Les diplomates libanais en poste à l’administration centrale à Beyrouth ont annoncé mercredi " la suspension de leur travail " jeudi et vendredi pour exiger leur droit à des permutations diplomatiques, attendues depuis 2019. Mais alors que cette " grève " vise à mettre fin à l’injustice subie par de nombreux ambassadeurs et présidents d’unités administratives au ministère des Affaires étrangères, des sources diplomatiques mettent en garde contre une autre injustice qui pourrait résulter d’un train de permutations qui ne respecterait pas nécessairement la compétence et l’ancienneté des candidats aux postes.

Dans un communiqué mercredi, les ambassadeurs et les diplomates qui président des unités de l’administration centrale au ministère des Affaires étrangères ont annoncé " la suspension du travail jeudi et vendredi de cette semaine pour exiger l’application de la loi et leur droit à des permutations diplomatiques, après près de cinq ans de présence dans l’administration centrale et six mois après la formation du gouvernement ".

Ils ont mis en garde contre une escalade " si la tergiversation se poursuit dans ce dossier ", ajoutant qu’ils réévalueront leur position en fonction des développements. " Cette démarche vise à lever l’injustice et appliquer la loi, loin de toute querelle politique ou de toute dynamique étroite ", ont-ils indiqué.

Dans les faits, les dernières permutations diplomatiques au niveau des ambassadeurs datent de 2017 et de nombreux diplomates libanais étaient rentrés à Beyrouth cette année-là. Ils auraient dû repartir en 2019, parce qu’un ambassadeur doit passer deux ans dans son pays avant une nouvelle mission à l’étranger, mais les permutations prévues à l’époque n’avaient pas eu lieu, et se font encore attendre, malgré les promesses.

Un salaire de 200 dollars

" Les ambassadeurs libanais en poste à Beyrouth subissent un préjudice à deux niveaux, d’abord au niveau financier, puisque leur salaire est d’environ 200 dollars, et ensuite au niveau de la carrière ", explique une source diplomatique.

Elle précise que les ambassadeurs en poste à l’étranger depuis 12 ou 14 ans le sont en fait en violation de la loi, qui stipule qu’ils ne doivent pas passer plus de dix ans hors du pays. " Pour rester au-delà de dix ans, un décret du conseil des ministres est requis, ce qui n’a pas été fait ", selon la source précitée, qui relève que la plupart de ceux qui sont toujours à l’étranger sont des proches de certains hommes politiques.

Les diplomates en poste à Beyrouth auraient de nouveau insisté il y a quelques jours auprès du ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib pour qu’il accélère l’approbation des permutations diplomatiques, et avaient brandi la menace d’une grève. Selon les sources précitées, le ministre leur aurait demandé d’attendre le retour du président de la République Michel Aoun d’Italie, où il doit se rendre du 20 au 23 mars.

D’autres sources précisent que M. Bou Habib travaille sérieusement sur les nominations diplomatiques, soulignant que ces dernières ne peuvent avoir lieu sans une entente politique.

Il convient de rappeler que le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui était ministre des Affaires étrangères en 2019, n’avait pas effectué les permutations à l’époque. Mais aujourd’hui, à moins de deux mois des législatives prévues en mai, il semble très pressé de les voir aboutir, selon plusieurs sources diplomatiques.

Nominations injustes ?

Ces sources précisent que les permutations qui sont en préparation ne rendront pas justice aux ambassadeurs qui sont à Beyrouth et attendent d’être nommés à l’étranger, bien au contraire. " Les seniors vont être relégués à des postes subalternes alors que certains nouveaux venus, de deuxième catégorie, vont être nommés ambassadeurs en titre et obtenir des postes importants ", croient-elles savoir.

Elles soulignent que M. Bassil accapare tous les postes chrétiens, " indépendamment de la compétence et de l’ancienneté " des candidats, et semble très pressé car pour lui " c’est le moment ou jamais de garder à l’étranger ceux qu’il avait déjà nommés auparavant, et de placer des proches dans les capitales les plus importantes ". Elles citent l’exemple de Hadi Hachem, proche de Gebran Bassil, que ce dernier voudrait promouvoir à la première catégorie, " en le faisant passer devant 21 autres maronites qui ont plus d’ancienneté que lui, et l’envoyer, comme premier poste, en tant qu’ambassadeur du Liban aux Nations-Unies ".

Le Premier ministre Najib Mikati, qui s’opposait aux tentatives du chef du CPL à ce niveau, notamment à moins de deux mois des législatives, semble avoir lâché du lest, selon ces sources, qui croient savoir qu’en échange, l’ambassadeur libanais à Berlin, Moustapha Adib, serait nommé ambassadeur à Washington.

Certaines sources espèrent que le ministre Bou Habib, proche de Gebran Bassil, n’acceptera pas de faire passer des permutations injustes, rappelant que l’un de ses prédécesseurs, Nassif Hitti, avait justement démissionné du gouvernement en signe de refus de telles pratiques.

D’autres sources estiment que rien de définitif n’a encore été décidé au niveau des noms, et qu’il faut attendre les nominations avant de juger. Pour ce qui est du choix des postes, elles reconnaissent que certaines interventions politiques ont lieu.

Elles notent en outre que la grève est justifiée car le gouvernement est considéré comme démissionnaire après les législatives, et les permutations risquent d’être longtemps reportées si elles n’ont pas lieu avant le scrutin.

Alors que certaines sources écartent tout impact de la grève des diplomates sur les élections législatives, et notamment la participation de la diaspora, d’autres au contraire notent qu’elles pourraient avoir une grande influence à ce niveau. Elles expliquent que c’est justement pour cela qu’il est impératif d’adopter les permutations au plus tôt.

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