Le calendrier romain, comme je l’ai dit dans un de mes précédents articles, ne comptait que dix mois dont le premier était le mois de mars et le dixième le mois de décembre, jusqu’à ce que le roi légendaire Numa Pompilius, vers l’an 713 avant J.-C., en rajoutât deux, en l’occurrence janvier et février, allongeant dès lors l’année de 304 à 365 jours. Il faudra, cependant, attendre l’avènement du calendrier julien, en l’an 46 avant J.-C., pour que février soit désigné désormais comme le deuxième mois de l’année. Et, sans nul doute, le plus pluvieux et le plus froid.

Numa Pompilius/ www.roma-latina.com

Or, la légende veut que ce fût Auguste qui, jaloux que le mois de juillet nommé après Jules César et en son honneur comptât 31 jours, alors que le mois d’août nommé en son honneur n’en comptât que 30, décrétât en l’an 8 avant J.-C., que son mois en compterait désormais autant après avoir déplacé un jour du mois de février à la fin du mois d’août.

Pour revenir à Numa Pompilius, on voit bien qu’il ne s’était pas occupé de nommer le mois de février après son nom ni en son honneur, ni encore moins en l’honneur du dieu des mers et des eaux Neptune à qui il aurait pourtant bien pu le consacrer au vu des quantités de pluie torrentielles qui le caractérisent. Numa décida, en fait, de l’appeler februarius, du latin februare, qui désigne la purification. En effet, en cette période de l’année, tous les ans, des fêtes publiques, appelées les Fébruales, se célébraient à Rome en l’honneur des morts. Différents sacrifices étaient faits, durant les trois premières semaines du mois, aux dieux des enfers, en l’occurrence Pluton et Proserpine, pour s’accorder leur clémence. Pendant ces célébrations, nul n’avait le droit de célébrer de mariage. Il fallait procéder à une véritable catharsis, tant physique que morale, en se purifiant intégralement aux pluies de février tout comme la terre se lavait elle aussi avant l’arrivée des mois de récolte. Au cours de la dernière semaine de février, les Romains célébraient alors des fêtes, appelées, pour leur part, les Terminales, en l’honneur du dieu Terme, dieu de l’éternelle jeunesse et protecteur des frontières, symbole même de la pérennité de Rome et de l’immuabilité de sa superficie.

On sait, enfin, comme l’inconscient collectif transcende l’espace et le temps et défie toutes sortes de cloisonnement, que, bien des siècles plus tard, l’Église catholique fixa la date du 2 février comme celle de la fête de la purification mariale: en effet, quarante jours après la naissance de Jésus, la Vierge se serait rendue au temple, pour y présenter, en signe de sa purification, deux tourterelles et deux pigeons, tout en présentant son fils au Seigneur. Autrefois, pour célébrer la purification mariale, les chrétiens faisaient des processions avec des chandelles allumées, c’est pourquoi la fête en question fut nommée la Chandeleur. Elle garde toujours ce nom bien que le pape Gélase en fît supprimer la cérémonie en l’an 472.

Des Fébruales impossibles ?

Au vu des tempêtes successives et des pluies diluviennes qui frappent notre pays depuis les fêtes de fin d’année, sans discontinuité, nous pourrions bien penser que notre inconscient collectif nous rappelle notre devoir de purification avec ce début du mois de février. Purification, encore plus nécessaire, à l’aune de tous nos morts qui sont tombés sous le joug de nos tragédies successives. J’imagine que tomber d’accord entre nous sur le fait d’y procéder, nous qui sommes si souillés par les miasmes de nos politiques, en vue des grandes "récoltes" que nous attendons impatiemment et appelons de nos vœux, ne poserait aucun problème. Et, tant qu’à le faire, nous pourrions célébrer aussi, en fin de purification, le dieu Terme: peut-être assurerait-il la pérennité de notre Liban et en protègerait-il les frontières?

Et, pourtant, comment y procéder quand chacun, comme on peut l’anticiper, fera du sien sur la manière de se purifier et cherchera à faire prévaloir son rite sur ceux de tous les autres: qui par l’eau, qui par le jeûne, qui par les mortifications, qui par l’ascèse, qui par le feu…?

Comment y procéder, notamment lorsque ceux qui voudront le faire par le feu, parce qu’ils le possèdent, n’hésiteront pas, en réalité, à l’ouvrir sur tous les autres?

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