Plus d’une semaine après le début de l’offensive russe contre l’Ukraine et l’échec du Conseil de sécurité à adopter une résolution la condamnant à cause du veto russe, il devient légitime de s’interroger sur l’utilité et l’efficacité de l’Onu, d’autant que le Conseil de sécurité, qui est son organe principal, a un rôle crucial au niveau du maintien de la paix et de la sécurité internationales. C’est somme toute la prérogative la plus importante de cette instance internationale, créée en 1945.

Malheureusement, l’incapacité des Nations Unies à mettre fin à une agression militaire ou à un conflit armé n’a rien de nouveau. À chaque différend similaire, cette institution se retrouve paralysée en raison du droit de veto dont bénéficient ses cinq membres permanents, les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne.

Même si sa mission consiste, entre autres, à déterminer une menace contre la paix ou un acte d’agression, et à presser les belligérants à régler un conflit pacifiquement, tout en recommandant des procédures de règlement pacifique correspondantes, il faut savoir que le Conseil de sécurité peut aussi imposer des sanctions ou même autoriser l’usage de la force afin de préserver et rétablir la paix et la sécurité internationales. Force est de constater cependant qu’il a échoué à appliquer ses règles depuis sa création il y a 77 ans. Il a plutôt concentré son action sur les autres missions de l’Onu relatives notamment à la protection des droits de l’homme, à la distribution d’aides humanitaires et à la promotion du développement durable.

Michel Doueihi, chercheur et professeur d’université, constate ainsi une marginalisation du rôle de l’Onu en tant que gendarme de la paix au profit de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir dans le monde. " Aujourd’hui, de nombreux acteurs internationaux, des superpuissances internationales, contrôlent le monde, alors que dans le passé, c’était d’abord les États-Unis et l’Union soviétique, puis les États-Unis seuls ". "Le système mondial et ses institutions internationales, les Nations unies en particulier, restent paralysés et ne sont pas en mesure de mettre un terme aux conflits et aux guerres, tout comme la Ligue des nations n’avait pas réussi à le faire au lendemain de la Première Guerre mondiale, ce qui a conduit au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale," rappelle-t-il.

M. Doueihi établit un parallèle entre le président américain Georges Bush qui avait envahi l’Irak en 2003 sans l’aval des Nations unies et le président russe Vladimir Poutine qui a agi de même avec l’Ukraine, faisant fi de la volonté des Nations unies, de l’Union européenne et de l’OTAN. " Si les Nations unies sont incapables d’arrêter une guerre et de gérer les conflits par manque d’influence et de pouvoir, qu’est-ce qui empêcherait la Chine, par exemple, d’occuper Taïwan demain ? Qu’est-ce qui retiendrait tout pays d’envahir un autre pays en l’absence du frein politique, morale et sécuritaire "? s’interroge Michel Doueihi qui évoque dans ce contexte "les voix occidentales qui s’élèvent pour appeler à la remise en question du rôle des Nations unies et du Conseil de sécurité, notamment du droit de veto qui paralyse celui-ci".

Le directeur de l’Institut d’analyse militaire du Proche-Orient et du Golfe, Inegma, Riyad Kahwagi abonde dans le même sens et considère que l’ONU en tant qu’instance internationale de résolution de conflits "a lamentablement échoué dans sa mission depuis sa création, notamment à cause du droit de veto dont jouissent les cinq grandes puissances, lesquelles sont impliquées d’une façon ou d’une autre dans la plupart des conflits". Ce droit, relève-t-il, "stoppe toute initiative équitable de règlement d’un conflit " et se pose ainsi en " obstacle devant l’établissement d’un ordre mondial juste, sûr et stable". Riyad Kahwagi considère lui aussi que là où l’Onu a réussi, c’est seulement au niveau de l’intervention humanitaire et de son rôle très important en matière des droits de l’homme.

Un expert du droit international, Chafic el-Masri, va encore plus loin en se penchant, à partir de la crise ukrainienne, sur la question de la légitime défense, prévue dans l’article 51 de la charte des Nations unies, selon lequel chaque État dispose du droit à se défendre seul ou en s’alliant à un autre pays, ce qui revient à dire individuellement ou collectivement, mais à condition de se conformer à toutes les règles définies par cette charte. Dans son entretien à Ici Beyrouth, Chafic el-Masri estime que "tant que l’Ukraine n’a pas encore rejoint l’OTAN, les États membres de l’alliance ne se sentent pas tenus de la défendre".

Concernant les nombreuses critiques sur le rôle limité de l’ONU et son incapacité à mettre fin aux conflits armés, M. el Masri précise que l’organisation internationale "n’a pas le droit d’intervenir dans les affaires intérieures des pays, ni dans les relations entre les États si elles n’affectent pas la paix et la sécurité internationales" et à plus forte raison dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, ce pays étant membre permanent du Conseil de sécurité et dispose d’un droit de veto. " Depuis 1956, les Nations unies ont mis en place les forces de maintien de la paix qui interviennent uniquement dans les limites de la souveraineté nationale des États ". Il se montre plus nuancé que les autres au sujet des capacités de l’Onu, jugeant injuste de la considérer inefficace. " Si les pays membres parviennent à s’entendre entre eux, les résolutions du Conseil de sécurité deviennent effectives et efficaces ", commente-t-il. Pour lui, la présence de cette organisation internationale reste indispensable. " Au final, il n’existe à l’heure actuelle, aucune alternative juridique aux Nations unies ", souligne-t-il.

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