Alors que le député Michel Moawad a amélioré son score, le nombre de bulletins blancs a diminué. La séance a été levée après le premier tour pour défaut de quorum, et la prochaine se tiendra jeudi 17 Novembre.

Un débat constitutionnel et deux nouveaux candidats. C’est à ces deux éléments que pourrait se résumer la seule nouveauté enregistrée jeudi lors de la cinquième séance consacrée à l’élection d’un président de la République, par rapport aux précédentes. Pour le reste, les mêmes ingrédients étaient au rendez-vous: votes blancs pour les blocs du 8 Mars, votes des partis souverainistes en faveur du député Michel Moawad, répartition des voix des députés indépendants et du Changement entre plusieurs candidats et slogans. Puis, rebelote, défaut de quorum après le premier tour et levée de la séance. La prochaine aura lieu jeudi 17 novembre.

Ce scénario, que plusieurs députés, avec à leur tête le président de la Chambre Nabih Berry, n’hésitent pas à qualifier de "mascarade", s’est une nouvelle fois déroulé jeudi, sous les yeux désabusés des journalistes présents dans l’hémicycle, mais également des citoyens, puisque la réunion était diffusée en direct à la télévision.

Les deux Ziad

Les deux nouveaux candidats, qui ont chacun obtenu une voix, ont un point commun: le prénom. Il s’agit de Ziad Baroud, avocat et ancien ministre de l’Intérieur, et de Ziad Hayek, économiste et ancien secrétaire général du Haut conseil pour la privatisation. Alors que le second avait officiellement annoncé sa candidature depuis plusieurs mois, le nom du premier circule depuis quelque temps comme étant un sérieux présidentiable. Ziad Baroud faisait d’ailleurs partie des trois candidats sur lesquels reposait l’initiative des députés du bloc du Changement (aux côtés de Salah Honein et Nassif Hitti), mais ils n’ont jamais voté pour lui.

Réagissant immédiatement à cette voix exprimée en sa faveur, M. Baroud a écrit sur son compte Twitter: "Je vais supposer que ce vote reflète une bonne intention, mais je ne suis pas concerné par une candidature que je n’ai pas annoncée pour l’instant. Le gris ne figure pas dans mon dictionnaire. La candidature est claire et directe, ou n’a pas lieu d’être."

Qui a voté pour les deux Ziad ? Le député Élias Jradi, membre du bloc du Changement, a confirmé à Ici Beyrouth avoir voté pour Ziad Hayek. Le vote recueilli par Ziad Baroud aurait été déposé par le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab. Ce dernier nous avait indiqué avant le début de la réunion qu’il ne voterait pas blanc cette fois, et avait sorti de sa poche une liste portant plusieurs noms, confiant qu’il allait en choisir un, sans plus de précisions.

Le vote de M. Bou Saab est significatif, dans le sens où il s’est démarqué des autres membres du groupe parlementaire aouniste, qui eux ont continué à déposer des bulletins blancs dans l’urne, à l’instar des autres composantes du 8 Mars, à savoir le Hezbollah, le mouvement Amal, le bloc Marada et quelques indépendants.

Des cadres aounistes avaient laissé entendre que le Courant patriotique libre allait rompre avec les bulletins blancs, mais le groupe avait confirmé mardi le maintien de ce vote. Une certaine confusion semble donc régner parmi les députés CPL, dont le chef, Gebran Bassil, n’a pas assisté à la séance de jeudi, en raison d’un déplacement au Qatar.

Selon certaines sources parlementaires, ce dernier serait mécontent du fait que le Hezbollah et le mouvement Amal continuent d’appuyer la candidature du député Sleiman Frangié à la présidence. Celles-ci croient savoir qu’il est sorti vexé de sa récente rencontre avec le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah. Un député aouniste, Assaad Dergham, a clairement relevé dans une déclaration à un média jeudi au Parlement que le Hezbollah et Amal "sont attachés à la candidature de M. Frangié".

Moawad en hausse

Pour en revenir à la répartition des votes jeudi, sur les 108 députés présents, les résultats sont les suivants: 44 voix en faveur de Michel Moawad, 47 bulletins blancs, 6 voix pour le professeur d’université Issam Khalifé (qui se trouvait dans la tribune), 7 bulletins avec la mention "Liban nouveau", une voix pour Ziad Hayek, une voix pour Ziad Baroud, un bulletin portant le mot  " Plan B " (déposé par le député Michel Doueihy, qui est sorti le 18 octobre du bloc du Changement) et un autre sur lequel est inscrit " Pour le Liban " (déposé par Abdelkarim Kabbara).

