Beyrouth a connu récemment tout un ballet diplomatique ainsi qu’un échange de missives diverses et de déclarations onusiennes qui convergent toutes vers l’application des résolutions du Conseil de sécurité 1559, 1680, 1701 et 2591. Sans oublier l’invitation adressée par cette instance aux autorités libanaises à respecter la Déclaration de Baabda de 2012. Le projet de neutralité positive du Liban du patriarche maronite Béchara Raï aurait-il mûri dans les cercles diplomatiques internationaux? On sent actuellement un frémissement d’amitié vis-à-vis du Liban. L’homélie de Mgr Raï dimanche 6 février est une véritable harangue adressée aux plus hautes autorités libanaises.

Beyrouth a connu un grand va-et-vient diplomatique ces dernières semaines, donnant l’impression que quelque chose pourrait bouger ; que le Liban agonisant bénéficie enfin de l’attention de ce qui lui reste comme amis. Étrange situation d’un pays dont la caste dirigeante semble être devenue l’ennemi juré de son propre peuple et dont le souci premier est de perpétuer son propre pouvoir au détriment de l’intérêt du pays et de la recherche du bien commun.

Le ballet diplomatique a vu passer le ministre koweïtien venu remettre un document, arabe et international, de demandes précises au gouvernement libanais. La plus importante est de mettre fin à toute implication du Hezbollah dans la déstabilisation des pays environnants et de la presqu’île arabique. Le gouvernement libanais, incapable d’engager sa propre responsabilité souveraine dans la réponse, pratiqua le funambulisme rhétorique habituel de la caste libanaise en remettant une réponse qui n’en est pas une. Il y eut la visite du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, sans oublier celle des représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, pour finir avec l’importante visite de Mgr Paul Richard Gallagher, sous-secrétaire d’État du Saint-Siège. Il y a eu également la participation plus que remarquée des ambassades occidentales à la cérémonie de commémoration du premier anniversaire de l’assassinat de Lokman Slim en pleine banlieue-sud de Beyrouth, au cœur du fief du Hezbollah.

Toute cette agitation véhiculait pratiquement le même message: urgence des réformes structurelles, négociations transparentes avec le FMI, nécessité impérieuse de respecter la Constitution, l’État de droit et les résolutions internationales, dont la 1559 constitue la porte d’entrée. Il est vrai que le Liban ne peut, à lui tout seul, mettre en application la résolution 1559, comme l’a noté le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt. Il a besoin de l’aide efficace des puissances internationales qui ont cosigné ladite résolution et qui ne peuvent pas éluder leur responsabilité en la matière.

De tous ces échanges, un événement de premier plan se dégage, à savoir la lettre reçue par le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, de la part d’Antonio Guterres, en réponse à un document présentant et expliquant le projet du patriarche concernant la nécessité d’organiser une conférence internationale reconnaissant au Liban le statut de neutralité positive, afin de mettre fin à la crise actuelle. Dans sa réponse, Antonio Guterres avalise la proposition du patriarche Raï et se serait engagé à l’adopter et à veiller à sa mise en application.

Mais il y a eu encore plus ces derniers jours. Le 4 février, suite aux attaques visant la FINUL au Liban-Sud, le Conseil de sécurité, actuellement sous présidence russe, a publié une déclaration de presse invitant fermement les autorités libanaises à s’en tenir aux résolutions internationales 1559, 1680, 1701, et à traduire en justice les auteurs des attentats contre la FINUL, conformément au droit libanais ainsi qu’à la résolution 2591. Il clôture sa déclaration en rappelant aux autorités de Beyrouth d’observer une stricte distanciation par rapport aux conflits extérieurs conformément aux résolutions internationales, mais surtout en respectant scrupuleusement la Déclaration de Baabda de 2012. Le message est on ne peut plus clair.

Suite à cela, Mgr Raï a pris le relais lors de son homélie dominicale du 6 février. Usant de formules peu diplomatiques, il a fermement exigé des responsables au pouvoir de cesser "d’inventer des informations, de propager des rumeurs, […] d’avoir une attitude vindicative, […] d’arrêter de porter atteinte à la réputation du Liban, à la monnaie libanaise, à la Banque du Liban, à l’armée, à la justice ". Les noms des destinataires d’une telle harangue se devinent aisément. Le prélat a poursuivi en disant: "Nous voulons que tous les corrompus soient jugés et non pas que le pouvoir entreprenne de choisir une personne déterminée à titre de bouc émissaire".

Si la faillite du système financier international de 2008 était due à l’escroc de haut vol Bernard Madoff, ancien président du NASDAQ, ce dernier apparaît comme un amateur insignifiant à côté de la cohorte politico-mafieuse qui a ruiné le Liban et pillé son peuple.

Tout le monde attend donc ce que pourra dire le patriarche Raï dans son homélie de la Saint-Maron le mercredi 9 février prochain, durant la messe traditionnelle à laquelle toute la République est supposée assister, puisque selon la rumeur il présidera cette cérémonie.

Mais l’essentiel n’est pas dans l’homélie du prélat. L’essentiel est dans le frémissement de la communauté internationale en faveur du Liban que nous sentons. Sans doute, la diplomatie du Saint-Siège y est pour beaucoup. Mais tout ce ballet diplomatique rappelle la fin du mandat du général Michel Aoun comme Premier ministre du gouvernement militaire de transition en 1988-1990. La plupart des observateurs guettent, non sans appréhension, la fin de son mandat actuel en tant que président de la République.