Dans les abris antiaériens de Kharkiv, des marionnettes et des poèmes
A l’aide de leurs téléphones portables, les marionnettistes arrachent quelques rires et même des exclamations à leur public captivé.
A la fin du spectacle, Oleksandra s’incline devant cette petite foule et invite les enfants à venir jouer avec les marionnettes.
" Se produire en direct, c’est toujours une émotion qui est dans le moment présent ", raconte Mme Chlykova. " Nous échangeons nos émotions et nous retrouvons notre bonne humeur. C’est difficile de le décrire, il faut le ressentir ".
A 21 km de la frontière russe
Dans le collimateur de Moscou depuis que le président russe Vladimir Poutine a annoncé retirer ses troupes de la région de Kiev pour se concentrer sur l’est de l’Ukraine, Kharkiv connait chaque jour des frappes meurtrières.
Les stations de métro de cette ville située à seulement 21 kilomètres de la frontière russe ont été transformées en immenses abris souterrains.
Samedi, deux personnes ont été tuées et 18 autres blessées dans un bombardement ayant visé le centre-ville, selon les autorités locales. Et, de même source, dix personnes sont mortes et 35 autres ont été blessées vendredi au cours d’une frappe contre un quartier d’habitation.
Dans les stations de métro, les matelas et les couvertures côtoient habits, jouets, affaires de toilettes. Les wagons ont été transformés en dortoirs.
Spectacle de poésie dans un bunker
Pour Oksana, 37 ans, le spectacle de marionnettes a été une éclaircie bienvenue. " De la vérité et de l’humour, ça vous donne un regain (d’énergie) et ça vous rend heureux ", dit cette mère accompagnée de ses deux filles.
Elles vivent dans un abri souterrain non loin de là, mais ont fait le déplacement pour ne pas manquer les marionnettistes.
" Quand vous assistez à ce spectacle, vous vous souvenez des histoires et, ensuite, cela change la façon dont vous regardez le monde ", confie-t-elle.
Ce poème est une " berceuse brutale ", qui s’inspire d’un livre pour enfants, raconte M. Jadan, une célébrité de la scène littéraire en Ukraine, où la poésie est un sport national.
" Une personne ne peut pas vivre avec seulement la guerre ", dit-il. " C’est très important (pour les Ukrainiens) d’entendre un mot, d’être capable de chanter ensemble, d’exprimer une certaine émotion. "
AFP
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L’hymne russe et celui des séparatistes
Derrière elle, des responsables sont debout près d’un drapeau russe et d’un autre aux couleurs des séparatistes. Un peu à l’écart, mais visible de tous, un soldat encagoulé et casqué surveille la scène, pistolet-mitrailleur entre les mains.
Quand l’hymne russe, hérité de l’URSS, retentit, les enfants écoutent, sans entonner ce chant qu’ils ne connaissent sans doute pas encore. Idem avec l’hymne des séparatistes.
" Ô Russie – notre puissance sacrée! (…) Gloire immense et forte volonté, sont ton héritage à jamais! ", chantent les hauts-parleurs, rares appareils à recevoir du courant.
La conquête russe le 11 mars de Volnovakha avait permis d’achever l’encerclement par le nord de Marioupol, port stratégique de la mer d’Azov, déjà attaqué depuis l’est et l’ouest.
" Bouclier humain "
Avant cela, pendant deux semaines, les défenseurs ukrainiens de la ville ont subi un déluge de feu.
Dans les rues, aujourd’hui, beaucoup d’habitations, de magasins et d’infrastructures civiles ont subi d’importantes destructions.
Pour le camp russe, ces destructions, ici comme ailleurs en Ukraine, sont la preuve que l’adversaire utilise la population comme " bouclier humain ".
Un mois après, des débris jonchent encore partout Volnovakha. Devant un hôpital éventré, des arbres ont été coupés en deux par la mitraille.
L’école N°5, située dans le centre-ville, a aussi subi des tirs. Plusieurs salles du bâtiment ont été soufflées.
" On a survécu à l’horreur, il y a eu des bombardements terribles ", raconte Lioudmila Khmara, 52 ans, une employée de l’école. Pourtant, elle veut rester car " on n’est jamais mieux que chez soi ".
Elle dit vouloir que Volnovakha fasse " partie de la Russie " et que " personne ne l’oblige " à parler ukrainien, dans cette région du Donbass très majoritairement russophone.
Moscou justifie son intervention militaire en Ukraine comme un devoir de protection des " Russes " du Donbass.
La lettre " Z "
Son armée ne laisse ici rien au hasard, même en l’absence de résistance armée : chars et véhicules militaires russes, ornés de la lettre " Z ", patrouillent dans Volnovakha, au milieu de civils à vélo.
L’hôpital municipal fonctionne lui tant bien que mal, malgré d’importants dégâts et en l’absence d’électricité.
Dans la pénombre, une infirmière, Natalia Nekrassova-Moukhina, 46 ans, affirme que ses patients, enfants, adultes et personnes âgées, viennent principalement pour soigner des blessures par éclats d’obus. Les habitants qui restent sont toujours en mode survie.
" On n’a pas de gaz, pas d’eau, pas d’électricité et pas de réseau. On vit comme dans un trou ", lâche Lioudmila Dryga, 72 ans, une ouvrière à la retraite.
Svetlana Chtcherbakova, 59 ans, dit avoir tout perdu dans l’incendie de sa maison. " On n’a reçu qu’une fois de l’aide humanitaire, c’est tout ", affirme, la voix tremblante, l’ancienne responsable de la sécurité d’un supermarché.
Un employé des chemins de fer, Anton Varoucha, 35 ans, estime, lui que moins de la moitié des habitants de sa rue sont revenus vivre à Volnovakha, bourgade qui comptait avant quelque 20.000 habitants.
" Je ne sais pas encore si je vais rester. Pour l’instant, j’ai des parents ici qui sont vieux et malades ", dit-il. " On essaye d’écouter différentes stations de radio pour comprendre ce qu’il se passe. Mais c’est difficile d’avoir d’autres sources d’information " sans internet ni électricité.
AFP
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