C’est le temps des retrouvailles et de la réconciliation pour Recep Tayyip Erdogan. Alors qu’il est en visite aux Emirats lundi et mardi, après dix années de tensions diplomatiques entre Ankara et Abou Dhabi, le voilà recevant le 9 ou 10 mars prochain, la date n’étant pas encore précisée, le président israélien Isaac Herzog. Pourquoi ce revirement pour le champion de l’islamisme " modéré " et le grand défenseur de la cause palestinienne? La réponse tient des impérieux impératifs économiques, surtout que la construction d’un gazoduc reliant le Levant à l’Europe est en jeu, et le besoin vital de capitaux étrangers par la Turquie en pleine crise économique. Il y a aussi une volonté de faire sortir la Turquie de l’isolement diplomatique que son président a grandement contribué à mettre en place.
Mi-novembre, M. Erdogan s’était entretenu avec M. Herzog et le Premier ministre israélien Naftali Bennett –le premier entretien entre un Premier ministre israélien et M. Erdogan depuis 2013–, quelques heures après la libération et le retour dans leur pays d’un couple de touristes israéliens accusés d’espionnage et détenus en Turquie.
En janvier, le président turc avait dit être prêt à coopérer avec Israël sur un projet de gazoduc en Méditerranée orientale, marquant ainsi la volonté d’Ankara de renouer les liens avec l’Etat hébreu. Ce nouveau projet de gazoduc permettrait d’acheminer le gaz de la Méditerranée orientale vers l’Europe. La Turquie s’était précédemment vivement opposée à un projet similaire dans lequel Israël et son rival historique, la Grèce, étaient associés. Nommé EastMed, il avait été soutenu à l’époque par l’ancien président américain Donald Trump. Mais selon les médias israéliens et turcs, Washington aurait prévenu Athènes qu’il ne soutenait plus ce projet à cause des tensions que celui-ci provoquait avec Ankara.
D’après des analystes, le rapprochement entre l’Etat hébreu et la Turquie est notamment lié au changement de gouvernement en Israël, l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui entretenait des relations difficiles avec Recep Tayyip Erdogan, ayant été remplacé en juin par Naftali Bennett. Ce changement est vu comme une " opportunité ", décrypte Gallia Lindenstrauss, analyste israélienne à l’Institut des études stratégiques de Tel-Aviv. Israël souhaite en outre " un apaisement des tensions " pour pouvoir " se concentrer sur la menace principale ", à savoir l’Iran, son ennemi numéro un, dit-elle à l’AFP.
Cette situation constitue toutefois un " tournant " de la part de M. Erdogan, grand défenseur de la cause palestinienne ces dernières années et " très critique " envers Israël, qui " s’apprête à recevoir le président israélien sans changement majeur dans la politique israélienne envers les Palestiniens ", ajoute-t-elle. Confirmant la visite, la diplomatie turque a précisé que la délégation, composée du porte-parole et conseiller du président Erdogan et du vice-ministre des Affaires étrangères, rencontrerait également Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne qui siège en Cisjordanie occupée, et d’autres responsables palestiniens, lors de son déplacement cette semaine.
Avec AFP