C’est dans l’air du temps d’attaquer actuellement les banques, un populisme à moindre frais et une campagne sans risque politique. Sauf qu’il y a un arbre qui cache la forêt.

La croisade anti-banques qui s’est accélérée ces derniers temps n’est pas fortuite. Elle fait partie d’un processus lancé il y a plus de deux ans dans une course contre la montre pour faire aboutir ses objectifs. De quoi s’agit-il? Et pourquoi le timing est important pour ceux qui mènent cette croisade?

Mais commençons d’abord par les deux constantes, que les détracteurs négligent, soit par mauvaise foi, soit par ignorance (degré zéro), soit les deux à la fois. La première est que, avec ou sans crise financière nationale, aucune banque au monde ne peut satisfaire toutes les demandes de retrait si les déposants se ruent en même temps aux guichets –  même si des mesures judiciaires les forcent à le faire.

La seconde est que tous les pays qui sont passés par une crise financière ont établi une loi de contrôle de capitaux dès les premières semaines, afin de préserver les réserves monétaires du pays et la stabilité du système bancaire.

Ce sont deux constantes valables quel que soit le scénario, y compris dans le cas où les banques n’ont pas participé à l’endettement de l’État.

Cela est tellement évident que la suspicion de mauvaise foi, doublée d’ignorance degré zéro, est la seule explication concernant les comportements des parties qui attaquent d’une manière démesurée les banques.

Le cours des événements depuis 2019 permet d’expliquer la suite. L’opinion prépondérante est qu’on a omis de voter une loi sur le contrôle de capitaux pour permettre aux politiques et autres personnalités influentes de transférer leur argent à l’étranger, ce qui est plausible. Mais cela n’explique pas ce retard excessif car ces transferts auraient pu être effectués dès les premières semaines. Un retard de deux ans a une autre explication : c’est le Hezbollah, banni du système bancaire qu’il considère comme un ennemi juré, qui veut absolument sanctionner les banques et mener quelques unes à la faillite, à la fois par des actions sur le terrain et par des mesures judiciaires.

Mais le temps presse. Les négociations avec le FMI progressent, avec à la clé une série de mesures imposées, dont une loi de contrôle de capitaux. Auquel cas, toute action judiciaire sera impossible, et l’objectif de liquider des banques ne pourra être atteint. D’où cette course contre la montre menée par les partisans du Hezb, aidés naturellement par leur allié aouniste. La couleur politique des juges le confirme d’ailleurs.

On note à ce propos deux épiphénomènes complémentaires au sein de cette stratégie. Le premier est qu’on vise prioritairement les grandes banques, dont la chute potentielle produirait le plus grand impact – sinon pourquoi Ghada Aoun a frappé dans sa mesure disciplinaire uniquement cinq banques parmi les plus grandes. Alors que toutes les banques pratiquent la même politique de restrictions, on trouve rarement de petites banques visées par des actions judiciaires. Le deuxième épiphénomène est qu’on épargne en gros les banques proches du courant aouniste, ainsi que les deux banques proches du mouvement Amal. Ce sont des alliés qui doivent être préservés.

Mais tous ces propos ne résistent pas à une bonne dose de populisme, qui, comme l’a présenté un penseur, est le plus dangereux des opiums pour anéantir l’intelligence.

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