"Musique et liberté", une conférence accompagnée de musique par le docteur Georges Haddad, dans le cadre du festival international d’Al-Bustan.

J’arrive avec deux amies au musée Sursock une demi-heure avant le spectacle "Musique et liberté", une conférence accompagnée de musique par le docteur Georges Haddad, dans le cadre du festival international d’Al-Bustan. À part quelques gardiens, la cour du musée est vide. Vingt minutes avant le spectacle, nous nous dirigeons vers l’auditorium. L’ascenseur du musée Sursock nous transporte vers les entrailles du bâtiment en voie de réhabilitation, ayant été grièvement atteint par l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020.

Un silence loin d’être typique règne dans l’auditorium presque vide. Il frôle le sinistre. Pourtant l’occasion est réjouissante: la reprise du festival musical Al-Bustan in vivo. Au fur et à mesure que la salle se remplit, le sentiment de malaise se dissipe. La présentation nous offre un répit, durant lequel Georges Haddad, médecin, philosophe, homme de la Renaissance, nous parle de musique, de culture et d’espérance. Il parle la langue du " vivre-ensemble" et nous offre une lueur d’espoir nommée liberté.

C’est une conférence aussi réussie que toutes les précédentes auxquelles j’ai assistées, sauf que, pour la première fois depuis longtemps, Covid oblige, elle s’est déroulée en présentiel.

Notre quotidien virtuel nous pèse. On ne touche plus nos proches, on ne fait plus la bise, on ne se serre plus la main, on ne fait plus de câlins. Tout cela est remplacé par ces drôles de geste de boxe qui amusent tellement les chefs d’États à la télévision. Pire, on se croise et on ne se reconnaît pas, même entre bons amis! Derrière le masque qui nous sauve la vie se trouvent des êtres qui se fanent, leur joie de vivre massacrée par des mesures de précautions inévitables… un cas du genre "le traitement a réussi, mais le patient est mort".

Le patient.

Nous sommes un pays de patients. Des patients qui ont perdu le sourire, parce que sa magie est invisible derrière le masque salvateur. On s’enfonce de plus en plus dans nos vies intérieures, et quand on se revoit en présentiel, on est comme les mineurs qui suivent le canari dans des espaces interdits dans les entrailles de la terre, en s’accrochant à l’espoir que le canari continuera à chanter, les prévenant ainsi à temps pour assurer leur salut.

Depuis octobre 2019, on se demande pourquoi les Libanais ont été si passifs face aux voleurs, aux corrompus et aux criminels qui continuent à régner dans la vie politique du pays. Je n’en sais rien. Mais je sais que le patient libanais est en état de guerre. Il est en train de combattre sur plusieurs fronts: contre la dégénérescence de la qualité de vie, contre la perte de sa dignité, contre la pandémie dévastatrice et contre la mère de toutes les batailles, contre le désespoir.

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