Ici Beyrouth ouvre une enquête à plusieurs volets sur le financement du basket-ball au Liban, en approchant les parties prenantes économiques de ce sport. Premier volet de l’enquête (en attendant les diffuseurs, annonceurs, clubs et journalistes historiques): l’économie de la Fédération libanaise de basket, avec pour intervenant son président, Akram Halabi, qui dévoile l’impact des différentes crises traversées par le pays sur les rouages financiers de ce sport au Liban.

Ces trois dernières années au Liban, rares sont les secteurs où les industries ont pu surnager face aux défis engendrés par le marasme politique, économique et sanitaire ambiant. Le basket libanais, sport le plus populaire au pays du Cèdre, comme pourrait le confirmer les 49.000 likers de la page de la Fédération libanaise de basket sur Facebook (contre 38.000 pour la Fédération libanaise de football, à titre de comparaison), n’échappe pas à la crise et a enregistré une baisse sévère de ses revenus au cours des deux, voire des trois, dernières années. Rappelons que ce sport, fort d’une première vague d’investissements importante dans le milieu des années 90 de la part de plusieurs hommes d’affaires, avait connu un développement important et rapide, qui a pavé la voie à la qualification à trois coupes du monde successives en 2002, 2006 et 2010. Un véritable exploit pour un pays de près de quatre millions d’habitants seulement.

Mais si la sélection nationale est toujours performante aujourd’hui et conserve toutes ses chances pour une qualification pour la coupe du monde 2023, le contexte économique du Liban rend la situation de la Fédération de ce sport plus difficile. Dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, Akram Halabi, l’actuel président de la Fédération est revenu sur la situation actuelle. Il donne d’emblée le ton. "Les crises économique et politique ont affecté négativement le basket libanais. Désormais, les revenus générés par les clubs et la Fédération grâce aux matches sont nettement inférieurs aux dépenses", explique Halabi. "Du coup, les clubs se retrouvent en déficit financier. Avant la crise, ce déficit était comblé par les sponsors. Le contexte économique actuel a provoqué le retrait de plusieurs d’entre eux de l’arène du financement. Avant, les annonceurs payaient leur ticket sponsoring en dollars, mais crise oblige, le versement se fait désormais en livres libanaises. Un sponsor qui payait autrefois 100.000 dollars par exemple n’est plus du tout disposé à débourser autant aujourd’hui. La crise a chamboulé tout le paysage économique du pays, et le basket a également subi un effondrement économique", poursuit le président de la Fédération de basket.

En plus du contexte politique et économique, la crise sanitaire mondiale du Covid-19 n’a pas épargné les industries du spectacle et du divertissement à l’échelle mondiale. Le sport de haut niveau, dont la billetterie représente toujours une des recettes les plus importantes, a donc été une des premières victimes collatérales de cette pandémie. Akram Halabi souligne à cet égard que "le Covid ainsi que la révolution du 17 Octobre 2019 ont mené à l’arrêt forcé du championnat du Liban pendant plus d’un an. Du jour au lendemain, tous les professionnels du secteur se sont retrouvés sur le carreau. Aussi bien les joueurs que les entraîneurs, les physiothérapeutes, les médecins ou les stadiers."

Droits TV et numériques

La recette la plus importante pour la Fédération, dans ce contexte, provient des droits télévisuels et numériques. Akram Halabi révèle que "le contrat actuel de la MTV court jusqu’à la fin de la saison 2023-2024. Le montant du contrat est de 700.000 dollars sur les trois ans, avec un accord sur un paiement annuel progressif, dont 140.000 dollars pour la première année. Avant la crise, le contrat pour les droits TV (qui incluait alors pour le détenteur, dans le même package, les droits numériques) était significativement plus important. Sur le précèdent contrat de 4 ans, le diffuseur s’était acquitté de 1.122.000 dollars par an. Quant aux droits numériques, gagnés par SBI, pour la même période que la MTV, ils ont été payés un peu plus de 400.000 dollars pour l’ensemble des trois ans". Par conséquent, ces droits vont rapporter en moyenne près de 366.000 dollars par an pendant trois ans, tandis qu’au cours des quatre années précédentes, le contrat générait 1.122.000 dollars par an, soit une baisse des revenus de 67% par an.

Transition réussie vers le numérique

Grâce à l’importance accordée au numérique, la Fédération prend le bon wagon, avec la croissance de l’audimat sur les plateformes digitales, pour les rencontres sportives, à l’échelle mondiale et au Liban, notamment chez les populations les plus jeunes. Akram Halabi explique qu’il y a une transition progressive de la consommation audiovisuelle sportive, de la télévision vers le mobile et les tablettes. "La dernière saison avant la révolution, nous avions un contrat avec Alfa. L’opinion publique avait critiqué ce partenariat, en raison du fait qu’il fallait payer 5 dollars par mois pour voir le championnat. Mais notre vision de l’avenir nous orientait naturellement vers le numérique. Aujourd’hui, nous avons séparé les droits TV des droits numériques dans notre offre", dit-il.

A noter que les droits TV et numériques sont repartis de la façon suivante: 20% de ce montant est réservé à la FLB, 10% à la première division de basket féminin, et 70% de ces revenus sont repartis équitablement entre les clubs de première division masculine.

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