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Dans le cadre pittoresque de la lagune vénitienne, la 80édition du prestigieux Festival de cinéma La Mostra de Venise a révélé au monde un trésor de narrations filmiques audacieuses et évocatrices, en consacrant l’œuvre magistrale de Yorgos Lanthimos, Poor Things (Pauvres créatures). Ce dernier opus du cinéaste grec dépeint une version féminine du Frankenstein, un récit fantastique et baroque articulé principalement en noir et blanc qui tisse, de manière à la fois crue et sensible, un commentaire sur les normes sociétales pesant sur les femmes.

La performance prodigieuse d’Emma Stone, à la fois devant et derrière la caméra en tant que productrice, a été au cœur des éloges, créant une créature candide dont le voyage initiatique aborde des dimensions sentimentales et sexuelles complexes. Bien que l’actrice n’ait pu assister à l’événement en raison des mouvements de grève paralysant Hollywood, Lanthimos n’a pas manqué de lui rendre un hommage vibrant lors de son discours de remerciement, affirmant que le film et le personnage principal, Bella Baxter, "n’existeraient pas sans Emma Stone, une autre créature incroyable".

Dans un climat politique tendu marqué par une gouvernance d’extrême droite en Italie, le jury, sous la présidence avisée du réalisateur Damien Chazelle, a choisi de projeter sur le devant de la scène des œuvres portant un message fort sur les crises migratoires contemporaines que connaît l’Europe. Parmi elles, Green Border d’Agnieszka Holland, qui dresse un portrait tragique des migrants venus de Syrie, d’Afghanistan et d’Afrique, se voit décerner le Prix spécial du jury.

Le talent prometteur Seydou Sarr a été reconnu en tant que meilleur espoir pour son rôle poignant dans Moi, Capitaine de Matteo Garrone, un récit poignant suivant le périple d’un jeune migrant bravant les dangers pour rejoindre l’Italie. Cette œuvre a également été honorée du Lion d’argent de la meilleure réalisation.

Au rang des récompenses individuelles, l’étoile montante Cailee Spaeny a été acclamée pour son incarnation de Priscilla Presley dans Priscilla de Sofia Coppola, tandis que Peter Sarsgaard recevait les applaudissements pour sa prestation dans Memory de Michel Franco, où il donne vie à un homme aux prises avec la démence. Durant la cérémonie, Sarsgaard a exprimé son soutien à la grève en cours et a partagé ses inquiétudes vis-à-vis de l’ascension de l’intelligence artificielle, appelant à une réglementation prudente de cette technologie.

Le festival a également été le théâtre de résonances puissantes avec les mouvements sociaux en cours, tant du côté des revendications syndicales que des mouvements féministes. Ces derniers ont protesté contre l’honneur accordé à des cinéastes impliqués dans des scandales de harcèlement sexuel, mettant en lumière les tensions persistantes autour des questions de genre et de justice dans l’industrie cinématographique.

Luc Besson, Woody Allen et Roman Polanski, figures controversées, étaient également présents dans le panorama de cette édition, bien que leurs participations aient suscité des critiques acerbes et un accueil frisquet, réaffirmant la nécessité d’un débat approfondi sur la distinction entre l’artiste et l’individu.

Alors que le rideau tombe sur cette édition monumentale de la Mostra de Venise, le palmarès éclectique témoigne d’une industrie cinématographique en pleine effervescence, naviguant entre des thèmes aussi divers que l’amour, la politique, les crises humanitaires et les revendications sociétales, promettant un futur du cinéma à la fois riche et engagé.

Voici, pour résumer, la liste des lauréats :

  • Lion d’or du meilleur film: Poor Things (Pauvres créatures), réalisé par le Grec Yorgos Lanthimos.
  • Lion d’argent – Grand Prix du Jury: Aku wa sonzai shinai (Evil does not exist), une œuvre du Japonais Ryusuke Hamaguchi.
  • Lion d’argent de la meilleure réalisation: décerné à Matteo Garrone pour Io, capitano (Moi, Capitaine) (Italie).
  • Prix de la meilleure actrice: attribué à Cailee Spaeny pour sa performance dans Priscilla de Sofia Coppola.
  • Prix du meilleur acteur: remporté par Peter Sarsgaard pour son rôle dans Memory, un film de Michel Franco.
  • Prix du meilleur scénario: attribué à Guillermo Calderon et Pablo Larrain pour El Conde, réalisé par Pablo Larrain.
  • Prix spécial du jury: décerné à Zielona Granica (Green Border), un film de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland.
  • Prix Marcello Mastroianni du jeune espoir: Seydou Sarr a été honoré pour son rôle dans Io, Capitano (Moi, capitaine) de Matteo Garrone.

Avec AFP