Le parti pro-iranien se concentre à faire élire au moins un candidat du CPL par les voix chiites, les FL sont combattues sur plus d’un front.  

A Baalbeck-Hermel (Békaa III), bastion du Hezbollah et l’un des réservoirs de votes chiites les plus importants du pays (251,417 inscrits sur un total de 341.263), les listes rivalisant avec celle du Hezbollah restent imprécises, et certaines démarches et alliances semblent même "louches", en comparaison avec le scrutin de 2018, selon l’observation d’un acteur politique. Une liste formée par des chiites indépendants, présidée par Yehya Chamas et alliant Courant du Futur et Forces libanaises, avait en effet réalisé deux percées au niveau des sièges sunnite et chrétien.

La circonscription est représentée par dix sièges au Parlement (six sièges pour les chiites, deux pour les sunnites et deux pour les chrétiens, répartis respectivement entre un grec-catholique et un maronite). Elle est le terrain propice à révéler les tactiques électorales du Hezbollah, par la manière avec laquelle il choisira de moduler la répartition des votes chiites entre les différents candidats sur sa liste. C’est aussi le terrain où sont testées les chances d’une opposition face à lui.

Or, pour l’instant, l’opposition prend l’allure d’initiatives et d’alliances versatiles, plus que de listes clairement identifiables. Seule la liste du parti chiite serait déjà formée. Elle doit être annoncée samedi.

Quatre des six candidats chiites sont les députés sortants du Hezbollah, à savoir Hussein Hajj Hassan, Ibrahim el-Moussaoui, Ihab Hamadé et Ali Mokdad, dont le secrétaire général du parti avait déjà annoncé les noms officiellement au début du mois de mars. Le député Hussein Hajj Hassan, pourtant très critiqué par la base partisane sur fond de scandales de corruption, semble devoir son maintien sur la liste à l’appui dont il bénéficie au sein d’une partie du commandement du Hezbollah, apprend-on de source indépendante.

La liste inclut également l’inconditionnel candidat du mouvement Amal, le député sortant Ghazi Zeaïter, et un candidat chiite du Baas, le député sortant Jamil Sayyed.

Lors des législatives de 2018, la bataille du Hezbollah a été notamment de mobiliser le plus de voix chiites en faveur de Jamil Sayyed, en gage d’amitié au régime de Damas dont ce dernier est proche, et dans ce qui était alors aussi une manière de circonscrire le président de la Chambre, Nabih Berry, auquel Sayyed était pressenti de succéder.

Cette fois, le Hezbollah a retenu la candidature de Jamil Sayyed en minimisant son importance. Des rumeurs sur une possible candidature de Ali Hijazi, nouveau président du Baas au Liban, avaient circulé, sans doute alimentées par le parti chiite, pour rappeler à l’ordre le député sortant, lui aussi sous le coup de sanctions américaines.

L’un des enjeux stratégiques pour le Hezbollah est de faire en sorte que son allié chrétien, le Courant patriotique libre, très affaibli dans les sondages, conserve sa majorité parlementaire, pour continuer de légitimer la mainmise du parti pro-iranien au Liban.

Bien que le CPL n’ait presque aucun poids électoral dans la circonscription (il est d’ailleurs rarement intégré formellement à la liste du Hezbollah à Baalbeck) les deux candidats chrétiens sur la liste du parti chiite pourraient être choisis parmi des partisans du CPL répondant complètement de son chef Gebran Bassil, en l’occurrence Hanna Geagea (maronite) et Rony Nasrallah (grec-catholique). Le Parti syrien national social, habitué à proposer un candidat grec-catholique sur la liste du Hezbollah, rsique d’être représenté cette fois par l’un des deux candidats sunnites (possiblement à Ersal). Et que le nom de l’ancien député maronite Émile Rahmé, pourtant allié de l’axe Iran-Damas, n’ait pas été retenu.

