Le régime iranien semble déterminé à écraser le mouvement de contestation en multipliant et durcissant les condamnations contre les manifestants. Chaque jour les autorités annoncent des condamnations à mort alors que les protestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini entrent dans leur troisième mois. Par ailleurs, les renseignements britanniques ont prévenu que Téhéran cherche à " kidnapper ou tuer " des opposants basés au Royaume-Uni.

La justice a annoncé mercredi trois nouvelles condamnations à mort contre des manifestants en Iran, où sept personnes ont été tuées en deux jours lors du mouvement de protestation contre la mort de Mahsa Amini, qui est entré dans son troisième mois.

La nuit de mardi à mercredi a connu des scènes de violence dans plusieurs villes alors que les manifestants marquaient le troisième anniversaire de la répression meurtrière d’un autre mouvement, déclenché en 2019 par la hausse des prix du carburant.

Cinq personnes ont par ailleurs été tuées par balles par des assaillants à moto qui ont ouvert le feu mercredi sur des manifestants et des forces de l’ordre sur un marché de la ville d’Izeh, dans le sud-ouest de l’Iran, ont annoncé des responsables. Cette attaque, attribuée par les autorités à des " éléments terroristes ", n’a pas été revendiquée.

La justice a infligé mercredi la peine capitale à trois personnes inculpées pour leur implication dans les manifestations, a affirmé l’agence de l’Autorité judiciaire Mizan Online, portant à cinq le nombre de condamnations à mort depuis dimanche.

L’une de ces personnes a foncé sur des policiers avec sa voiture, tuant l’un d’eux, la deuxième a blessé un garde avec une arme blanche et la troisième a tenté de bloquer la circulation et " semer la terreur ", selon les actes d’accusation.

Malgré la répression, la mobilisation ne faiblit pas dans les rues.

" On se battra! On mourra! On récupèrera l’Iran! ", criaient des dizaines de manifestants autour d’un feu dans la nuit à Téhéran, selon une vidéo diffusée mercredi par le média en ligne 1500tasvir.

Dans une vidéo vérifiée par l’AFP, des membres des forces de l’ordre semblent tirer depuis un quai de métro sur des personnes sur le quai d’en face, provoquant des cris et des chutes.

Au Kurdistan iranien (nord-ouest), d’où est originaire Mahsa Amini, " les forces du gouvernement ont ouvert le feu " sur des manifestants dans plusieurs villes et trois d’entre eux ont été tués, deux à Sanandaj et un à Kamyarana, a déclaré mardi soir à l’AFP l’ONG de défense des droits humains Hengaw, basée à Oslo.

Mercredi, un manifestant, Burhan Karmi, a été tué devant la maison de l’homme tué la veille à Kamyarana, Fuad Mohammadi, un commerçant, dont les proches s’étaient rassemblés pour ses funérailles, selon Hengaw.

" Notre frère Fuad est un héros, le martyr du Kurdistan ", criait la foule, selon des vidéos mises en ligne.

Un appel à trois jours de mobilisation entre mardi et jeudi avait été lancé pour commémorer le " Novembre sanglant " de 2019, lorsque des manifestations avaient entraîné des violences meurtrières dans de nombreuses villes.

L’agence de presse officielle Irna a indiqué que deux Gardiens de la Révolution et un paramilitaire avaient été tués mardi lors de manifestations dans les villes kurdes de Boukan et Kamyaran (nord-ouest) ainsi qu’à Chiraz (sud).

Au moins 342 manifestants ont été tués dans la répression du mouvement, selon un nouveau bilan diffusé mercredi par Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo.

Selon IHR, au moins 15.000 personnes ont été arrêtées, un chiffre démenti par Téhéran.

Dans la province de Fars (sud), 110 personnes, dont 18 femmes, ont été arrêtées mardi pour avoir bloqué des routes, endommagé des biens publics et lancé des pierres contre les forces de sécurité, selon Irna.

" Les manifestants n’ont pas accès à des avocats lors des interrogatoires, ils sont soumis à de la torture physique et psychologique pour qu’ils fassent de faux aveux et sont condamnés sur la base de ces aveux par des tribunaux révolutionnaires ", a déclaré à l’AFP le directeur de IHR Mahmood Amiry-Moghaddam.

Il a dénoncé les condamnations à mort de manifestants, caractéristiques d’un " régime oppressif ", et dit craindre " des exécutions de masse ".

A Londres, le patron des services de renseignement britanniques, Ken McCallum, a mis en garde mercredi contre les " menaces directes " posées par l’Iran, qu’il accuse de chercher à " kidnapper ou tuer " des Britanniques " perçus comme des ennemis du régime ".

" A son paroxysme, cela inclut des ambitions de kidnapper ou même de tuer des Britanniques ou des individus basés au Royaume-Uni perçus comme des ennemis du régime ", a ajouté le chef des renseignements lors d’un discours au siège du MI5, imposant bâtiment bordant la Tamise à Londres.

Les avertissements du MI5 interviennent tandis que le gouvernement britannique a accusé la semaine dernière l’Iran d’avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de journalistes basés au Royaume-Uni.

La chaîne de télévision en persan basée à Londres -Iran International- avait rapporté que deux de ses journalistes travaillant au Royaume-Uni avaient reçu des menaces de mort de la part des Gardiens de la Révolution.

Avec AFP