Malgré l’interdiction du ministre de l’Intérieur, un congrès anti-Bahreïn s’est tenu lundi soir, dans la banlieue sud de Beyrouth, sous l’égide du Hezbollah. Une rencontre qui a été vivement condamnée par Bassam Maoulaoui et les Forces libanaises.

Malgré l’engagement du gouvernement libanais dans le cadre de l’initiative koweïtienne à interdire la tenue de rassemblements d’opposants aux monarchies du Golfe, un congrès hostile au pouvoir à Manama s’est tenue lundi soir, à Ghobeiri, dans la banlieue sud de Beyrouth, sous l’égide du Hezbollah. La réunion était organisée par al-Wefaq, un groupe d’opposition chiite de Bahreïn que le royaume avait dissout en 2016, en raison de liens présumés avec des terroristes.
Cette rencontre s’est tenue en dépit de son interdiction par le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui qui, à la suite de concertations avec le Premier ministre, Najib Mikati, avait demandé vendredi aux Forces de sécurité intérieure et à la Sûreté générale d’empêcher qu’elle ne se tienne et d’interdire également celle prévue mardi soir, à l’initiative de la Coalition des jeunes de la révolution du 14 février, au théâtre Rissalat, à Ghobeiri. Dans un communiqué, M. Maoulaoui a précisé que " les autorisations nécessaires à la tenue de ces deux événements n’ont pas été accordées ". Il a également appelé les forces de l’ordre à " mener les investigations nécessaires pour collecter les informations sur les organisateurs, les parties qui ont lancé les invitations et les invités ".
Un tel rassemblement a pour effet d’envenimer davantage les relations du Liban avec les pays du Golfe et de saper la politique définie par l’Exécutif sur ce plan, à savoir le rétablissement des ponts avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Même le président de la République, Michel Aoun, avait dénoncé récemment, sans le nommer, l’attitude du Hezbollah qui consiste à s’ingérer dans les affaires intérieures des pays arabes.
Sur ce plan, M. Maoulaoui, a estimé lundi qu’ "à l’heure où le gouvernement essaie d’entretenir un espoir quant à l’avenir du pays, certaines parties continuent de porter des coups aux efforts menés par l’Exécutif pour colmater les brèches dans les relations avec les pays arabes, notamment dans le cadre de l’initiative " koweïtienne. Celle-ci, a-t-il rappelé, " s’inspire de la Constitution qui stipule clairement que l’identité et l’appartenance du Liban sont de caractère arabe et met l’accent sur le respect des résolutions de la légalité internationales ". " Nous sommes arabes et nous le resterons, nous sommes Libanais et nous le resterons ", a-t-il ajouté dans une allocution prononcée lors du Forum des élections qui s’est tenu mardi au ministère de l’Intérieur. Et M. Maoulaoui de se demander comment, " avec la tenue de conférences provocatrices, est-il possible de réaliser l’intérêt d’une nation soutenue par les pays frères, alors que certaines parties locales s’acharnent à faire du Liban un terrain de provocations " ?

Les FL condamnent
De leur côté, les Forces libanaises (FL) ont stigmatisé la réunion des opposants bahreïnis, affirmant que la ligne de conduite du Hezbollah a détruit le pays. Les FL ont ainsi estimé que le parti de dieu " n’accorde pas d’importance au Liban et aux Libanais et tente en vain de leurrer une partie de la population libanaise en affirmant qu’il se tient aux côtés de l’État, alors que les faits montrent qu’il veut que l’État et ses institutions soient à sa disposition et au service de ses objectifs ". " Lorsque ses intérêts vont à l’encontre de ceux de l’État et du peuple libanais, il fait primer automatiquement ceux de l’axe auquel il appartient ", ont dénoncé les FL dans un communiqué.
Et de se demander quel intérêt a le peuple libanais dans la tenue d’une telle conférence " au mépris des instructions de l’État et dans une tentative de saper son prestige et de porter atteinte à sa souveraineté ainsi qu’à ses relations extérieures notamment avec les pays du Golfe ".
" Le seul intérêt de la tenue d’un tel rassemblement est en relation avec les politiques du Hezbollah qui exécute des agendas et des politiques iraniennes, " ont encore insisté les FL, soulignant que " ce sont les politiques du Hezbollah et son influence sur la décision libanaise qui ont mené le Liban à la situation catastrophique dans laquelle il se trouve actuellement ".
Le congrès des opposants bahreïnis devait se tenir le vendredi 11 février dans l’enceinte de l’hôtel Al-Saha dans la banlieue sud de Beyrouth, fief de la formation de Hassan Nasrallah. Or, suite à une décision du ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui d’interdire le rassemblement, les organisateurs l’ont ajourné au lundi 14 février, qui marque aussi la 17e commémoration de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, le 14 février 2005, dans lequel un cadre du Hezbollah, Salim Ayashe, est impliqué. La responsabilité directe de ce dernier a été retenue par le Tribunal spécial pour le Liban.
Le lieu du congrès a également été déplacé. Il s’est tenu au théatre Rissalat qui relève de la municipalité de Ghobeiri, et donc indirectement du Hezbollah. Il s’agit d’un défi flagrant à la décision du ministre de l’Intérieur, qui avait également critiqué ouvertement l’initiative du Hezbollah. Irrité par les propos du ministre, la formation pro-iranienne avait violemment réagi par la voix d’un de ses députés, Hassan Fadlallah, qui avait notamment dénoncé  " une atteinte à la liberté d’expression et de réunion " .
Le mois dernier, en janvier, le Hezbollah avait aussi accueilli dans la banlieue sud de Beyrouth un meeting d’opposants saoudiens (en présence de rebelles houthis du Yémen).

Le parti pro-iranien avait également accueilli en décembre dernier une conférence d’opposants bahreïnis qui avait suscité l’ire du royaume bahreïnie Le ministre de l’Intérieur avait alors ordonné l’expulsion des participants non-libanais à cet événement.