Alors que certains députés sont en faveur de l’examen du projet de loi sur le contrôle des capitaux avant celui relatif à la restructuration des banques, d’autres soulignent que les deux textes doivent être liés, afin de préserver les droits des déposants.

Les commissions parlementaires mixtes, réunies mercredi à la Chambre sous l’égide de son vice-président Élias Bou Saab, ont poursuivi l’étude du projet de loi portant sur le contrôle des capitaux. Elles ont examiné, en présence du vice-Premier ministre sortant Saadé Chami et du ministre sortant de la Justice Henri Khoury, l’article 3 du projet de loi relatif à la commission qui sera chargée d’appliquer cette loi.

La réunion a été marquée par des discussions tendues sur le point de litige essentiel entre les députés. Alors que certains, à l’instar de M. Bou Saab, sont en faveur de l’étude et de l’approbation de ce texte avant l’examen du projet de restructuration des banques (qui n’a pas encore été envoyé par le gouvernement), d’autres députés, notamment Michel Moawad, estiment que les deux textes doivent être discutés simultanément, afin de préserver les droits des déposants.

Moawad: Lier les deux lois

Dans un point de presse au Parlement en marge de la réunion, M. Moawad a estimé que "les politiques du gouvernement constituent un véritable crime contre le peuple libanais", précisant que "le prix payé en raison de la mauvaise gestion de l’effondrement depuis 3 ans, dépasse le coût des 30 années qui nous ont menés à cet effondrement".

Il a rappelé que le Parlement a demandé plusieurs fois au gouvernement de lui transmettre le plan de sauvetage, sur base duquel les lois devaient être adoptées. "Mais le gouvernement s’efforce de fuir la justice et la reddition de comptes, pour faire assumer les pertes non pas aux corrompus, mais aux déposants", a-t-il ajouté.

Le candidat à l’élection présidentielle a indiqué qu’après le soulèvement du 17 octobre 2020 et la fermeture des banques, il avait été l’un des premiers, avec le député Michel Daher, à appeler à un contrôle des capitaux pour éviter la fuite des fonds vers l’étranger. "Cependant, le projet de loi présenté par le gouvernement à ce sujet établit une distinction entre les anciens et les nouveaux fonds, légalisant ainsi les "lollars" pour paver la voie à leur élimination", précise le député de Zghorta. D’où la nécessité d’examiner les deux projets de loi simultanément, "pour protéger l’argent des déposants".

Michel Moawad a dénoncé la campagne menée par le gouvernement auprès d’ambassadeurs et d’instances internationales pour accuser certains parlementaires d’être opposés à l’accord avec le Fonds monétaire international. "Nous n’accepterons jamais un plan qui vise à éliminer l’argent des déposants, et qu’ " ils " veulent faire passer à n’importe quel prix. Les Libanais subissent 25 millions de dollars de pertes par jour depuis trois ans à cause des politiques du gouvernement. L’accord avec le FMI doit se faire sur base d’une reddition de comptes et de réformes, et non de vol et de "nationalisation" de l’argent des déposants", a-t-il martelé.

M. Moawad a rejeté l’argument selon lequel l’ordre d’approbation des projets de loi en commission n’était pas important puisque, de toute façon, ils seront soumis au débat et au vote en séance plénière. "Si nous approuvons le projet de loi sur la restructuration des banques avant, ou en même temps, que celui du contrôle des capitaux, il n’y aura plus besoin de distinguer entre capitaux anciens et nouveaux, et donc de légaliser les "lollars" pour pouvoir ensuite éliminer ces comptes", relève-t-il.

"Commencer par la restructuration des banques permet donc de répartir les pertes et de protéger les déposants, et toute la philosophie du contrôle des capitaux change", poursuit-il.

Dans une déclaration à Ici Beyrouth, Michel Moawad a expliqué pourquoi il est essentiel de lier la loi du contrôle des capitaux à celle de la restructuration bancaire.

Crédit photo : Ali Fawaz

Bou Saab et Adwan

Pour sa part, Élias Bou Saab a précisé que la réunion a porté sur l’article 3 du projet de loi sur le contrôle des capitaux, relatif à la formation d’une commission en charge d’appliquer cette loi. Il a indiqué, qu’en vertu des amendements apportés mercredi, " elle sera présidée par le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque du Liban ou un de ses vice-gouverneurs, et sera composée de quatre experts et d’un juge choisi par décision du Conseil des ministres ". " C’est également le Conseil des ministres qui décidera du mécanisme de travail de la commission qui a été créée afin de prendre les décisions qui pour l’instant sont du ressort d’une seule personne ", a-t-il ajouté.

Le vice-président de la Chambre a souligné que ce projet de loi " ne vise pas à supprimer l’argent des déposants, mais à le protéger ". Il a précisé que les articles sont examinés en détail, et chaque député donne son avis, ajoutant que la prochaine séance aura lieu la semaine prochaine.

De son côté, le président de la commission de l’Administration et de la Justice Georges Adwan a relevé la nécessité de trouver un moyen pour rendre aux déposants leur argent. Il a rappelé que le contrôle des capitaux fait partie d’un plan global pour garantir ces dépôts. "Nous discutons chaque mot dans ce projet de loi, qui doit être lié à celui relatif à la restructuration des banques, afin de restituer l’argent des déposants et de définir les responsabilités", a-t-il dit.