Le président Michel Aoun n’a pas encore expliqué les raisons de son revirement au sujet de la délimitation des frontières maritimes avec Israël.

La présidence libanaise de la République a réagi hier aux informations et analyses de presse ainsi qu’aux critiques du Hezbollah concernant la concession faite par le Liban au sujet de la ligne 29 supposée délimiter la frontière maritime libanaise avec Israël. Sur le compte Twitter de la présidence de la République, il a écrit : " Il est regrettable qu’un grand nombre de Libanais, parmi les responsables et les journalistes ignorent la Constitution et se noient dans des déclarations préjudiciables au niveau national, à l’égard du chef de l’Etat, de son rôle et de son serment ". " Le président ne peut pas être dans la ligne de mire de qui ce soit. C’est lui qui lance les négociations au sujet des conventions et des accords internationaux qu’il ratifie avec le président du Conseil puis avec le gouvernement avant que le Parlement ne les entérine, conformément à l’article 52 de la Constitution ".

Michel Aoun se défend de la sorte face aux accusations selon lesquelles il aurait renoncé à combattre pour le droit du Liban à négocier sa frontière maritime sur base de la ligne 29 et non la ligne 23, moyennant une levée hypothétique des sanctions américaines contre son gendre, le chef du CPL, Gebran Bassil, dans le cadre d’un troc qui aurait été concocté discrètement avec les États-Unis. Dans ce cadre, des informations non confirmées de sources officielles avaient circulé sur une rencontre entre Gebran Bassil et le médiateur américain, Amos Hochstein, en Allemagne, où le chef du CPL s’était rendu récemment.

Dans sa réponse à ses détracteurs, le chef de l’État n’explique pas les raisons qui l’ont amené à revoir ses ambitions à la baisse après avoir âprement défendu le droit du Liban à délimiter sa frontière maritime avec Israël sur base de la ligne 29 et envoyé une lettre officielle aux Nations Unies pour mettre en garde, dans le même ordre d’idées, contre toute prospection gazière ou pétrolière dans la zone contestée, entre les deux lignes 23 et 29, sachant que les pourparlers indirects avec Israël  sur la frontière maritime avaient pour point de départ la ligne 23. Un groupe d’activistes avait adressé la semaine dernière à la présidence de la République une lettre officielle dans laquelle il demande à connaître les raisons du revirement de la position officielle, en faisant prévaloir leur droit à l’accès à l’information que la loi de janvier 2017 leur confère. La réponse de Baabda avait été que les négociations " sont secrètes et sensibles " et qu’elle ne peut donc pas les leur fournir d’autant qu’elles ne sont pas terminées.

Notons que la présidence de la République n’a réagi aux critiques concernant son brusque changement de position que lorsque le Hezbollah est monté au créneau concernant ce même sujet, fustigeant indirectement la concession présidentielle, en confirmant le droit du Liban à ses ressources gazières et en rejetant une proposition du médiateur américain qui prévoit que le Liban et Israël se partagent le carburant dans la zone contestée en attendant que les pourparlers sur la délimitation de la frontière soient achevés.

La formation pro-iranienne semblait reprendre l’initiative sur un dossier qui est pourtant du ressort de l’État libanais pour diverses raisons. D’abord à cause des analyses selon lesquelles elle aurait donné son accord tacite à la concession faite par le Liban, ce qui l’a mise dans une situation embarrassante vis-à-vis de son public à l’approche des législatives, au moment où elle s’efforce de les mobiliser sous divers slogans. Ensuite, pour garder cette carte en mains tant que les pourparlers de Vienne sur le nucléaire iranien n’ont pas évolué.

Signalons, enfin, que le président Aoun a discuté de ce dossier avec l’ambassadrice des États-Unis.