" C’est de votre faute! " : le gouverneur du Texas invectivé par son rival au lendemain de la tuerie

" C’est de votre faute!  " : dans une scène inhabituelle, signe des tensions aux Etats-Unis sur la question des armes, le gouverneur républicain du Texas a été invectivé en pleine conférence de presse mercredi par son rival démocrate, qui l’a rendu responsable de la tuerie survenue dans l’école d’Uvalde.

Connu pour être un ardent défenseur du port d’arme, le conservateur Greg Abbott venait de finir de raconter comment un jeune homme de 18 ans, qui " portait le mal dans son coeur ", avait tiré sur sa grand-mère avant de se rendre dans l’école, où il a tué 21 personnes, dont 19 enfants. Il a été abattu par la police après son massacre, qui s’ajoute à une longue liste de tueries aux Etats-Unis, notamment en milieu scolaire.

Ted Cruz et John Cornyn dans toute leur splendeur

Le démocrate Beto O’Rourke, qui l’affrontera lors des prochaines élections pour le poste de gouverneur, en novembre prochain, s’est levé et s’est avancé vers la scène, où était assis Greg Abbott, entouré d’une nuée d’officiels, dont les sénateurs républicains et pro-armes Ted Cruz et John Cornyn, dans un auditorium de la ville texane endeuillée.

Ce garçon ainsi que sa soeur ont eu la vie sauve, mais d’autres n’ont pas eu la même chance.

" Vous dites que cela n’était pas prévisible, c’était complètement prévisible à partir du moment où vous avez décidé de ne rien faire ", a fustigé le démocrate de 49 ans. " Je défends les enfants de cet Etat pour que cela ne se reproduise plus ", a-t-il ajouté.

Greg Abbott est resté impassible, mais l’irruption de son rival a provoqué un moment de confusion et de tensions, le démocrate se voyant à son tour accusé de manière véhémente de " dépasser les bornes " avant d’être conduit par la police vers la sortie.

" Fils de… "

" Vous êtes un sale connard de venir à un tel événement pour en faire une question politique ", a crié le maire républicain d’Uvalde, Don McLaughlin.

" C’est le moment maintenant. Littéralement, maintenant ", a au contraire assuré le démocrate à des journalistes, une fois sorti de l’auditorium.

Depuis la tuerie commise par un tireur d’extrême droite dans un supermarché de sa ville natale El Paso (23 morts), en 2019, Beto O’Rourke a fait de la lutte contre les armes à feu un de ses grands marqueurs politiques.

" Pourquoi laissons-nous cela se produire dans ce pays ? Pourquoi cela se produit-il dans cet État, année après année, ville après ville ? ", a demandé le démocrate, un temps candidat à la primaire pour la présidentielle de 2020.

" Vous voulez une solution ? Arrêtez de vendre des (fusils semi-automatiques) AR-15 au Texas. Vous voulez une solution ? Mettez en place des vérifications d’antécédents " pour toutes les transactions d’armes, a-t-il ajouté.

 

Le Texas en deuil, l’Amérique en colère

" On a entendu des cris à Rama, des pleurs et de grandes lamentations. Rachel pleure ses enfants, et n’a pas voulu être consolée, car ils n’existent plus. "

 

La tragédie pouvait-elle être évitée? L’éternelle question de la limitation des armes à feu aux Etats-Unis s’est imposée mercredi à Uvalde comme dans le reste du pays, au lendemain de l’effroyable massacre de 19 écoliers dans cette ville texane assommée par le deuil.

Un lycéen en rupture scolaire, Salvador Ramos, 18 ans, a ouvert le feu au fusil semi-automatique dans une école primaire, abattant également deux enseignantes avant d’être tué par les policiers.

" Je suis triste et en colère contre notre gouvernement qui n’en fait pas assez pour limiter l’accès aux armes ", fustige Rosie Buantel, à la sortie de la messe dans cette ville de 16.000 habitants. " Nous avons vécu cela trop de fois, et rien n’est fait ", assène cette quinquagénaire.

 

Aux Etats-Unis, les fusillades en milieu scolaire sont un fléau récurrent que les gouvernements successifs ont jusqu’à présent été impuissants à endiguer.

Le débat sur la régulation des armes à feu aux Etats-Unis tourne pratiquement à vide étant donné l’absence d’espoir d’une adoption par le Congrès d’une loi nationale ambitieuse sur la question.

