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Encore un talent libanais qui s’affiche à la galerie Janine Rubeiz et pas des moindres!  Sara Abou Mrad, artiste multidisciplinaire, peintre et sculpteur, est propulsée à Paris après avoir été lauréate du concours "Appel aux jeunes artistes du Liban", lancé en 2020 par Jacques Lang et Claude Lemand.

Entre 2011 et 2022, elle récolte multiples trophées et prix internationaux et participe à plusieurs expositions collectives et individuelles à Beyrouth et à l’étranger. Ses œuvres font partie de plusieurs collections dont celles de l’IMA à Paris et de la Dalloul Art Foundation à Beyrouth. Elles font même l’objet d’enchères publiques au Liban, en France et en Roumanie entre 2020 et 2023.

Son exposition Rester ou partir qui se poursuit à la galerie Janine Rubeiz jusqu’au 23 août 2024 s’ouvre sur un questionnement. Un dilemme qui précède le départ des migrants chassés par la guerre, la famine ou l’oppression et qui continue à poursuivre les expatriés face à la solitude et à l’adversité.

Ce choix déchirant est aussi imposé par la cruelle nécessité des événements politiques ou la mondialisation, faisant passer d’un mode de vie collectif à un mode de vie individualiste. Ce sujet poignant et brûlant d’actualité traite ainsi de l’éclatement des liens, de la séparation, du désarroi de tous les déracinés de la terre en quête de cieux plus cléments.

Le départ au centre de l’œuvre est certes perçu comme une fuite face à la dure réalité du monde mais aussi comme un envol, une transcendance grâce à la création artistique.

Le thème abordé par l’artiste est, par suite, universel puisqu’il concerne l’angoisse existentielle inscrite au plus profond de l’être, celle d’une humanité exilée sur cette terre éprouvant l’absence d’un paradis perdu.

Grâce à un langage symbolique et haut en couleurs, Sara Abou Mrad nous transporte d’emblée dans un univers imaginaire où règnent mouvement et turbulences.

En effet, les toiles de l’artiste sont l’expression même de cet arrachement au pays, aux souvenirs et êtres chers.

Une silhouette féminine, le double de l’artiste, semble flotter dans le vide, complètement désemparée, en quête de repères ou de liens improbables.

Au centre de l’œuvre, la table bien ancrée sur le sol incarne l’enracinement, la stabilité, la sécurité et le confort. Chargée de victuailles de toutes sortes, elle offre tous les signes de l’abondance et de la convivialité.

Les poissons partout présents sur les toiles représentent la vie communautaire puisqu’ils voyagent toujours en groupes. Ils sont aussi symbole de pêche miraculeuse pour rappeler que les fruits du terroir sont un don du ciel et que la patrie est une mère nourricière.

Le parterre aux couleurs brunes, chaudes et lumineuses incarne les attaches affectives au foyer et à la terre. Un univers chaleureux et rassurant, parfois cloisonné qui s’oppose parfois à celui sombre et glauque d’un arrière-plan bleu nuit incarnant la froideur glacée du saut dans l’inconnu, de l’insécurité et de la peur.

Personnifiant cette anxiété, la table dans certains tableaux semble basculer dans le néant, emportant dans sa chute tous les mets dont elle est chargée, souvenirs heureux d’un passé révolu.

Elle se transforme alors en bête menaçante et imprévisible pour écarteler l’âme et l’esprit de sentiments contradictoires. Ses pieds deviennent pattes velues, portent griffes ou sabots pour traduire la crainte de l’altérité, du seuil fatidique à franchir.

L’image rassurante de la tablée joyeuse et familière semble alors distordue, défigurée, alors que s’évanouit à l’arrière un ciel bleu éthéré emportant avec lui chaises et supports matériels et psychologiques. Tout un monde de réconfort et de bien-être donne ainsi l’impression de chavirer dans un abîme d’incertitude.

En effet, la lune cesse d’être lumineuse, accueillante, pour devenir écarlate, inquiétante.

La table semble tournoyer, la nappe et les victuailles sont emportées dans une chevauchée infernale par un équidé sans tête en perte d’équilibre.

La soucoupe a l’air de grimacer, la nappe lève les bras dans un geste d’impuissance. Les chaises symbolisant les membres de la famille se dispersent dans un vent de panique, une bousculade qui traduit étrangement l’urgence des départs.

Toutefois ce langage à la fois dynamique et enfantin grâce aux couleurs vives, à la naïveté du dessin, incite à plus de légèreté, à se nourrir de rêves pour s’affranchir du doute et de l’incertitude.

En effet, si dans l’œuvre de Sara Abou Mrad, tous les éléments sont épars, c’est qu’ils s’envolent vers plus d’apesanteur. Un fil invisible continue à les relier comme une promesse de renouveau, une invitation à renouer de nouveaux liens.

Un flux d’énergie semble alors traverser l’espace pour insuffler la confiance, pour rappeler que le changement est inéluctable, inhérent à la vie même. Que toute nouvelle aventure appelle à la métamorphose. Qu’il faut passer par l’épreuve du feu, par le sacrifice et le renoncement pour transformer le plomb en or.

Le parcours de l’artiste n’est-il pas lui-même la preuve éclatante de cette renaissance?

Venez donc découvrir cet univers unique et inspirant jusqu’au 23 août 2024 à la galerie Janine Rubeiz.

www.joganne.com
@jogannepaintings

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