L’offensive de la Russie en Ukraine commence à ébranler le Liban très dépendant de ces deux pays pour son approvisionnement en blé et en huile. Les ports ukrainiens fermés, le trafic en mer Noire perturbé, le commerce de céréales de Russie arrêté et l’augmentation de 23% du cours du blé font craindre le pire.  Diverses pénuries commencent à pointer. Depuis dimanche, on ne trouve plus ni farine ni huile dans les supermarchés sans oublier le pain qui se fait rare.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a d’ores et déjà de grosses répercussions sur le secteur agricole et stresse les marchés mondiaux de blé, maïs, orge et huile de tournesol, ces deux pays étant les principaux exportateurs mondiaux.  Ceci pourrait avoir des impacts importants sur la sécurité alimentaire de plusieurs pays dont le Liban. En effet, la Russie et l’Ukraine, c’est 30% des exportations mondiales de blé et d’orge. L’Ukraine est aussi le 4ème exportateur mondial de maïs, le 5ème en blé, le 3ème en orge, et se trouve dans les premières places sur le marché mondial en huile.

Le Liban qui est confronté à une crise économique et financière a "seulement de quoi tenir un mois et demi" après le déchargement de cinq céréaliers venus d’Ukraine, a révélé Ahmad Hoteit, le président des importateurs de blé. Depuis 2010, le pays importe 60% de son blé de Russie et d’Ukraine.

Le Liban fait donc face à un problème si un marché alternatif n’est pas sécurisé. Selon un économiste, il est possible de le faire, mais le problème des coûts en raison du prix élevé du blé dans le monde, ainsi que l’incapacité de la Banque du Liban à continuer à soutenir et à ouvrir des crédits, posent problème.

Face à cette réalité, le gouvernement a décidé vendredi de former une commission présidée par le ministre de l’Économie et du Commerce, comprenant les ministres de l’Industrie, de la Culture, de la Défense et de l’Agriculture, avec pour objectif de prendre des précautions afin d’éviter une crise alimentaire.

Rationnement de la farine

La première mesure annoncée par le ministre de l’Industrie Georges Bouchikian est le rationnement de la farine. Celle-ci ne sera livrée que pour la production de pain libanais, jusqu’à ce que le blé soit importé du Canada. A noter toutefois que l’approvisionnement depuis les États-Unis, le Canada ou l’Argentine se fera avec des délais d’acheminement d’environ vingt-cinq jours.

Cette action subsistera jusqu’à ce que des quantités additionnelles de blé arrivent au Liban. "Le blé est disponible, la coopération entre les différents ministères a pour but de préserver les stocks et assurer la pérennité des produits", rassurent les minoteries qui demandent de "ne stocker ni le pain ni la farine".

Lundi, le ministre Bouchikian a certifié que la BDL a ouvert des lignes de crédit pour importer du blé.

Pas de panique

Le président du syndicat de importateurs de produits alimentaires au Liban, Hani Bohsali, se veut quant à lui rassurant. "Il n’y pas de raison pour que la farine vendue en supermarché ne se trouve pas en stocks. La farine ménagère que l’on trouve au supermarché n’a rien à voir avec la farine utilisée pour le pain libanais. C’est totalement différent. La farine problématique, c’est celle subventionnée par la Banque centrale et qui est uniquement utilisée pour le pain arabe. La farine pour les croissants, les baguettes et les gâteaux n’est pas subventionnée et elle existe. Il y a un problème mondial de blé mais les répercussions sur la farine en général est hors mesure".

En ce qui concerne l’huile, Bohsali explique que "c’est un problème de fourniture et de prix. Nous importons 60% de notre huile d’Ukraine. Les prix internationaux ont augmenté de près de 100% à cause de la crise mondiale et de l’instabilité des marchés. L’huile existe mais les prix vont hausser. Les citoyens paniquent. Si vous mettez 100 bouteilles sur les rayons, elles vont disparaitre en 5 minutes. Il y a un problème d’huile, c’est sûr. Mais il n’y aura pas de pénurie. A cause de leur peur, les citoyens achètent beaucoup plus que leurs capacités ce qui fait que vous trouverez les produits dans les maisons plus que dans les supermarchés. De plus, ce qui est absolument inacceptable, c’est que les supermarchés enlèvent les produits des rayons". "Ils n’ont pas livré de marchandises", rétorque le président du syndicat des propriétaires de supermarchés Nabil Fahed, qui ajoute que les Libanais ont détruit leur pays et leur État et que les commerçants font la pluie et le beau temps.

Les guéguerres se poursuivent donc au Liban alors que le citoyen n’en peut plus de devoir mendier ses besoins les plus basiques, à l’ombre de deux crises, l’une mondiale et l’autre locale.