En comparant ces chiffres aux votes de la dernière séance électorale, qui s’était tenue le 24 octobre dernier, on constate que le score de Michel Moawad s’est amélioré, passant de 39 à 44 voix. Outre les votes des groupes de la République forte (Forces libanaises), du Rassemblement démocratique (Parti socialiste progressiste), des Kataëb et du Renouveau, le député de Zghorta a obtenu les voix d’autres parlementaires, notamment Rami Finj (Changement), Waddah Sadek (qui a quitté le bloc du Changement le 24 octobre) et Bilal Hchaimi (Zahlé).

En revanche, les votes blancs (47 au lieu de 50), ainsi que ceux en faveur de M. Khalifé (6 au lieu de 10), du "Liban nouveau" (7 au lieu de 13) ont baissé.

Débat constitutionnel

La séance a été marquée dès son ouverture par un débat constitutionnel, initié par le député Melhem Khalaf du bloc du Changement. L’ancien bâtonnier de Beyrouth a précisé qu’en raison de la vacance présidentielle, c’est l’article 74 de la Constitution, et non l’article 73, dont lecture avait été donnée au début de la séance, qui est de rigueur.

Réagissant au blocage de l’élection présidentielle, résultant du défaut de quorum provoqué par la sortie de l’hémicycle de plusieurs députés avant le début du second tour, le député Melhem Khalaf a souligné l’importance d’une explication précise de l’article 49 de la Constitution.

Celui-ci stipule ce qui suit: "Le président de la République est élu au premier tour au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours de scrutins suivants, la majorité absolue suffit".

M. Khalaf a d’ailleurs rappelé qu’en raison de la vacance présidentielle actuelle, régie par l’article 74 de la Constitution, le Parlement se réunit "de plein droit" pour élire un nouveau président. Dans une déclaration à Ici Beyrouth, après la séance, il a appelé à la tenue de séances successives qui nécessiteraient la présence de 65 députés uniquement (majorité absolue).

Cette proposition a déplu au président du Parlement, qui avait indiqué à maintes reprises que le quorum des deux-tiers (86 députés) pour la tenue d’une séance s’applique à tous les tours, et non seulement au premier. Il a d’ailleurs répété cela, en réponse à une question du député Hagop Terzian, qui réclamait que la question du quorum soit clarifiée.

M. Berry a néanmoins répondu par une plaisanterie au député Samy Gemayel (Kataëb), qui lui demandait avec insistance sur quel article de la Constitution il se basait pour dire cela. Il n’a pas répondu au député Nadim Gemayel (Kataëb), qui constatait que les députés du 8 Mars commençaient à quitter l’hémicycle avant même le début du dépouillement des voix, et qui lui demandait si ces élus étaient pris en compte lors de la vérification du quorum.

À sa sortie de la réunion, Nadim Gemayel nous a indiqué que la Constitution ne mentionne pas le quorum des deux tiers pour la tenue de la seconde séance, ajoutant qu’un président peut être élu avec seulement 65 voix.

Moawad, "candidat de l’État libanais"

À l’issue de la réunion, et comme à chaque fois, plusieurs députés ont clarifié leurs positions. M. Moawad a précisé que si l’on ajoute six parmi les députés absents jeudi, et qui auraient voté pour lui, on peut considérer qu’il bénéficie de l’appui de 50 députés. Le député de Zghorta a souligné qu’il est "le candidat de l’État libanais" et vise à récupérer l’État et la souveraineté.

De son côté, le député Georges Adwan (Forces libanaises) a relevé que le score de M. Moawad s’améliore à chaque séance, "et sera plus élevé jeudi prochain", soulignant que l’appui des FL à sa candidature est très sérieux et ne constitue pas une manœuvre, contrairement à ce que certains médias rapportent.

Lors de cette séance, la première depuis le début de la vacance présidentielle le 1er novembre dernier, chaque groupe parlementaire a campé sur ses positions. Plusieurs blocs, qui avaient souligné lors de la séance consacrée à la lecture de la lettre envoyée par l’ex-président Michel Aoun que l’élection d’un nouveau chef de l’État constitue une priorité, n’ont pas joint l’acte à la parole et ont continué à voter blanc, et à provoquer un défaut de quorum.

Il reste que les Libanais commencent à se lasser de ces séances qui ne mènent à rien. Et c’est justement contre cela que met en garde le député Pierre Bou Assi (FL), qui estime que le peuple ne doit pas tolérer ces pratiques qui dénotent, selon lui, un mépris des traditions de démocratie et de la fonction de chef de l’État.