Le président français, Emmanuel Macron, qui convie mercredi soir à l’Élysée les chefs d’Etat nigérien, tchadien et mauritanien ainsi que Macky Sall et Charles Michel, respectivement présidents de l’Union Africaine et du Conseil européen, cherche à trouver une porte de sortie multilatérale aux déboires que connait la France au Mali. Un fiasco annoncé qui fait penser à l’impasse américaine en Afghanistan.

 

Des militaires français de l’Opération Barkhane, une force antijihadiste opérant dans plusieurs pays du Sahel. (AFP)

 

La fin de la présence des troupes françaises au Mali qui solde l’échec de neuf ans d’intervention fait penser au départ chaotique des Américains de Kaboul voici quelques mois. C’est bien le spectre de l’Afghanistan qui hante aujourd’hui, en pleine campagne présidentielle, les nuits d’Emmanuel Macron, qui cherche à tout prix à enterrer au plus vite le dossier malien. Les éléments de langage que le chef de l’État met en place avec son ministre des Affaires Etrangères et vrai responsable du fiasco malien, Jean-Yves Le Drian, sont grossiers, et cela commence à se voir.

Emmanuel Macron- on le comprend- veut sortir d’un tête-à-tête avec le Mali qui lui a fait l’affront de renvoyer l’ambassadeur.de France, un diplomate unanimement respecté. Le président français qui convoque un mini sommet à l’Elysée ce mercredi soir, le fait en accusant de tous les maux la junte malienne au pouvoir depuis dix-huit mois. Les passerelles jetées par le gouvernement malien vers les groupes armés pour mettre fin à un conflit interminable et pour recomposer le paysage politique local sont dénoncées, depuis des mois, par Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, respectivement ministres des Affaires Etrangères et des Armées, qui ont privilégié une logique purement militaire.

Vladimir Poutine, coupable forcément

Mais, à entendre les représentants du gouvernement français, ce sont d’abord les accords entre les militaires maliens et quelques centaines de mercenaires de la société russe Wagner qui auraient mis le feu aux poudres. En pleine crise en Ukraine et alors qu’un Vladimir Poutine guerrier est diabolisé, il est tentant d’accuser les noirs desseins des Russes en Afrique et d’y voir la principale cause de l’échec de l’intervention française. L’impasse au Mali, ce serait la faute aux autres, Maliens, Russes, Turcs ou autres.

À entendre les interventions publiques sur l’avenir de notre présence, on sent bien que l’expertise française sur l’Afrique connait une baisse Une junte  a pris le pouvoir à Bamako, expliquent les petits soldats de la Macronie, qui ne veut plus " jouer le jeu ", selon les termes bien flous du député Gilles Legendre ce mercredi matin sur RFI. " Notre objectif, poursuit-il, reste la lutte contre le terrorisme ". Et cela fonctionne, explique le même sans états d’âme. " De toute façon, conclut le député d’En Marche, les choses doivent continuer ".

Une certitude, beaucoup de bonnes fées se penchent sur le berceau malien. Des contacts sécuritaires sont noués non seulement avec la Russie, mais aussi avec la Chine. Le ministre malien des Affaires Etrangères rentre d’une tournée au Qatar et en Turquie, des pays avec lesquels Bamako va renforcer sa coopération. Sans même évoquer l’axe qui se dessine avec Alger et Moscou! Une certitude, l’influence française au Mali et au Sahel est en chute libre.

Une porte de sortie européenne?

Le calendrier d’Emmanuel Macron a été bien cadré. Dans la foulée du diner à l’Elysée, un sommet entre l’Union Européenne et l’Afrique aura lieu à Bruxelles ces jeudi et vendredi. Un nouveau partenariat sera proposé et 150 milliards affectés sur sept ans aux objectifs mis désormais en avant. À savoir la santé, migration et climat, des pistes délaissées par les autorités française durant les neuf ans de présence militaire.

Dans la gestion du dossier malien, Emmanuel Macron n’aura eu de cesse de privilégier l’approche multilatérale en mettant en avant un supposé investissement de l’Europe dans la sécurité du Sahel. La " task force " européenne " Takuba " qui regroupait quelques centaines de soldats estoniens, polonais ou danois fut le hochet régulièrement agité par Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, sans aucune réalité sur le terrain, pour diluer les responsabilités françaises.

Reste que le départ du Mali ne réglera aucune question, ni de forme, ni de fond. Pour l’instant, il semble que la stratégie française consiste seulement à cacher la poussière sous le tapis pendant la période de campagne électorale. Le prochain Président français retrouvera ce dossier en haut de la pile en prenant ses fonctions, lorsqu’on réalisera l’ampleur de la perte d’influence de la France en Afrique.

Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l’Institut Maghreb (Paris 8) et l’auteur de plusieurs livres: " Les bourgeois de la République " (Le Seuil) " La maison Pasqua "(Plon), " BHL, une imposture française " (Les Arènes), " Le vilain petit Qatar " (Fayard avec Jacques Marie Bourget), " La régente de Carthage " (La Découverte, avec Catherine Graciet) et " Notre ami Ben Ali " (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)