Intitulée "diplomates de l’ombre", l’enquête menée, le 14 novembre, par le Consortium international des journalistes d’investigation et l’association ProPublica a révélé que neuf consuls honoraires, actuellement en poste ou précédemment nommés, sont liés à "des groupes terroristes par le biais des forces de l’ordre et des gouvernements." La plupart de ces consuls "sont proches du Hezbollah, un parti politique dispensant des services notamment sociaux et un groupe armé libanais classé comme organisation terroriste par les États-Unis et d’autres pays", relève le rapport de l’enquête, laquelle a fait d’ailleurs ressurgir le souvenir de l’affaire des faux passeports libanais, qui remonte à une dizaine d’années. À l’époque, en 2011 précisément, un dirigeant du Hezbollah se déplaçait à l’aide d’un faux passeport sous le nom de " Sami " après avoir échappé de prison en Égypte, au début des révolutions du printemps arabe déclenchées en Tunisie.

L’enquête menée par Will Fitzgibbon, Debbie Cenziper, Delphine Reuter, Eva Herscowitz, et Emily Anderson Stern précise que "le système des consuls honoraires a été mis en place depuis des siècles afin de permettre aux pays qui n’ont pas les moyens d’ouvrir des ambassades d’avoir tout de même une représentation diplomatique. Cependant, ce système a évolué pour constituer désormais le pilier des relations internationales, tel qu’il a été adopté par la plupart des pays." "Mais les responsables corrompus, violents et dangereux, dont certains sont accusés d’aider des groupes terroristes, ont transformé ledit système qui profite de la générosité d’honorables citoyens en une forme de diplomatie sournoise menaçant l’État de droit à l’échelle mondiale," toujours selon cette même enquête.

D’ailleurs, cette enquête internationale, qui est une première du genre, a relevé qu’"au moins 500 consuls honoraires, dont certains sont en poste et d’autres à la retraite, ont été accusés ou impliqués dans des crimes". D’aucuns ont été détenus ou condamnés pour avoir commis des atrocités en tirant profit de leurs postes pour servir leurs intérêts personnels. Alors que d’autres ont été critiqués pour avoir soutenu des autocraties.

Pourtant, les chiffres publiés ne représentent pas la réalité, notamment en l’absence d’une agence internationale pour surveiller les consuls honoraires dont, soit dit en passant, les gouvernements taisent les noms. Et d’ajouter : "Des consuls honoraires ont déjà été épinglés et condamnés pour trafic de drogue, meurtre, ou encore pour abus sexuels et escroquerie. Sans compter les trafiquants d’armes et ceux qui ont œuvré pour renforcer les intérêts de la Corée du Nord et de la Syrie, pour ne citer qu’eux parmi tant d’autres gouvernements corrompus."

Les États-Unis, accompagnés par d’autres pays, ont imposé des sanctions sur trente consuls honoraires, dont 17 en exercice. Certains appartenaient au cercle très proche du président russe Vladimir Poutine, désormais sur la liste noire après l’invasion de l’Ukraine au début de cette année.

Dans ce contexte, d’anciens responsables américains ont déclaré, après avoir enquêté sur le réseau financier du Hezbollah, que "le groupe terroriste utilise le statut de consul honoraire à dessein, d’une façon dûment organisée, et sans le moindre contrôle". "En mars dernier, ajoutent les anciens responsables US, le département du Trésor américain a sanctionné un homme d’affaires de premier rang en Guinée, accusé d’avoir profité de son statut de consul honoraire pour transporter des fonds pour le Hezbollah et se mouvoir librement sans être inquiété".

"Le Hezbollah a très bien saisi comment tirer profit du statut de consul honoraire afin de déplacer des fonds en toute impunité. Un passeport diplomatique en main et le tour est joué. Aucune question n’est posée. C’est d’ailleurs un obstacle de taille sur le plan international pour faire respecter la loi", déclare David Asher, ancien conseiller financier principal en matière de lutte contre le terrorisme au Pentagone, nommé en 2008 pour superviser une enquête fédérale sur le réseau criminel du Hezbollah.

L’enquête s’est également attardée sur le rôle du Libanais Faouzi Jaber au Ghana. Agent principal du Hezbollah pour l’achat d’armes, M. Jaber aidait les acheteurs à accéder au poste de diplomates spéciaux, entendre consuls honoraires. "Ce titre leur permettait de passer librement dans les aéroports munis de leurs valises diplomatiques dont le contenu n’est naturellement pas inspecté par les contrôles douaniers."

En mars dernier, le département du Trésor américain a imposé des sanctions sur Ali Saadé et Ibrahim Taher, deux individus qui financent le Hezbollah et travaillent en Guinée comme consuls honoraires.

Par ailleurs, Gary Osen, l’avocat à New Jersey qui a porté plainte au nom de plus d’un millier d’Américains contre des banques libanaises soupçonnées de financer "les activités terroristes du Hezbollah", a pointé, lors de l’investigation menée par son équipe, la faille dans le système des consuls honoraires. Selon lui, "tous les gros bonnets dans ce monde sont des consuls honoraires".

En outre, l’enquête menée par le Consortium a précisé que le statut de consul honoraire symbolise un rang élevé dans la société au Liban. "Les consuls libanais peuvent être comparés aux lords britanniques", indique Mohanad Hage Ali, chercheur et directeur du département de communication du Carnegie Middle East Center. "Si vous entretenez une relation avec un président d’un État souverain ou avec une personne de son cercle proche, vous recevrez le titre de consul honoraire. C’est une manière des fanfaronner à la libanaise", ajoute-t-il.

Partant, comment le Liban va-t-il riposter à cette enquête ? Ou mieux encore : le ministère des Affaires étrangères du gouvernement sortant de Nagib Mikati va-t-il réagir face à une enquête internationale qui documente le rôle du Hezbollah au niveau des consuls honoraires, poste névralgique au sein des relations internationales ?

 

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