Le grand " ouf " de soulagement que le monde entier a émis mardi a cédé la place à une déception mélangée d’inquiétude. Le président russe a beau expliqué qu’il n’a " jamais voulu la guerre " et qu’il ne fait que réclamer son droit d’avoir des frontières sécurisées. Mais Vladimir Poutine a oublié que de l’autre côté, en face, ses 150000 soldats représentent une menace réelle et une inquiétude bien plus fondée puisqu’il leur faut à peine quelques minutes pour percer la frontière d’un pays indépendant et souverain. Quant aux Occidentaux, ayant espéré enfin une possible désescalade, ils sont choqués par la situation sur le terrain.

En effet, l’armée russe a annoncé la fin d’exercices et le départ de soldats de la péninsule annexée de Crimée, au sud de l’Ukraine, publiant une vidéo affirmant montrer des wagons chargés de matériel militaire quittant la zone de nuit. Une annonce similaire avait été faite la veille. Le Bélarus a aussi promis mercredi que tous les soldats russes déployés sur son territoire dans le cadre de manoeuvres quitteraient le pays à la fin prévue de ces exercices le 20 février.

Mais d’Anthony Blinken au secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, les Occidentaux affirment ne pas constater la désescalade annoncée. La menace russe " est là, elle est réelle ", a affirmé le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken à la chaîne ABC, assurant voir " des forces qui seraient à l’avant-garde d’une éventuelle agression (…) qui continuent d’être massées à la frontière ". " Au contraire, il apparaît que la Russie continue de renforcer sa présence militaire ", a affirmé M. Stoltenberg au début d’une réunion avec les ministres de la Défense de l’Alliance à Bruxelles. Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a assuré mercredi que la Russie concentrait toujours " autant de forces " autour de l’Ukraine et que les annonces de retrait d’unités russes devaient encore être " vérifiées ". Le retrait " serait positif " mais doit encore être vérifié, avait commenté la veille le président américain Joe Biden, estimant qu' "une invasion demeure tout à fait possible ".

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a décrété une Journée de l’unité mercredi, est arrivé en hélicoptère pour assister à des manoeuvres de son armée à Rivne, au cours desquelles des armes antichars livrées par les Occidentaux ont notamment été étrennées. "Je vous remercie de défendre notre Etat. Quand je vous regarde, j’ai confiance ", a-t-il déclaré aux militaires présents.

Dans les rues de Kiev, de nombreux drapeaux étaient visibles à l’occasion de la Journée de l’unité décrétée par M. Zelensky, qui minimise le risque d’une invasion. Des exercices d’évacuation ont aussi été organisés dans certaines écoles de Kiev mais " il ne doit pas y avoir de panique ", a insisté un adjoint au maire, Valentyn Mondryivsky, appelant au calme. Après les exercices militaires, le président ukrainien est arrivé à Marioupol, dernière grande ville de l’Est contrôlée par Kiev. Marioupol est considérée parmi les plus menacées en cas d’invasion, car située à seulement une vingtaine de kilomètres de la ligne de front avec les séparatistes prorusses. Symboliquement, plusieurs Ukrainiens fortunés ont annoncé leur retour dans le pays après un appel du chef de l’Etat. L’homme le plus riche d’Ukraine, l’oligarque Rinat Akhmetov, s’est ainsi rendu à Marioupol lui aussi, y annonçant plus d’un milliard de dollars d’investissements pour 2022. L’ambassadeur de l’Union européenne en Ukraine, Matti Maasikas, s’est, lui aussi, déplacé à Marioupol avec plusieurs collègues européens.

En parallèle des affirmations de retrait partiel de ses troupes, Moscou a ouvert un nouveau front avec un vote du Parlement russe mardi appelant Vladimir Poutine à reconnaître l’indépendance des territoires séparatistes en Ukraine. Il s’agirait d’une " violation grossière du droit international ", a mis en garde mercredi Antony Blinken.

L’Ukraine, visée mardi par une cyberattaque massive ayant notamment touché le site du ministère de la Défense et une quinzaine de banques, a désigné Moscou. " La Russie n’a rien à voir avec des cyberattaques quelconques ", a rétorqué Dmitri Peskov.

Avec AFP