Une " avancée " pour les droits des victimes de terrorisme: la Cour de cassation a adopté mardi une conception plus large de la notion de partie civile, en plein procès des attentats du 13-Novembre et avant celui du carnage de Nice en 2016.

Dans trois arrêts, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a décidé que pourraient désormais être reconnues parties civiles des personnes ayant tenté d’intervenir pour interrompre un acte terroriste ou ayant subi un préjudice direct en fuyant un lieu proche d’un attentat.

Cette évolution de la jurisprudence a été saluée comme une " avancée " par des avocats, notamment ceux représentant certaines des 2.200 personnes qui se sont constituées parties civiles au procès des attaques jihadistes du 13 novembre 2015.

Jusqu’alors, la loi prévoyait que seule une personne ayant " personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction " pouvait faire reconnaître son statut de victime devant la justice pénale, participer à la procédure et obtenir réparation.

Dans le cas des attentats du 13-Novembre, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés, toute personne qui n’avait pas été visée par les tirs ou n’était pas dans le périmètre de l’explosion d’un kamikaze était déclarée irrecevable.

Pour l’attentat de Nice, n’ont été déclarées recevables que les personnes qui s’étaient trouvées sur la trajectoire du camion au volant duquel Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a tué 86 personnes le soir de la fête nationale, le 14 juillet 2016.

La Cour de cassation était saisie par trois personnes.

Gwenaël Leriche, qui avait cherché à arrêter le camion sur la Promenade des Anglais à Nice, avait vu sa constitution de partie civile refusée par la cour d’appel.

Tout comme une femme qui avait tenté de stopper l’homme qui a poignardé à mort deux cousines devant la gare Saint-Charles à Marseille en 2017, en le frappant avec un bâton.

S’y ajoutait une femme, également présente à Nice, qui avait sauté dans le chaos sur la plage, se blessant en tombant de 4 mètres en contrebas.

" Témoin malheureux "

Dans ces trois cas, la justice avait considéré qu’ils n’avaient pas été " directement exposés au risque de mort ou de blessure ", se basant sur une précédente jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier une décision du 11 avril 2018.

La haute juridiction avait alors confirmé un refus de partie civile pour une personne qui avait vu les jihadistes mitrailler le bar La Belle Equipe le 13 novembre 2015 à Paris et s’était enfuie avec la peur qu’on lui tire une balle dans le dos. Un " témoin malheureux " mais pas une partie civile, selon cet arrêt.

Compte tenu de " la spécificité " des attentats terroristes, la Cour de cassation a acté la recevabilité des trois personnes qui l’avaient saisie et, ce faisant, élargi la conception de partie civile.

Celle-ci inclut désormais ceux " qui se sont exposés à des atteintes graves à la personne et ont subi un dommage en cherchant à interrompre un attentat ", leur intervention étant " indissociable de l’acte terroriste ".

Mais aussi ceux " qui, se croyant légitimement exposés, se blessent en fuyant un lieu proche d’un attentat ", une fuite là aussi " indissociable de l’acte terroriste ".

" C’est une décision de bonne justice ", se réjouit Me Patrice Spinosi, avocat de M. Leriche. " Plus que l’indemnisation pécuniaire de leur préjudice, c’est le droit des victimes d’attentat à demander justice et à faire entendre leur voix lors du procès des terroristes que vient de garantir la Cour de cassation ", salue-t-il.

" C’est la fin de la règle du double décimètre pour décider qui est victime ou non ", s’est félicitée sur Twitter Me Aurélie Coviaux, qui défend plusieurs parties civiles au procès des attentats du 13-Novembre.

Depuis ces attentats, " on a vu toutes les portes se verrouiller " par crainte " du grand nombre de victimes ", déplore-t-elle. Désormais, la justice " va analyser réellement la situation de la victime ", notamment sa " perception du danger ", déclare Me Coviaux à l’AFP.

Les critères restent toutefois " rigoureux " sur la notion d’exposition directe à un dommage, " tout le monde ne va pas pouvoir se constituer partie civile ", assure l’avocate.

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