Signe de la tension autour du sujet, la conférence de presse du gouverneur républicain du Texas Greg Abbott mercredi a été interrompue par son opposant Beto O’Rourke, qui l’a accusé d’avoir sa part de " responsabilité " dans la tragédie. (VOIR VIDÉO)

Le président Joe Biden a annoncé mercredi qu’il se rendrait dans cet Etat avec son épouse " dans les prochains jours ".

La veille, il avait livré une allocution émue depuis la Maison-Blanche, appelant à " transformer la douleur en action ".

 

" Quand, pour l’amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes? ", avait-il lancé, se disant " écœuré et fatigué " face à la litanie des fusillades en milieu scolaire.

Le puissant lobby pro-armes, la NRA, s’est dédouané mercredi de toute responsabilité, dénonçant " l’acte d’un criminel isolé et dérangé ".

A Uvalde, une chape de plomb recouvrait mercredi la ville, où les habitants étaient partagés entre deuil, effroi et stupeur au lendemain du massacre.

" On a l’impression qu’un nuage noir plane sur la ville ", confiait à l’AFP un habitant, Adolfo Hernandez, dont le neveu se trouvait dans cet établissement plongé dans l’épouvante et le chaos par un tireur de 18 ans, abattu par la police.

" On veut se pincer et se réveiller de cet horrible cauchemar ", a-t-il ajouté.

 

Les rues aux alentours de l’école endeuillée étaient bouclées par les forces de l’ordre, où un calme lugubre régnait, ont constaté des journalistes de l’AFP.

La veille, à la mi-journée, l’horreur s’est abattue sur cette ville lorsqu’un tireur, identifié comme Salvador Ramos, a commis l’une des pires tueries de ces dernières années aux Etats-Unis.

Parmi les 19 jeunes victimes: Xavier Lopez, un petit danseur de 10 ans; Ellie Garcia, décrite comme " un trésor " et " la plus heureuse de nous tous " par ses parents; ou encore Jose Flores, 10 ans, qui " adorait aller à l’école ", selon son oncle Christopher Salazar.

Le tireur, qui a d’abord visé sa grand-mère, grièvement blessée et hospitalisée, s’est ensuite rendu à l’école primaire Robb, près de laquelle il a accidenté sa voiture.

L’école primaire Robb à Uvalde, lieu de la tuerie

 

Il avait au préalable annoncé sur Facebook qu’il allait perpétrer cette attaque, a rapporté Greg Abbott.

Salvador Ramos, a ainsi successivement publié un message prévenant qu’il allait tirer sur sa grand-mère, puis un autre précisant qu’il l’avait fait. " Le troisième message, sans doute moins de 15 minutes avant d’arriver à l’école, disait: +Je vais ouvrir le feu dans une école primaire+ ", a précisé le gouverneur lors d’une conférence de presse.

Les forces de l’ordre ont tenté de l’empêcher d’entrer dans l’école, mais après un échange de coups de feu, il est parvenu à se barricader dans une salle de classe.

C’est là qu’il a massacré 19 jeunes élèves , âgés d’une dizaine d’années tout au plus, et deux enseignantes, et fait 17 blessés en utilisant un fusil d’assaut AR-15, selon le gouverneur, avant d’être abattu par la police.

 

Le jeune tireur, de nationalité américaine, s’était tout récemment acheté deux fusils d’assaut et 375 cartouches, juste après son 18e anniversaire.

Le fusil AR-15, arme extrêmement létale, est funestement connu pour avoir déjà été utilisé dans d’autres fusillades aux lourds bilans, comme la tuerie en 2018 dans un lycée de Parkland en Floride, qui avait fait 17 morts, dont une majorité d’adolescents.

Un ancien ami du tireur, Santos Valdez, a confié au Washington Post que Salvador Ramos avait été harcelé enfant à cause d’un défaut d’élocution, et qu’il s’était un jour entaillé le visage " juste pour s’amuser ".

Le grand-père du tireur, Rolando Reyes, a dit à une antenne locale de CBS ressentir " beaucoup de douleur, car beaucoup de ces enfants (morts) sont des petits-enfants d’amis à moi ".

Dans une communauté à majorité hispanique, le quartier de l’école primaire Robb est habité par une classe moyenne modeste d’Américains qui vivent dans des petites maisons simples, en bois et à un étage.

AFP