Brest, est morte le 16 janvier 1828 à Nice. Romancière "féministe", elle a publié son premier roman, Ourika, de manière anonyme en 1823. Ce dernier portait, à cette époque-là, sur les questions d’égalité raciale et sexuelle. Les ouvrages de Claire de Duras traitent en effet de sujets complexes et controversés, mettant en scène des personnages marginaux, non conformistes et assujettis. 

Ourika connaît immédiatement un succès instantané. Ce récit de la destinée d’une Sénégalaise en France, inspiré d’une histoire vraie, a été rédigé en quelques jours en décembre 1821, par une noble de 45 ans, qui tient un salon littéraire à Paris. Pendant toute cette année du règne de Louis XVIII, on s’arrache des copies du manuscrit dans tous les cercles littéraires des capitales européennes. Il est précédé d’une recommandation flatteuse: Claire de Duras est l’amie de François-René de Chateaubriand, l’un des écrivains les plus en vue du monde à cette époque du romantisme. L’autrice écrit également en 1822 un deuxième roman, Édouard, et un troisième, Olivier. Ses œuvres sont publiées pour empêcher les possibilités de plagiat. Elle ébauche encore Le Moine du Saint-Bernard, qu’on croyait longtemps disparu et qui paraît pour la première fois aujourd’hui.

En 1823, Claire de Duras achève les Mémoires de Sophie qui n’est pas compris dans ce volume. De plus, à une date inconnue, elle esquisse En Bretagne et Le Paria, deux autres ébauches à lire pour la première fois.

Qui sait combien de livres cette romancière tardive portait en elle? Sa carrière fulgurante s’arrête avec sa mort en 1828, à 50 ans. Ourika et Édouard ont fait sensation. Le premier n’a été tiré initialement qu’à une trentaine d’exemplaires, par une autrice qui n’avait pas la prétention de se faire un nom, ni de diffuser ses écrits auprès du grand public.

À partir de la commercialisation de son édition grand public, en 1824, Ourika devient un best-seller. Marie-Bénédicte Diethelm, docteur en littérature et responsable de cette édition, parle dans la préface d’une Ourika-mania. On adapte ce court roman au théâtre. On le traduit. On peint le personnage, on le met sur des produits dérivés. On imagine la suite de ses aventures, on le caricature, etc. Deux siècles plus tard, Claire de Duras a laissé l’image d’une plume injustement oubliée.

Le quotidien Télégramme de Brest (sa ville natale) la qualifie de "romancière bretonne et icône woke, aujourd’hui célébrée dans le monde anglo-saxon pour la dimension révolutionnaire de ses romans". Pour Marie-Bénédicte Diethelm, elle était "sagement libérale".

La BnF l’avait mise à l’honneur fin 2020 parmi une pléiade d’autrices à redécouvrir. L’universitaire Morgane Avellaneda la décrivait alors, dans Libération, comme une "romancière de l’altérité", signant "un texte puissant, où l’intériorité de la jeune Sénégalaise est mise sur le devant de la scène".

Première héroïne noire de son temps, Ourika est une jeune femme bien éduquée par la famille française qui l’a adoptée à l’âge de deux ans, et qui observe avec acuité qu’elle restera, quoi qu’elle réussisse, une étrangère. Une "négresse", comme elle le dit avec le langage de l’époque, qui se rend à l’évidence: "Je n’avais pas d’avenir, et je ne m’en doutais pas."

La fin d’Ourika est triste. Celle de Claire de Duras le sera aussi. Accablée par le départ de sa fille aînée et le peu d’attention que lui prête Chateaubriand, dont elle est éprise, elle part à contrecœur en voyage, sur le conseil de ses médecins, en Suisse et sur les bords de la Méditerranée. Elle n’en reviendra pas.

Marie-Christine Tayah avec AFP
Instagram: @mariechristine.tayah

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