Voici de larges extraits de l’accord signé entre le parti Taqaddom, représenté par les députés Mark Daou et Najat Aoun Saliba, et le Mouvement de l’Indépendance de Michel Moawad, candidat à l’élection présidentielle:

L’effondrement du Liban au niveau de sa souveraineté, ses finances, sa pratique constitutionnelle et son administration commande aux forces politiques qui tiennent à sauver le pays d’approfondir leur entente pour le protéger ensemble. Dans ce contexte, résoudre les causes profondes de la crise politique, économique et financière est une condition préalable au succès de toute tentative de rétablir la stabilité libanaise et d’empêcher la récurrence ou la persistance des crises. Ce document est basé sur le fait que les causes de la crise sont le blocage de la Constitution et la non-application de ses dispositions depuis 1990, la perte de la souveraineté de l’État, du monopole légitime des armes et de la décision de la paix et de la guerre, la désintégration et la destruction de l’économie à cause de pratiques sectaires et des monopoles.

Ce document voit dans le mouvement du 17 octobre un soulèvement populaire qui a réussi à sortir la vie politique de l’impasse, provoquant une confrontation soutenue entre le peuple et la classe politique protégée par des armes illégales. Celle-ci se cache derrière des slogans d’entente pour justifier des abus de pouvoir, piller les fonds publics et exploiter les institutions pour des profits personnels. […]

L’entente exposée dans ce document est le résultat de plusieurs années de discussions et de recherches sur la Constitution, la souveraineté, l’édification de l’État, l’économie, la Justice, la protection sociale, la politique étrangère et, surtout, sur les moyens de sortir le pays de la crise multidimensionnelle qui le frappe. […]

Souveraineté:

  1. La souveraineté nationale reste tronquée tant qu’’il y a des armes en dehors du cadre de l’État, et que celui-ci perd l’exclusivité de la décision de paix et de guerre. La souveraineté est incomplète lorsque des groupes contrôlent les fonctions souveraines de l’État libanais et lui imposent une sécurité et une politique étrangère.
  2. La souveraineté du Liban ne sera parachevée qu’avec la délimitation complète des frontières maritimes et terrestres avec ses voisins.
  3. La souveraineté du Liban est protégée par la légitimité arabe et internationale, en particulier les résolutions du Conseil de sécurité.
  4. Les gouvernements internationaux doivent intensifier leurs aides au Liban (…), afin d’assurer le retour des réfugiés chez eux, le plus rapidement possible, conformément aux conventions internationales et aux droits de l’homme. […]

Édification de l’État:

  1. Le respect de la Constitution et la mise en application du document d’entente nationale sont le point de départ pour l’édification de l’État. Pas d’État sans justice et sans la capacité effective de demander des comptes par le biais d’une magistrature indépendante
  2. La justice au Liban ne sera rétablie que si l’enquête sur l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth est menée à terme et si les responsables sont jugés. […] Il en est de même pour les enquêtes sur les assassinats politiques et les crimes terroristes contre le peuple libanais.
  3. La décentralisation administrative élargie est le pilier d’une réforme de l’administration […].
  4. L’attachement à l’État de droit et la redynamisation des organes de contrôle constituent une priorité […] pour assurer une bonne application des lois et préserver l’indépendance de l’administration face aux interventions politiques […]
  5. L’investissement dans l’armée et les forces de sécurité doit se poursuivre pour édifier l’État libanais et rétablir la pleine souveraineté sur le territoire libanais.

Politique étrangère:

  1. Le Liban est un État arabe. S’éloigner du giron arabe affaiblit sa présence et son rôle. Revigorer les relations arabes afin de protéger les intérêts économiques et financiers du Liban, ainsi que sa souveraineté et le rôle de l’État dans les instances internationales, est essentiel pour préserver ce dernier.
  2. La neutralité du Liban face aux conflits armés dans la région et son refus de rejoindre des axes expansionnistes protègent l’État et les intérêts du Liban.
  3. Il est indispensable d’établir des relations extérieures d’égal à égal sans aucune dépendance vis-à-vis de l’étranger. Afin de protéger la souveraineté de l’État et la liberté de décision du Liban en matière de politique intérieure et étrangère, il est nécessaire de tisser un filet de sécurité qui préserve la stabilité et attire les investissement.

Économie:

  1. Attachement du Liban à l’économie libre, liée aux marchés arabes et internationaux.
  2. Accorder la priorité à la construction d’une économie productive qui permettrait la constitution d’une richesse nationale et la croissance des capacités nationales et d’une valeur ajoutée produite localement.
  3. Le développement de relations avec la diaspora libanaise […] en vue de partenariats économiques […].
  4. Les réseaux de protection sociale sont essentiels pour préserver la richesse humaine nationale […]
  5. Il est nécessaire d’adopter des plans qui permettent une répartition équitable des richesses nationales […] afin de développer une justice économique et sociale et d’encourager la croissance et la prospérité en attirant les compétences libanaises.

Sortir de l’effondrement:

  1. Il n’est pas possible de remonter la pente si la priorité absolue n’est pas de demander des comptes à tous ceux qui ont été partenaires, complices et conspirateurs dans l’utilisation des fonds publics et l’argent des déposants et dans l’effondrement financier, économique et institutionnel de l’État libanais. Sans responsabilisation, il n’y a pas de sortie de crise.
  2. Sortir de la crise financière nécessite un programme avec le Fonds monétaire international […]. Il est urgent d’en finir avec la politique qui entrave depuis des années la réalisation de réformes.
  3. Corriger le plan de sauvetage du gouvernement de sorte qu’il soit global financièrement, économiquement, et qu’il prévoit des réformes structurelles fondamentales, au niveau de l’extension de l’autorité de l’État, ainsi que la réforme du secteur public. Le plus important reste le contrôle des frontières, la réforme du secteur de l’électricité, la restructuration et l’autonomisation du secteur public, la restructuration de la politique fiscale notamment pour lutter contre l’évasion fiscale […]
  4. La répartition des pertes pour protéger les fonds des déposants et pour éviter de leur faire assumer le coût de l’effondrement et des pertes. […]
  5. Les biens de l’État ne doivent pas être vendus. Il est nécessaire de soustraire les services fondamentaux et les institutions publiques aux tutelles politiques et de mettre fin au partage des parts, sectaire et partisan. Les institutions bénéficieraient d’une protection par l’intermédiaire d’organes de contrôle indépendants […].
  6. Tous les revenus attendus de la prospection gazière et pétrolière offshore devraient être placés dans un Fonds souverain dont l’objectif principal sera d’investir à long terme […]

Gestion des échéances constitutionnelles :

  1. Accepter de participer pleinement et de manière transparente aux dialogues concernant l’échéance présidentielle, et de se concerter avant toute décision […].
  2. Accepter d’adopter le même partenariat dans la nomination du chef du gouvernement et de travailler conjointement pour soutenir cette nomination.
  3. Accepter l’adoption d’une position commune concernant la formation d’un gouvernement, l’octroi ou le retrait de la confiance.
  4. Travailler ensemble pour développer "les concertations parlementaires du mardi" (une réunion hebdomadaire entre les blocs de l’opposition et des députés indépendants), améliorer la coordination politique et législative et y inclure les députés du Changement, les indépendants et les groupes qui se rapprochent le plus des options définies dans cet accord.