Dans un communiqué conjoint publié lundi, le Premier ministre sortant Najib Mikati, et les deux anciens Premiers ministres Fouad Siniora et Tammam Salam ont évoqué "l’engagement (souhaité) du prochain président en faveur d’une bonne application du document d’entente nationale" et du respect des "valeurs de souveraineté".

Les réunions des Premiers ministres, anciens et en exercice, suspendues depuis le retrait de Saad Hariri de la scène politique libanaise, ont repris lundi, dans un contexte d’effondrement catalysé par la vacance présidentielle. Le Premier ministre sortant Najib Mikati, et les deux anciens Premiers ministres Fouad Siniora et Tammam Salam se sont ainsi réunis pour proposer une "liste de priorités" à satisfaire face à une situation "dangereuse qui impose des démarches drastiques".

Ces priorités, citées dans un communiqué conjoint publié à l’issue de la réunion, concernent avant tout la présidentielle, et touchent au profil du chef de l’État souhaité, notamment son engagement en faveur de Taëf, la constitution et "les valeurs de souveraineté".

Un proche des participants confirme à Ici Beyrouth que les réunions se tiendront à un rythme régulier. Leur reprise, explique-t-il, survient en réponse à trois développements: la fin du mandat présidentiel et la sortie de Michel Aoun de Baabda, les reports indéfinis des séances électorales et donc leur "échec" avéré, et le dernier discours vendredi du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah. Ce dernier avait plaidé pour un président qui respecte la résistance (du Hezbollah), soit "rassuré par elle" et la défende comme l’avait fait l’ancien président Émile Lahoud – qui a été au service, il faut le rappeler, de l’ancienne machine de répression sécuritaire syro-iranienne au Liban.

"Face au discours de Hassan Nasrallah, il a paru essentiel d’exprimer un avis contraire", garant des institutions, et presque inexistant dans les discours politiques, selon la source précitée. Cette approche s’aligne en partie sur le nouveau rôle de Riyad au Liban, qui s’assimile à un contrepoids minimal face à une mainmise iranienne reconnue comme telle, mais dont le modèle libanais impose de limiter les dégâts.

Si le communiqué conjoint des figures sunnites a valorisé la conférence sur Taëf, organisée au début du mois à l’Unesco par l’ambassade d’Arabie saoudite, la réunion ne saurait se limiter à la seule impulsion saoudienne. Elle satisfait surtout la nécessité politique de répondre à une tentative trop flagrante du Hezbollah de s’approprier l’échéance – ne serait-ce que dans le discours – et pourrait s’associer à d’autres dynamiques en développement pour débloquer la présidentielle.

Du reste, selon la source précitée, le plaidoyer de Najib Mikati quelques heures plus tôt en faveur de la candidature du chef des Marada Sleiman Frangié à la présidentielle "n’engage ni Fouad Siniora ni Tammam Salam". Selon des observateurs, cette prise de position servirait surtout à empêcher le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, l’autre allié chrétien du Hezbollah, de réaliser ses ambitions présidentielles.

Le profil du prochain président  

Le communiqué conjoint propose un profil du président souhaité, sur base des équilibres instaurés par Taëf d’une part, et en retenant d’autre part la nécessaire cohésion, en termes de respect des institutions, entre la présidence de la République et le prochain gouvernement. "Il est obligatoire que les efforts honnêtes des députés de la nation et des hommes politiques concernés par la tenue de la présidentielle, soient intensifiés en vue d’élire un nouveau président fort par sa sagesse, sa prévoyance, et sa capacité à accueillir dans son giron tous les Libanais d’une manière égalitaire. C’est lui qui doit en effet avoir la confiance et le soutien de tous les Libanais, et non d’un seul camp", selon le communiqué conjoint.

Le texte a ainsi mis l’accent sur "l’engagement (souhaité) du prochain président, à travers les institutions constitutionnelles, en faveur d’une bonne application du document d’entente nationale" et d’une poursuite assidue de sa mise en œuvre.

Les trois figures sunnites ont également plaidé pour un président qui "s’engage à respecter entièrement la Constitution et les valeurs de souveraineté (…), ainsi que le régime parlementaire libanais, le principe de séparation, d’équilibre et de coopération des pouvoirs, le rétablissement du rôle de l’État, son autorité et son pouvoir intégral sur l’ensemble de son territoire, ses institutions et ses services". L’enjeu est aussi pour le prochain président de "veiller au respect des principes et décisions relevant de la légalité arabe et internationale". Le communiqué n’a pas manqué par ailleurs de valoriser la conférence sur Taëf, organisée au début du mois à l’Unesco par l’ambassade d’Arabie saoudite.

Autres caractéristiques souhaitées du prochain président : "le respect de l’indépendance de la justice, et (…) des normes de transparence, compétence et mérite dans l’attribution des responsabilités gouvernementales et administratives (…) loin de la politique clientéliste des quotas, ainsi que le respect du principe de la reddition des comptes au sein des institutions sur base de la performance".

"Ce sont ces principes et règles qui sont la seule et véritable garantie pour tous les Libanais, individus et groupes, au présent et à l’avenir", a fait valoir le communiqué.

Les contours du prochain cabinet

Une fois honorée l’obligation d’élire un président garant des institutions, "l’obligation s’impose de former un nouveau gouvernement, doté, en la personne de son chef et de ses membres, de vision, aptitude à la bonne gouvernance, leadership, courage et crédibilité suffisants pour que les Libanais aient de nouveau confiance en leur État, leur régime démocratique parlementaire et leur économie libérale". C’est ainsi que "le Liban regagnera la confiance des (pays) frères et amis (…) de sorte à freiner l’effondrement et entamer le redressement tant souhaité", a ajouté le communiqué.

MM. Mikati, Siniora et Salam n’ont pas manqué de valoriser "les efforts du gouvernement actuel qui s’emploie en période de vacance présidentielle à faciliter les affaires de l’État et des citoyens, et poursuivre le travail visant à résoudre les crises cumulées que ces derniers subissent".

Contrer le discours de haine

Le communiqué a également donné "une importance au rôle que remplit actuellement le Premier ministre (sortant Najib Mikati) à travers ses prises de contact avec tous les acteurs intérieurs et extérieurs dans l’objectif de servir l’intérêt du pays et des citoyens".

Enfin, dans une allusion à peine voilée au Courant patriotique libre, les trois figures sunnites ont jugé "nécessaire d’arrêter le discours de haine, honteux à tous les niveaux, ainsi que les campagnes menées pour tenter de semer la discorde".