Face aux limites de la Cour pénale internationale, l’Union européenne souhaite mettre en place un tribunal spécial compétent pour juger les crimes d’agression russes en Ukraine. L’objectif est de pouvoir poursuivre en justice " les plus hauts dirigeants russes qui autrement jouiraient d’une immunité ", affirme la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

La Première dame d’Ukraine Elena Zelenskaya inaugure une exposition sur les crimes de guerre russes à Londres (AFP)

 

L’Union européenne veut travailler avec ses partenaires internationaux à la mise en place d’un tribunal spécial pour juger les " crimes de la Russie " en Ukraine et à mobiliser les avoirs russes gelés pour reconstruire le pays, deux entreprises qui s’annoncent toutefois difficiles.

" Tout en continuant à soutenir la Cour pénale internationale (CPI, basée à La Haye), nous proposons de mettre en place un tribunal spécial soutenu par les Nations unies pour enquêter et poursuivre en justice les crimes d’agression de la Russie " contre l’Ukraine, a déclaré mercredi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, dans une vidéo diffusée sur Twitter.

Le massacre de Kramatorsk: un missile russe s’abat sur la gare ferroviaire de cette ville du Donbass, alors que l’armée russe avait permis à la population de fuir la ville.

 

La création d’un tel tribunal a été réclamée à plusieurs reprises par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi que par les pays baltes.

La CPI n’est compétente que pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés en Ukraine, et non pour les " crimes d’agression " de la Russie, car Moscou n’est pas signataire du traité de Rome instituant la Cour.

La CPI ne pourrait pas juger le président russe Vladimir Poutine, son premier ministre et son ministre des Affaires étrangères, qui bénéficient d’une immunité de poursuites pendant leur mandat, note la Commission. " Un tribunal ad hoc compétent pour les crimes d’agression permettrait de poursuivre en justice les plus hauts dirigeants russes qui autrement jouiraient d’une immunité ", poursuit-elle.

Les Pays-Bas, qui hébergent déjà la CPI à la Haye, ont indiqué leur disponibilité pour accueillir un tribunal spécial.

Le massacre de Boutcha: les rues de cette ville de banlieue de Kiev étaient jonchées de cadavres de civils massacrés par les forces russes lors de leur retraite.

 

Mais pour mettre en place une telle juridiction, un large soutien international sera nécessaire, reconnait la Commission. Si la proposition n’a pas de chance de passer au Conseil de sécurité de l’ONU en raison de l’opposition de la Russie, elle pourrait avoir plus d’écho à l’Assemblée générale.

Des responsables de la Commission ont indiqué avoir eu des premiers contacts avec les États-Unis –qui ne sont pas parties à la CPI– à ce propos, mais aucune indication n’a été donnée sur un éventuel soutien de Washington.

Faire payer Moscou

Les Européens veulent aussi discuter avec leurs partenaires, notamment au sein du G7, de leur volonté de faire payer Moscou pour les destructions matérielles en Ukraine.

" Avec nos partenaires, nous veillerons à ce que la Russie paie pour les ravages qu’elle a causés, en utilisant les fonds gelés des oligarques et les actifs de sa banque centrale ", a affirmé Ursula von der Leyen.

 

L’UE a déjà bloqué 300 milliards d’euros de réserves de la Banque centrale russe et a gelé 19 milliards d’euros d’avoirs appartenant à des oligarques russes, a-t-elle rappelé.

" À court terme, nous pourrions créer (…) une structure pour gérer ces fonds et les investir. Nous utiliserons ensuite ces fonds pour l’Ukraine ", a précisé Ursula von der Leyen.

" Une fois les sanctions levées, ces fonds devraient être utilisés pour que la Russie paie une indemnisation pour les dommages causés à l’Ukraine. Nous travaillerons à un accord international avec nos partenaires pour rendre cela possible. Et ensemble, nous pouvons trouver des moyens légaux pour y parvenir ", a-t-elle affirmé.

 

En ce qui concerne les avoirs privés des oligarques qui ont été gelés, leur confiscation ne serait possible qu’en lien avec une infraction pénale. L’UE est en train d’harmoniser les législations de ses États membres afin de punir de façon uniforme le contournement des sanctions, ce qui pourrait servir de base à une telle confiscation.

Plus de 20.000 civils et plus de 100.000 militaires ukrainiens ont été tués ou blessés depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février, a déclaré la cheffe de l’exécutif européen.

Les dommages subis par l’Ukraine sont, selon elle, estimés à 600 milliards d’euros.

Avec AFP