Après les multiples revers infligés aux forces russes par l’armée ukrainienne, Washington tente de convaincre le président Zelensky de passer à la table des négociations avec Moscou. En effet, Américains et Européens craignent un enlisement du conflit en une guerre de position à l’instar de la Première Guerre mondiale.

Sur la Place Maïdan, au centre de Kiev, des dizaines de blindés russes calcinés, exhibés fièrement par les Ukrainiens après leurs multiples victoires sur le terrain. (AFP)

 

 

Les États-Unis appellent de façon croissante l’Ukraine à être ouverte à des négociations de paix avec la Russie. Un haut responsable du Pentagone estime qu’il sera difficile pour les forces de Kiev de récupérer les territoires remportés par Moscou au cours de la guerre.

Le chef d’état-major américain, le général Mark Milley a souligné mercredi que le soutien des États-Unis n’avait pas diminué, mais a déclaré que Kiev était en bonne position pour entamer des discussions, ses soldats parvenant à tenir tête à la Russie.

Il a précisé que les Russes renforçaient désormais leur emprise sur 20% du territoire ukrainien et que les lignes de front allant de la ville de Kharkiv à celle de Kherson se stabilisaient.

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Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président Zelensky. Pour Kiev, négocier avec Moscou reviendrait à capituler (AFP)

 

" La probabilité d’une victoire militaire ukrainienne, consistant à chasser les Russes de toute l’Ukraine, y compris de la […] Crimée, la probabilité que cela se produise bientôt n’est pas élevée, militairement parlant ", a-t-il déclaré.

" Il peut y avoir une solution politique où, politiquement, les Russes se retirent, c’est possible ", a ajouté M. Milley.

La Maison-Blanche a réitéré vendredi que seul le président ukrainien Volodymyr Zelensky était en mesure d’approuver l’ouverture de négociations entre l’Ukraine et la Russie, rejetant toute notion de pressions américaines sur Kiev.

" Nous avons également dit qu’il revenait au président Zelensky de dire si, et quand, il serait prêt à des négociations et la forme que prendraient ces négociations " a déclaré à la presse le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.

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À Kherson, vivre entre les bombardements devient difficile. (AFP)

 

 

" Personne aux États-Unis n’est en train de l’encourager, d’insister ou de le pousser à la table " des négociations, a-t-il dit.

Mais, plus tôt ce mois-ci, Volodymyr Zelensky a fait savoir qu’il n’exigeait plus le départ de Vladimir Poutine pour entamer des négociations, un changement de cap qui est intervenu après des pressions de la Maison-Blanche.

Le soutien américain à l’Ukraine reste fort. Cette semaine, la Maison Blanche a demandé au Congrès de débloquer 38 milliards de dollars supplémentaires en soutien à Kiev.

Mais en même temps, l’exécutif n’a pas contredit le point de vue du général Mark Milley, qui avait indiqué la semaine dernière à New York que l’Ukraine avait déploré 100.000 morts et blessés sur le champ de bataille — un bilan proche de celui estimé pour l’armée russe — et 40.000 victimes chez les civils.

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Le terminal de réception de pétrole de la ville de Kherson en feu après une frappe le 19 novembre (AFP)

 

 

Ces bilans pourraient encore grimper si l’Ukraine s’obstinait à se battre pour tenter de récupérer les frontières d’avant 2014, a encore suggéré M. Milley.

Il a notamment comparé la situation à la Première Guerre mondiale, lorsque les deux camps se sont enlisés dans un conflit qui avait fait un million de morts entre août et décembre 1914, avec une ligne de front stabilisée et un refus de tenir des négociations de paix. Quatre ans plus tard, fin 1918, on déplorait la mort de 20 millions de personnes.

" Donc quand il y a une opportunité de négocier, quand la paix peut être atteinte, saisissez-la ", a-t-il dit.

Les commentaires de M. Milley ont fait craindre que les États-Unis ne veuillent revoir l’objectif de Kiev de reconquérir toutes les terres occupées par les Russes, y compris la Crimée et le Donbass, dont l’Ukraine a perdu le contrôle en 2014.

Charles Kupchan, professeur à l’université de Georgetown, estime que l’administration Biden essaye probablement de s’assurer que la porte reste ouverte aux négociations, et que M. Milley est simplement déjà " un peu plus tourné vers l’avenir ".

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" Je ne pense pas que cela soit prématuré. Je pense que c’est prudent. Les Russes et les Ukrainiens doivent conserver la possibilité qu’il existe une voie diplomatique ", a-t-il déclaré.

Et c’est aussi un signal à l’intention de Volodymyr Zelensky, dont les déclarations mettent à l’épreuve la patience de certains alliés.

" Zelensky, de manière compréhensible, s’échauffe un peu et dit des choses que les alliés n’apprécient pas forcément ", dit M. Kupchan.

Il ajoute que la Maison-Blanche cherche à devancer toute pression des alliés européens pour mettre fin à la guerre avant que Kiev ne soit prête.

" L’administration Biden veut lentement avancer, afin de s’assurer que le consensus transatlantique reste solide. "

Avec AFP