Vladimir Poutine avance désormais ses pions, à travers l’ordre donné lundi à son armée de pénétrer le nouveau glacis constitué par les " républiques populaires " de Donetsk et Lougansk. Ces territoires séparatistes de l’Est de l’Ukraine, pro-russes, ont été reconnus indépendants par deux décrets signés par le président russe, une décision qui pourrait entraîner une guerre avec Kiev. Officiellement, " les forces armées de la Russie (assument) les fonctions de maintien de la paix " dans ces deux territoires frontaliers, désignation qualifiée de " non-sens " par l’ambassadrice des États-Unis aux Nations-Unies Linda Thomas-Greenfield. De ce déploiement militaire, ni calendrier ni informations sur son éventuelle ampleur n’ont été précisés dans ces documents. Kiev a démenti en bloc les accusations russes d’attaques réalisées par les forces ukrainiennes qui, pour les Occidentaux, font partie des efforts de Moscou visant à créer un prétexte à une intervention militaire.

Malgré les efforts, en particulier ceux du président français Emmanuel Macron, pour régler la crise par la voie diplomatique, M. Poutine a réitéré ses déclarations provocatrices, à l’instar des accusations de " génocide " des Russes et russophones d’Ukraine. Il a également intimé à l’Ukraine dans une allocution télévisée de cesser immédiatement " ses opérations militaires " contre les séparatistes, au risque d’assumer " la responsabilité de la poursuite de l’effusion de sang ".
La Russie a quelque 150.000 soldats aux frontières de l’Ukraine selon l’Occident, laissant craindre une invasion d’ampleur. Ces actions tranchent avec l’espoir sucité par l’accord de principe d’une rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine qui devait se tenir le 24 février prochain à Genève. L’échec d’une telle promesse a poussé l’Élysée à dénoncer la " dérive idéologique " et le " discours paranoïaque " de Vladimir Poutine.Deux accords d’entraide entre Moscou et les sécessionnistes, d’une durée de dix ans, doivent être ratifiés par le Parlement russe mardi. Ils prévoient le déploiement " des unités militaires russes nécessaires au maintien de la paix dans la région et d’assurer une sécurité durable aux parties ". " L’Ukraine qualifie les derniers actes de la Russie de violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de notre Etat ", a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une adresse à la Nation, assurant que Kiev ne cèderait pas " une parcelle " du pays et n’avait peur " de rien ni personne ". Il a également appelé ses partenaires occidentaux à un soutien " clair " et " efficace ".
Ces décisions signent la fin d’un processus de paix sous médiation franco-allemande qui, bien que régulièrement violé, avait permis de stopper les affrontements les plus violents de ce conflit ayant fait plus de 14.000 morts depuis son déclenchement en 2014, après l’annexion de la Crimée par Moscou.
Les observateurs de l’OSCE ont enregistré en 48 heures plus de 3.200 nouvelles violations de la trêve censée être en vigueur. La Russie a assuré lundi qu’au moins 61.000 personnes avaient été " évacuées " des zones séparatistes vers son territoire. M. Poutine a aussi de nouveau incriminé les pays occidentaux, leur reprochant d' "utiliser l’Ukraine ", ce qui " représente une menace sérieuse, très grande pour nous ". Les Russes se sont défendus de tout projet d’invasion de l’Ukraine, réclamant l’assurance que Kiev ne rejoindra jamais l’Otan et le retrait de l’Alliance d’Europe de l’Est. Malgré les condamnations unanimes et les sanctions évoquées, les Occidentaux peinent à égaler en force les réactions du dirigeant russe. Le président Joe Biden a réaffirmé à son homologue ukrainien " l’engagement des Etats-Unis " au respect de " l’intégrité territoriale de l’Ukraine " et promis des mesures " rapides " et " résolues ". La présidence française a annoncé des sanctions prochaines de l’UE visant des entités et des individus russes. Et le Premier ministre britannique Boris Johnson veut décider mardi d’un " important paquet de sanctions ".
Les membres occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU ont par ailleurs tenu une réunion d’urgence lundi soir de cette instance. La Russie, présidente en exercice du Conseil de sécurité en février, et qui en maîtrise l’agenda, a voulu imposer une session à huis clos, mais les États-Unis s’y sont opposés, ont précisé à l’AFP des diplomates.
La secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo, a vivement " regretté " la décision russe de reconnaître l’indépendance des républiques sécessionnistes ukrainiennes, comme " l’ordre de déployer des troupes russes dans l’est de l’Ukraine ". " Les prochaines heures et jours seront critiques. Le risque de conflit majeur est réel et doit être évité à tout prix ", a-t-elle réclamé au début de la réunion.
Malgré des manoeuvres contradictoires, la Russie a déclaré à travers son ambassadeur à l’ONU Vassily Nebenzia ne ferme pas la porte à la " diplomatie " pour résoudre la crise en Ukraine, mais empêchera un " bain de sang " dans les territoires séparatistes de l’est du pays. Quant à l’ambassadeur ukrainien de cette même assemblée, il a affirmé que " les frontières de l’Ukraine ne changeront pas ".
Avec AFP