Benjamin Vautier, dit Ben, artiste franco-suisse et figure emblématique de l’art contemporain, s’est éteint à l’âge de 88 ans, laissant derrière lui un héritage artistique iconoclaste et provocateur qui a marqué des générations et bousculé les codes de l’art établi.

Benjamin Vautier, plus connu sous le nom de Ben, s’est donné la mort, mercredi, dans sa demeure niçoise, quelques heures seulement après le décès de son épouse Annie, sa muse et complice depuis 60 ans. Leur disparition conjointe met fin à une histoire d’amour fusionnelle qui a nourri et inspiré l’œuvre de cet artiste hors norme.

Né en 1935 à Naples, Ben a fait de Nice sa ville d’adoption dès l’âge de 14 ans. C’est là, sur la Côte d’Azur, qu’il a posé les fondations de son parcours artistique en créant l’École de Nice avec Arman, Yves Klein et Martial Raysse. Ensemble, ils ont insufflé un vent de fraîcheur et de provocation dans l’art contemporain, remettant en question les dogmes établis.

Revendiquant son appartenance au mouvement Fluxus, Ben a fait de la subversion et de la dérision ses armes de prédilection. Ses fameuses "écritures" – ces messages impertinents et faussement naïfs tracés à la peinture blanche sur fond noir – sont devenues sa marque de fabrique. Avec une graphie enfantine et une pointe d’humour, il interpelle, questionne, bouscule: "À quoi sert l’art?", "Le nouveau est-il toujours nouveau?", "Que faites-vous ici?"…

L’œuvre de Ben ne se résume pas à ces slogans devenus iconiques. Sa maison-atelier sur les hauteurs de Nice était elle-même une œuvre d’art totale, un cabinet de curiosités où se côtoyaient installations provocatrices et poésie du quotidien. Ben croyait en un "art de tout", un art qui s’immisce dans les recoins les plus banals de la vie, loin des cénacles élitistes.

Cette vision singulière lui a valu une reconnaissance internationale. Exposé au MoMA à New York et au Centre Pompidou à Paris, Ben a su conquérir le grand public avec ses créations déclinées sur une multitude de supports, des trousses d’écoliers aux sacs à dos. Certains y ont vu de l’opportunisme, d’autres un génie du marketing. Mais pour Ben, il s’agissait avant tout de "communiquer", de faire de l’art un vecteur de pensée et d’émotion accessible à tous.

Iconoclaste jusqu’au bout, Ben n’a eu de cesse de remettre en question son propre statut d’artiste. "Si j’étais critique d’art, j’esquinterais Ben", disait-il avec malice. En signant les tableaux des autres, en déclarant "œuvre d’art" les objets les plus triviaux, il a ébranlé les certitudes de l’art contemporain, affirmant que "l’art est dans l’intention" et qu’"il suffit de signer".

Cette approche subversive lui a valu autant d’admirateurs que de détracteurs. Certains artistes voyaient en lui un usurpateur, un opportuniste qui se jouait des codes. Mais pour Ben, la provocation était un moyen de faire réfléchir, de pousser les limites de l’art toujours plus loin. "Je ne suis pas une machine à fric, mais une machine à communiquer", assurait-il, revendiquant une "recherche philosophique" permanente.

Aujourd’hui, Nice perd l’un de ses enfants les plus brillants et les plus libres. Ben laisse derrière lui un héritage artistique foisonnant, à l’image de sa personnalité complexe et attachante. Provocateur et sensible, iconoclaste et profondément humain, il a marqué l’art contemporain de son empreinte indélébile.

Son départ, aux côtés de sa bien-aimée Annie, sonne comme un ultime pied de nez, un dernier "geste" artistique empreint de poésie et de tragédie. Ben n’aura cessé, jusqu’au bout, de brouiller les pistes, de questionner les frontières entre l’art et la vie. Et c’est peut-être là, dans cette quête obstinée de sens et de liberté, que réside la beauté profonde de son œuvre…

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !