Au cours des dernières décennies, les Libanais ont réussi à universaliser la cuisine libanaise en exportant leur savoir-faire par le biais de restaurants et autres plateformes culinaires qui offrent une grande variété de plats libanais des plus délicieux. Cela a valu à la cuisine libanaise d’être classée par certains experts gastronomiques en quatrième position, en termes de variété de nombre de plats, juste derrière les cuisines, française, italienne et chinoise.

Notre cuisine est constituée de plats " de souche " libanaise (kebbé, tabboulé, fattouche…) auxquels on a ajouté des plats d’origine alépine, damascène, turque, grecque, égyptienne, arménienne, italienne, française et bien d’autres. Tous ces plats ont été remodelés et raffinés pour plaire et être appréciés par les différents groupes culturels qui composent le Liban. Ainsi, un " kabab b’karaz " préparé à Alep aurait un goût différent de celui composé au Liban ; et les falafel, hommos, soujok ainsi que les dizaines d’autres plats dégustés à Beyrouth portent une saveur " très libanaise " et différente de leurs pays d’origines, ayant été façonnés pour plaire à tous les groupes culturels qui forment le Liban.

Pour dire que la cuisine Libanaise est une représentation adéquate de la fédération car elle est l’union de plats issus de cultures différentes qui a fait de notre cuisine une des cuisines les plus variées et appréciées du monde. Et si la réussite de notre cuisine n’est autre que le reflet fidèle de la diversité culturelle des groupes sociaux qu’elle représente, de même, la réussite d’un système politique se doit d’être le miroir authentique et sincère des groupes culturels, religieux ou ethniques, qu’il représente et qu’il aspire à bien gouverner.

La "cuisine" de la politique libanaise

Si le Liban est un message, alors pour perpétuer ce message, nous devons œuvrer pour préserver les messagers. Malheureusement, le système politique centralisé adopté au Liban a été à l’origine d’une série de crises et de guerres continues au cours des 80 dernières années et n’a pas réussi à subvenir aux besoins essentiels des citoyens libanais, entraînant ainsi une augmentation de la pauvreté, de l’insécurité et de l’émigration. Par conséquent, un nouveau modèle de gouvernance est absolument nécessaire pour réduire les tensions, renforcer la collaboration, encourager la solidarité pour ainsi promouvoir la paix et la prospérité de tous les citoyens libanais tout en préservant l’unité du pays.

Ce modèle doit reposer sur deux principes fondamentaux : la subsidiarité – principe selon lequel une autorité centrale aurait une fonction complémentaire, exécutant uniquement les tâches qui ne peuvent être exécutées au niveau local – jumelée à une représentation adéquate qui reflète la vraie structure multiculturelle de la société libanaise et inspirée du principe " eius regio, cuius religio ".

De ces deux concepts a émergé le cadre de paix et de stabilité qui était fondamental pour mettre fin aux guerres civiles et sociales européennes et qui a ouvert la voie au développement économique, à l’expansion de la liberté religieuse, à la stabilité sociale, à la tolérance et à la laïcité.

Les pratiques à travers l’histoire ont prouvé qu’un système politique décentralisé, tel que le fédéralisme, reste l’outil constitutionnel le plus sophistiqué et le plus équilibré pour répondre à la pluralité des intérêts de divers groupes culturels au sein d’un même pays.

Au Liban, appartenir à un groupe confessionnel est synonyme d’identité culturelle et non pas nécessairement de foi ou de pratique religieuse. Nos divers récits nationaux déterminent notre conception du même Liban que nous partageons, cependant avec des états d’esprit différents. Aucune communauté n’a tort et nous avons tous raison.

Il est temps d’œuvrer pour une construction ascendante d’un Liban uni, prospère et politiquement stable. Car si nous voulons préserver l’unité du Liban, l’un des plus anciens pays multiculturels du monde, ayons le courage de fédéraliser son système politique pour transformer cette richesse multiculturelle, similaire à notre cuisine libanaise, en une identité libanaise qui serait synonyme de prospérité et non une source de luttes et de conflits.