Se concentrer sur la victoire des deux candidats chrétiens, en faisant ainsi élire le CPL par l’électorat chiite de Baaleck-Hermel, est facilité par la déroute actuelle de la scène sunnite. Le retrait de l’ancien Premier ministre Saad Hariri a rendu inutile de mener une bataille sur ce terrain, d’autant plus qu’aucune alternative, ni alliance stratégique (que tenterait Fouad Siniora en direction des Forces libanaises) ne parvient à prendre forme et combler le vide laissé.

Le Hezbollah se focalisera d’autant plus à accorder des votes à ses candidats chrétiens qu’il entend faire échouer le candidat au siège maronite des Forces libanaises (FL), le député sortant Antoine Habchi.

L’entrave Jawhari et autres 

Les Forces libanaises, alliées au Courant du Futur et à un groupe de chiites indépendants menés par Yehya Chamas en 2018, tentent cette année de former une liste d’opposition au Hezbollah, mais difficilement. Leur candidat chiite privilégié, censé faire contrepoids au part pro-iranien, est le cheikh Abbas al-Jawhari, opposant déclaré au Hezbollah. Mais ce choix est critiqué pour n’être pas suffisamment probant, aussi bien par des observateurs connus pour leur opposition au parti chiite que par la plupart des opposants chiites traditionnels au parti armé dans la région.

"La liste FL a une certaine présence au sein de la rue chrétienne mais en pratique, dans les milieux chiites et sunnites, les noms proposés relèvent plus du fardeau que du soutien, puisqu’ils manquent de poids, non seulement électoral en termes de capacité à rallier des voix, mais aussi social en termes de présence populaire", estime un observateur de Baalbeck opposant au Hezbollah.

Il n’est pas clair toutefois pourquoi les FL ne parviennent pas à intégrer une dynamique d’opposition qui pourrait se constituer en liste d’opposition au parti chiite.

De sources concordantes, cette liste d’opposants indépendants — à distinguer de celle annoncée il y a deux semaines par Mouhannad Sleiman — pourrait inclure parmi les candidats chiites Ali Sabri Hamadé (même si sa participation n’est pas tranchée), Abbas Yaghi (neveu de Ghaleb Yaghi), Khoder Tleiss, al-Charif Sleiman et Firas Allam. Les noms de Sami Toufaïly, Hani Chamas et Mohammad Khalil Haïdar, circulent aussi alternativement.

Les noms des candidats sunnites avancés sont ceux Rima Kourroumbi (vice-présidente du Conseil municipal de Ersal, soutenue dans un premier temps par le Parti communiste, avant qu’il ne s’en rétracte) et Khaled Soulah. L’homme d’affaires grec-catholique, Talal Makdessi, pourrait bien s’y rallier.

Sollicités par Ici Beyrouth, certains concernés par la liste révèlent des divergences autour de tactiques électorales-clés. Ainsi, pour Ghaleb Yaghi, dont le neveu est candidat, une alliance avec les FL est rendue difficile par l’unilatéralisme du parti chrétien d’une part, et son attachement à Abbas al-Jahwhari sans consultation préalable des autres acteurs chiites indépendants de l’autre.

Un autre rapporte qu’une alliance entre FL et notables chiites est rendue difficile par certains groupes de la société civile, comme "Nahwa al-Watan", impliqué dans la liste et refusant toute alliance avec les FL. Un troisième, virulent opposant au Hezbollah affirme à Ici Beyrouth que la participation de ces groupes civils est secondaire. "Le noyau dur de l’opposition au Hezbollah sera Ali Sabri Hamadé, Abbas Yaghi et Khodr Tleiss", assure-t-il. Des divergences qui servent naturellement le Hezbollah. D’autant plus que les tribus chiites, déjà peu enclines cette année à mener une bataille contre le parti chiite, risquent en cas de retrait de Ali Sabri Hamadé notamment de n’être que très faiblement représentées au niveau de l’opposition. Tout cela reste à suivre…