À 10 jours du premier tour, les observateurs redoutent un taux de participation historiquement bas dans une campagne présidentielle marquée par un faible engouement et où tout semble déjà joué. Tour d’horizon des dynamiques qui animent les principaux candidats.   

Temps fort de la vie politique française, l’élection présidentielle, dont la campagne officielle est lancée depuis lundi, peine à mobiliser. Lassitude, voire désintérêt pour certains, nombre de Français déplorent un manque d’adéquation entre les débats médiatiques et les sujets qui leur tiennent à cœur. Parmi ceux-ci: le pouvoir d’achat, suivi de la protection sociale, de la sécurité et de l’immigration, selon le baromètre OpinionWay – Kéa Partners pour "Les Echos" et Radio classique.

Malgré l’importance des enjeux précités, les observateurs craignent un taux de participation historiquement bas dans une campagne où tout semble déjà joué. Preuve s’il en est l’inédite décision de TF1, première chaîne privée française, de ne pas organiser une grande soirée électorale au soir du premier tour.

Globalement, ce manque d’engouement des Français pourrait être imputable à une crise de confiance envers la classe politique, une méfiance croissante envers les institutions et un échiquier politique plus que jamais fragmenté, notamment à gauche. S’ajoute à cela l’instrumentalisation du débat par les candidats, qui peinent de surcroît à aborder en profondeur certains enjeux brûlants de l’actualité, en tête desquels l’inflation et la guerre en Ukraine, qui a mis en exergue la dépendance énergétique européenne.

Menace abstentionniste

Un contexte qui somme toute sert le président sortant, largement en tête de la course avec 28% des intentions de vote. Pour autant, les macronistes craignent que la tendance engendre également une démobilisation de leur électorat. Avec une campagne malgré tout tenue au minimum, le chef de l’État boude les déplacements et les bains de foule, accaparé entre autres par le dossier ukrainien.

Avec des promesses de campagne incluant notamment la retraite à 65 ans et la réduction des droits de succession, il ratisse à droite, tentant comme à l’accoutumée d’en courtiser l’électorat. De quoi affaiblir davantage une Valérie Pécresse bien en repli dans les sondages. Créditée d’environ 10% des intentions de vote, la candidate Les Républicains (LR) est au coude à coude avec Éric Zemmour. " Être devant [lui] est quand même important pour la suite. Finir dernier des droites, ça peut être dur ", souligne avec inquiétude un cadre LR à l’AFP, alors que le parti aura une centaine de sièges de députés sortants à défendre aux législatives de juin. La présence du candidat-polémiste profite paradoxalement à la campagne d’Emmanuel Macron, puisque Éric Zemmour siphonne une partie de l’électorat de Marine Le Pen.

 

 

Cette dernière confirme cependant sa présence au second tour, avec 17,5% des voix selon l’enquête Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, la fondation Jean Jaurès et le Centre de recherches politiques de Sciences Po paru lundi. Un sondage du groupe Ifop-Fiducial également publié en début de semaine indique qu’Emmanuel Macron remporterait l’élection avec un score de 53% contre 47% pour Marine Le Pen. Un sondage réalisé à la même période par Ipsos Sopra-Steria, annonce des scores de respectivement 56% et 44%. Dans les deux cas, la candidate du Rassemblement national a gagné trois points en une semaine. À noter toute fois que les sondages ne sont que des indicateurs et comportent une marge d’erreur. Crédité de 14% des intentions de vote, Jean-Luc Mélenchon occupe la 3e place des sondages. Une progression pour le moment insuffisante pour l’Insoumis, qui peine à mobiliser une gauche toujours plus fragmentée et une campagne qui suscite peu au sein de l’électorat.

L’abstention, une rivale à part entière dans la course à l’Élysée? D’après une récente enquête BVA pour Orange et RTL sur les abstentionnistes, 71% seulement des sondés auraient l’intention d’aller voter les 10 et 24 avril prochains. Si cette tendance venait à se confirmer, le taux d’abstention au premier tour pourrait même être plus élevé qu’en 2017 (22,3%) et battrait même celui de 2002 (28,4%). Un record historique pour cette dernière, qui porte bien son surnom de "premier parti de France".