Irvin Yalom, psychiatre et psychanalyste, est l’auteur de nombreux essais, romans et récits. 

Dans cet ouvrage, il visite le musée Spinoza d’Amsterdam; de là, il saisit comment ce juif séfarade portugais, converti de force au catholicisme, est arrivé à Amsterdam, dans une communauté juive, et deviendra le fondateur d’une pensée contestataire de la superstition religieuse de cette même communauté. Spinoza développe ce qu’on pourrait appeler une pensée marrane, pensée philosophique issue de l’affrontement des deux religions juive et catholique, où l’enjeu pour chacune est la superstition utilisée à des fins politiques d’asservissement. Mais pour Spinoza, Dieu ce n’est pas ça. Il est alors mis au ban du conformisme orthodoxe de sa famille et chassé de la communauté en 1656.

Comme un tisserand, Yalom entrecroise les deux fils des vies de Baruch de Spinoza et d’Alfred Rosenberg, ce dernier farouche antisémite, fondateur de la pensée nazie dont il fut le propagandiste toute sa vie. Deux vies s’entrecroisent dans ce roman, où l’on voit que Rosenberg avait une étrange et obsédante curiosité pour Spinoza.

De source officielle, à la suite du procès de Nuremberg, le terme "Le problème spinoza" apparut, énigme qui a toujours hanté ce nazi. Après des recherches dans les archives, Yalom découvre que cet éminent dirigeant du parti nazi, responsable de la rééducation du peuple allemand via le principal journal du parti lors de l’invasion de la Hollande en 1941, avait confisqué la totalité de la bibliothèque de Spinoza dans l’ex-demeure de celui-ci devenue un musée. Du procès de Nuremberg, Irvin Yalom tira assez d’informations pour considérer Rosenberg comme un cas clinique.

Rosenberg aurait-t-il lu l’Éthique? Est-ce là le mystérieux "Problème Spinoza"? Peut-on admirer l’œuvre d’un homme qu’on déteste? Dont on hait le groupe humain? Problème toujours contemporain aujourd’hui sous des aspects, certes différents, liés à l’époque.

Tout au long de ce roman historique, l’auteur tente avec talent de proposer des explications en fonction de sa pratique de médecin des âmes. L’étude de ces deux personnages menée conjointement tisse une trame qui donne à ce texte une clarté simple et exemplaire pour tous ceux qui veulent découvrir l’Éthique de Spinoza et la folie de Rosenberg, sa haine des juifs. Rosenberg sera condamné à Nurenberg et pendu. Spinoza mourra le 21 février 1677, seul, de tuberculose, à environ quarante ans, avant de terminer son Traité des autorités théologique et politique.

Il faudra quelques années encore pour que le monde entier connaisse sa valeur de philosophe et en particulier son Éthique qui fit tant énigme à Rosenberg.

P.-G. Despierre, psychanalyste, écrivain, essayiste