Dans une vidéo hollywoodienne, le régime nord-coréen avait dévoilé le 24 mars dernier le lancement d’un nouveau missile intercontinental nommé Hwasong-17, capable selon ses dires d’atteindre la totalité du territoire états-unien. Une réussite qui est en réalité une véritable supercherie selon les services de renseignement américains et sud-coréens, après une étude attentive des extraits vidéos. Il semblerait que le lancement du missile ait été un échec, et que Pyongyang ait lancé un ancien missile, le Hwasong-15, pour garder la face notamment auprès de sa population. 

La Corée du Nord a feint d’avoir lancé avec succès son plus puissant missile balistique intercontinental à des fins de propagande intérieure, une semaine après l’échec du véritable essai, selon des analystes.

Les médias d’Etat ont vanté le test, le 24 mars, du nouveau Hwasong-17 surnommé le " missile monstre " par des experts, publiant des photos et des vidéos à la mise en scène étudiée pour montrer le dirigeant Kim Jong Un supervisant personnellement cet essai.

Des analystes ont cependant relevé des incohérences dans le récit fait par Pyongyang. Les services de renseignement américains et sud-coréens ont conclu qu’il s’agissait en réalité du Hwasong-15, un ICBM moins avancé qui avait déjà été testé en 2017.

Mais pourquoi la Corée du Nord s’est-elle livrée à une telle supercherie ? Des analystes affirment que le pays avait besoin au plus vite de revendiquer une victoire à des fins de propagande intérieure avant la commémoration en avril de l’anniversaire (110 ans cette année) du fondateur de la Corée du Nord Kim Il Sung et après un échec le 16 mars du véritable essai du Hwasong-17 qui a explosé au-dessus de la capitale Pyongyang.

" La Corée du Nord voulait renforcer le loyalisme de ses citoyens à l’approche du +Jour du soleil+, en faisant de Kim Jong Un le chef compétent d’une puissance militaire ", explique à l’AFP l’analyste Yang Moo-jin, en référence à l’anniversaire, le 15 avril, de la naissance du grand-père de l’actuel dirigeant Kim Jong Un.

Mais " le lancement du 16 mars a échoué de façon spectaculaire et, pire encore, cela s’est passé à Pyongyang, ainsi toute la population y a assisté. M. Kim a probablement pensé qu’il avait besoin de frapper très fort pour se rattraper, et c’est probablement pour cela qu’il a menti ", affirme M. Yang.

Selon les services de renseignement sud-coréens, après le lancement raté du 16 mars, Pyongyang a eu recours à la falsification " pour mettre fin aux rumeurs et montrer la stabilité du régime ", ont rapporté des médias sud-coréens.

Avec seulement huit jours entre le lancement raté et le lancement prétendument réussi, Pyongyang n’a eu d’autre choix, faute de temps pour analyser les raisons de l’échec, que le recours à un subterfuge, selon ces médias.

Une crédibilité sérieusement entamée 

Ce ne serait pas une première pour la Corée du Nord. En 2016, elle avait tenté de faire passer un essai raté de missile balistique lancé par un sous-marin pour un succès avec une vidéo dont des séquences avaient été truquées, selon des analystes.

Le fait que des experts indépendants et les services de renseignement américains et sud-coréens aient été capables de découvrir aussi rapidement la supercherie sape la crédibilité de Pyongyang, a souligné Mason Richey, professeur associé à l’université Hankuk. Si la Corée du Nord a " menti sur quelque chose d’aussi évident en apparence que le type d’ICBM, a-t-elle également menti dans des domaines plus opaques? " comme la capacité de ses missiles à résister à une rentrée dans l’atmosphère.

Si la crédibilité de sa force de dissuasion nucléaire est remise en question, cela " pourrait inciter des responsables de la défense américaine, très belliqueux, à tenter d’éliminer " le dirigeant " lors de futures crises entre les États-Unis et la Corée du Nord ", a-t-il ajouté.

La Corée du Nord a annoncé le 25 mars avoir lancé le missile Hwasong-17, dans une vidéo à la mise en scène hollywoodienne, mais quelque peu datée.

Kim Yong Un apparaît en blouson en cuir et lunettes de soleil, flanqué de généraux qui se préparent au tir du missile Hwasong-17.

Mais de nombreuses incohérences dans cette vidéo ont mis la puce à l’oreille des analystes, qui ont compris que la version officielle des événements était, au mieux, trompeuse.

Le site web spécialisé NK News, basé à Séoul, a analysé les images satellite et relevé des signes laissant penser que des séquences avaient été filmées non le 24 mars, mais probablement lors de l’essai raté du 16 mars.

Une supercherie qui vise à rassurer la populatio

" Kim Jong Un visait probablement le public national, afin d’étouffer les rumeurs qui se sont probablement propagées à la suite de l’échec très visible de l’ICBM au-dessus de Pyongyang " et de stimuler " la fierté nationaliste " avant le 15 avril, a déclaré à l’AFP Colin Zwirko, analyste de NK News. " Il pourrait ne pas avoir voulu gaspiller les images du Hwasong-17 et n’était pas en mesure d’en lancer un autre rapidement et dire la vérité sur un tir de Hwasong-15 aurait manqué d’impact ", a-t-il ajouté.

Selon Hong Min, de l’Institut coréen pour l’unification nationale, le fait que " le Nord a simulé le lancement du Hwasong-17 " avait pour " but de montrer les réalisations accomplies sous l’égide de Kim ".

La vidéo de la chaîne publique KCTV constitue " une révolution dans l’histoire de la propagande nord-coréenne ", estime Rachel Minyoung Lee, du programme au 38 North au Stimson Center de Washington. Selon elle, si cette propagande a évolué depuis l’arrivée au pouvoir du dirigeant, un nouveau cap a été franchi avec cette vidéo. " Elle a dû s’améliorer et rendre le contenu de la propagande plus réel, plus intéressant et plus persuasif ", même si les événements présentés sont inventés.

Avec AFP